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vait de nouveau tout compromettre; il partit, sur l'assurance réitérée qu'elle serait incessamment expédiée. Elle le fut en effet; mais un parti de cosaques fondit sur les parlementaires qui en étaient porteurs. Français et Autrichiens, tout fut enlevé, et l'on poussa d'autant plus vivement l'entreprise qu'on avait formée sur Paris.

Cette circonstance était sans doute ignorée par Schwarzemberg, puisqu'au lieu d'accueillir les ouvertures du duc de Trévise, il lui répondit par l'envoi d'une pièce odieuse sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. Les choses restèrent dans l'état où elles étaient; il ne vint à la pensée de Dejean ni de Mortier de faire connaître à Marmont l'arrivée prochaine de l'empereur, d'user le temps de la suspension d'armes, et de tenter un nouvel effort pour atteindre la nuit.

Les deux maréchaux se réunirent paisiblement à la barrière de la Villette, où ils arrêtèrent, avec M. de Nesselrode et le comte Orloff, la capitulation que signèrent le colonel Fabvier et le colonel Saint-Denys, l'un officier d'état-major, et l'autre premier aide-de-camp du duc de Raguse.

Ainsi finit cette déplorable affaire, et le sort de la France fut décidé.

L'empereur n'avait cependant demandé à Paris que de se défendre quatre ou cinq jours, et il avait annoncé, en quittant la capitale, qu'il serait possible que, par suite des manœuvres qu'il était obligé de faire, les ennemis s'approchassent jusque sous les murailles de cette grande ville, mais qu'il ne tarderait pas à arriver. On lui avait promis de ne point s'effrayer de l'approche des ennemis, mais on ne lui tint pas parole; ce n'est pas Paris qui a des reproches à se faire, tous les citoyens étaient prêts à suivre ceux qui auraient voulu les conduire ; et si, au lieu de laisser dans les arsenaux ainsi qu'au Champ-de-Mars les armes et l'artillerie qui y

furent trouvées par les ennemis, on les avait abandonnées à la population de Paris quatre jours plus tôt, elle aurait su en tirer un meilleur parti. Une faute aussi grave ne doit être attribuée qu'à ces hommes médiocres qui, avides de faveurs et de pouvoir, étaient parvenus, à force de bassesses et de protestations de leur dévouement, à se faire accorder une confiance exclusive; ce sont eux qui ont disposé de nos destinées en manquant de courage dans les momens périlleux.

Au moment où l'on faisait prendre au prince Joseph la fatale résolution dont je viens de parler, les ministres et tout ce qui composait l'action du gouvernement étaient encore à Paris. On aurait sans doute bien voulu alors que cette ville fût en état d'insurrection, mais il ne restait que quelques heures pour distribuer les armes et disposer l'immense artillerie qui était au Champ-de-Mars, dépaver les rues, et, en général, prendre l'attitude d'une place déterminée à se défendre, tout cela aurait pu se faire quelques jours plus tôt, mais lorsque les citoyens de Paris virent qu'on avait plus de confiance dans les ennemis qu'en eux pour conserver leur ville, ils ne durent naturellement avoir qu'une fort mince opinion de ceux aux mains desquels on avait remis le soin de leur sort. On se regardait avec inquiétude; on se demandait comment cela allait finir.

J'étais encore sur les hauteurs de Belleville, lorsque le conseil de défense, qui se tenait à Montmartre, prit la dernière résolution. Je vins à la barrière Saint-Antoine; je parcourus le faubourg, qui était prêt à tout, si ce n'est à se rendre; tout le monde demandait instamment des armes ;

il y avait de quoi faire une armée des hommes qui étaient dans ces généreuses dispositions. En montant le boulevard Saint-Antoine pour me rendre une seconde fois à la barrière, je rencontrai dans une calèche le duc Dalberg, qui revenait de l'intérieur du faubourg; je lui demandai d'où il venait;

il était très agité. Cette rencontre me surprit et m'occupa un instant; j'ignorais encore la décision qui venait d'être prise à Montmartre. Il était facile de lui faire expier ses trames, mais la partie était perdue; une exécution n'eût servi à rien: je le laissai aller.

De la barrière Saint-Antoine, je revins à Montmartre, On passait encore le long du boulevard extérieur, mais les ennemis n'en étaient pas éloignés. Arrivé au pied de la hauteur, j'appris qu'il était arrivé un aide-de-camp de l'empereur, et que l'on venait de voir passer le prince Joseph accompagné du duc de Feltre, avec qui il s'était acheminé le long du boulevard extérieur qui mène à la barrière de Mousseaux et à celle de la rue du Roule. Je pris par l'intérieur pour lui couper le chemin et le rejoindre à la barrière des Champs-Élysées; j'arrivai trop tard. Les officiers de la garde nationale m'apprirent qu'il s'était dirigé sur le bois de Boulogne; je cherchais vainement à me rendre raison de cette marche singulière, lorsque je fus joint par un maréchaldes-logis de la garde de Paris, qui avait couru après moi depuis le faubourg Saint-Antoine. Il m'apportait une lettre d'un des secrétaires de mon cabinet, qui me rendait compte qu'il venait de recevoir pour moi une lettre très pressée du grand-juge, et qu'on en avait exigé un reçu circonstancié. Je courus chez moi, et j'y trouvai l'ordre de quitter Paris à l'instant pour suivre les traces de l'impératrice.

On me rendit compte que M. de Talleyrand était venu, il y avait environ deux heures; qu'il m'avait attendu et était parti en disant qu'il reviendrait, qu'il avait à me parler. Je jugeai, par l'heure de la date que portait la lettre du grandjuge, du motif qui l'amenait. Resté chez lui pendant que je courais d'une barrière à l'autre, il avait reçu avant moi la dépêche qui lui prescrivait de quitter Paris, et voulait m'entretenir à ce sujet. J'avais deviné juste. M. de Talleyrand, revenu presque aussitôt que je fus arrivé à mon hôtel, se mit

à me faire part de l'embarras où il était. Il ne refusait pas de partir, sans se soucier beaucoup de le faire. Il recommença ses tirades contre ceux qu'il accusait de tous les malheurs qui arrivaient, et plaignit vivement l'empereur de s'en être rapporté aux ignorans qui l'avaient perdu. Il ajoutait cependant que les mauvais traitemens qu'il en avait reçus avaient mis tout-à-fait hors de son cœur les anciens sentimens qu'il avait eus pour lui, et qu'il ne saurait oublier qu'il l'avait sacrifié à des misérables. Néanmoins il désirait, pour le bien de tous, que l'édifice ne fût pas détruit, et ce n'était plus qu'à Paris que l'on pouvait le sauver. Il me demandait à l'autoriser à rester, persuadé que je ferais une chose utile pour le bien du service de l'empereur et de tout le monde.

Je ne me laissai pas prendre au leurre, et répondis au diplomate que non seulement je ne l'autorisais pas à rester, mais que je lui intimais, autant qu'il était en moi, de partir sur-le-champ pour se rendre près de l'impératrice : je le prévins même que dès ce moment j'allais surveiller son départ, et prendre des mesures pour le faire effectuer. Je chargeai en effet des agens d'avoir l'œil sur le personnage. Il feignit de se rendre à mon injonction, et courut solliciter du préfet de police l'autorisation qu'il n'avait pu obtenir de moi. Le préfet refusa; M. de Talleyrand fut obligé de se mettre en route, et de se faire officieusement arrêter pour rentrer à Paris. C'était bien de la prudence, ou ses plans n'étaient pas encore arrêtés; car enfin à quoi bon solliciter avec tant de persévérance l'autorisation de rester à Paris? Si ces conventions eussent été faites, il lui suffisait de se cacher quelques heures pour se trouver au milieu des Russes; mais il n'était sûr de rien, il redoutait l'avenir, et voulait, à tout événement, être en mesure de justifier son séjour dans la capitale. Il fit croire aux alliés qu'il avait des moyens de consommer la ruine de l'empereur, et à ses dupes, que les alliés hésitaient, mais qu'il espérait vaincre leurs répugnances, et ramener les Bourbons.

CHAPITRE II.

Je quitte Paris.-M. Pasquier et M. de Chabrol restent chargés de veiller à la sûreté de la capitale.-Je suis tenté de revenir sur mes pas.-Toujours M. de Talleyrand.-L'empereur ne pensait pas que ses antécédens lui permissent de se rallier aux Bourbons.-Esquisse des actes des diplomates contre les diverses branches de cette maison,

AUSSITÔT que M. de Talleyrand fut sorti de chez moi, je m'occupai de mon départ. Je fis venir le préfet de police, M. Pasquier; après lui avoir donné connaissance de l'ordre que j'avais reçu, je le chargeai de rester à Paris, et lui communiquai tout ce que je pressentais devoir être la suite d'une décision contre laquelle je m'étais vainement élevé. Je ne lui cachai pas que je ne m'abusais point sur la grandeur du mal, qu'on allait tenter de déplacer le pouvoir, qu'indubitablement on s'adresserait à lui pour le faire concourir à cette entreprise; je l'engageai à se tenir sur la réserve, et surtout à se rappeler son devoir, qu'un homme d'honneur ne méconnaît jamais. Je lui dis que M. de Chabrol, qui était préfet de la Seine, dans lequel l'empereur avait eu assez de confiance pour le charger de l'administration de Paris à l'approche de l'orage, recevait du ministre de l'intérieur la même mission que lui-même recevait de moi; qu'ils pouvaient, en réunissant leurs efforts, empêcher beaucoup de mal et se faire infiniment d'honneur. M. Pasquier connaissait depuis longtemps mes opinions particulières sur l'issue de cette lutte; je l'avais souvent entretenu de tout ce que je craignais, et il y avait beaucoup de choses sur lesquelles j'étais en confiance avec lui. Je me félicitai de pouvoir le laisser à Paris dans la circonstance où nous étions, tant à cause de la considération

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