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à la censure, c'est-à-dire, anéantir la liberté..... Mais quels sont les livres qu'il excepte de la sienne? tous ceux qu'on ne lit point ou presque point; quels sont ceux qu'il y soumet, tous ceux qu'on lit, tous les écrits que le commun des hommes peut lire, et beaucoup plus que le commun des hommes ne veut et ne peut en lire. Il est donc vrai que, d'accord plus qu'il ne pense avec tous les publicistes, le ministre accuse lui-même sa censure d'anéantir la liberté.

Il n'en conviendrait pas, que les pierres même s'éleveraient, s'il est permis de parler ainsi, et proclameraient que son projet est précisément l'esclavage de la presse.

Comment la presse est-elle captive à Rome, en Espagne, en Autriche? parce qu'il y a censure préalable et arbitraire. Cette censure aura lieu en France: on n'aurait donc montré aux Français la liberté que pour s'efforcer de la leur ravir, que pour leur faire partager le sort des états gouvernés par le despotisme et l'inquisition.

Le roi nous a garanti par sa charte la liberté de la presse ; comment oser dire qu'en octroyant à nos besoins et à nos lumières ce bien précieux, dont il nous a trouvés en possession, c'est précisément la censure arbitraire qu'il nous a octroyée dans sa bonté libérale? Voilà pourtant ce que dit par deux fois le préambule même de la loi proposée ; voilà ce qu'on retrouve encore dans les premiers et dans les seconds motifs. Qui du prince on de la nation a le plus à se plaindre d'un tel langage et d'une telle entreprise?

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Il est vrai qu'à Constantinople, lorsque par fois on y souffre l'imprimerie, elle est confinée dans le sérail, sous la garde des muets et des eunuques ; mais la censure arbitraire et préalable, confiée à un ministre et à ses suppôts amovibles, serait une chose pire encore, puisque ce serait confiner l'imprimerie dans les cabinets d'un ministre qui, un jour, pourrait vouloir étouffer non-seulement les vérités utiles à connaître pour tous les citoyens, mais celles même qu'il importerait le plus au roi de savoir, et quelquefois de publier.

Concluons. Si l'on considère le projet, selon son préambule, comme un complément de la charte comme son accompagnement inséparable, il doit être rejeté comme injurieux à Sa Majesté, comme destructif directement du droit de publier nos opinions, et indirectement de tous nos droits politiques. Il devrait être aussi rejeté, si c'était franchement une mesure suspensive et de circonstance, parce qu'on s'obstine à la présenter dans les seconds motifs et dans le préambule comme conforme à la constitution qu'elle détruit; parce qu'elle a passé d'urgence à la chambre des députés, contre le texte et l'esprit de l'article 46 de la charte; parce qu'enfin la mesure n'est point justifiée par les circonstances, et qu'elle serait inefficace en cas de troubles.

Le besoin urgent des circonstances est d'observer la constitution, et non de la suspendre. La constitution violée par les actes des autorités, la constitution paralysée par le retard des lois nécessaires à

son développement, voilà les maux des circonstances et la vraie source des inquiétudes. Vous avez eu le courage de les dénoncer à Sa Majesté dans votre der nière adresse. Soyez donc conséquens, Messieurs; demeurez les fidèles gardiens du dépôt qui vous est confié; n'allez pas consentir que la charte soit violée en commençant, dans trois ou quatre de ses articles, principaux; attachez-vous à lui procurer la vie qui manque au plus grand nombre de ses dispositions: c'est là qu'est votre honneur, le salut de la patrie, le salut des deux chambres, et le vœu certain de l'immense majorité de la nation. Donnez la provision à la liberté, à la loi, à la constitution, à la possession, à l'expérience déjà faite, sans trop d'inconvéniens, à l'époque de toutes, la plus hasardeuse.

L'esclavage de la presse, en créant des mécon tens, en leur fournissant des griefs, pourrait fomenter des désordres; il ne remédierait à rien; car, proposer la censure contre des troubles publics, c'est conseiller de ridicules tampons afin d'arrêter des volcans en fureur.

Ici l'orateur fait la critique détaillée des articles du projet, et développe le moyen d'inconstitutionnalité dans la forme, tiré de l'article 46 de la constitution.

M. de Saint Vallier prend la défense de la loi. Il pense qu'il ne faut abuser de rien, et c'est pour cela, dit-il, que les législateurs ont réglé l'usage de tout. Ils doivent donc régler aussi l'usage de la liberté de la presse, car il ne faut pas plus en abuser

que de quoi que ce soit. Il trouve que cet usage est merveilleusement réglé par le projet de loi. Tout est constitutionnel dans ce projet, et la forme et le fond ; tout y est excellent, tout y est parfait. La censure ne doit inspirer aucun effroi. L'article 5 indique les ouvrages qu'elle doit proscrire; ce sont les libelles diffamatoires : faut-il laisser imprimer les libelles diffamatoires? On a eu tort de comparer la liberté de la presse à la lance d'Achille, il fallait la comparer aux flèches d'Hercule. Ce sont les écrits séditieux : Ah! Messieurs, jetons de tristes regards sur l'état malheureux où a été notre patrie pendant 25 ans! Qui de nous voudrait voir exposer de nouveau le vaisseau de l'Etat à de nouvelles tempêtes ? Ce sont les écrits contraires à l'art. 11 de la charte quidéfend de revenir sur les votes et opinions : quoi de plus louable (et de plus exactement observé)? Ce sont les écrits immoraux les mœurs sont les véritables et sûrs garans de la stabilité des lois, de la durée des empires, etc., etc. Il est donc évident que la censure ne peut arrêter que de mauvais livres.

L'orateur pense que les amendemens faits aux projets de loi ne devaient pas être portés dans les bureaux; car alors, dit-il, jamais une loi ne pourrait être faite. On doit y porter seulement ceux qu'on veut faire à une loi déjà existante. On a donc eu raison de ne pas y porter ceux qui ont été faits au projet de loi.

Quant à la composition de la commission censoriale, l'orateur ne la trouve qu'inconvenante; aussi n'y voit-il rien qui puisse faire rejeter une loi salutaire.

Il avoue qu'il aurait désiré une meilleure rédaction dans le préambule; mais heureusement ce préambule n'est pas la loi ; d'ailleurs il espère que, si cela est possible, le ministre pourra y faire quelques changemens, et il désire fort qu'il le puisse. En conséquence il vote pour l'acceptation pure et simple de la loi, sans amendement.

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M. le comte Dedelay-d'Agier ne partage pas l'opinion émise par M. le comte de Saint-Vallier. Il pense non seulement que le projet est contraire à l'esprit et au sens de l'article 8 de la charte, mais encore qu'il n'a pas été délibéré à la chambre des députés dans les formes constitutionnelles, et que, sous ce rapport, il est frappé de nullité radicale. Il s'arrête peu sur la première de ces propositions. Il observe, au sujet de l'interprétation forcée qu'on a donnée au mot réprimer, que la charte n'a pas été faite seulement pour des idéologues ou des grammairiens, mais pour la masse du peuple, et qu'aux yeux de la nation en général, réprimer ne signifie nullement prévenir; que par conséquent il est impossible que la Nation ne considère pas l'interprétation donnée au mot réprimer, comme une infraction évidente de la charte. Il trouve que la commission à laquelle doivent se porter les appels des jugemens des censeurs, est un bouleversement manifeste de la division des pouvoirs, et il n'en parle que pour observer que l'article relatif à cette commission suffirait seul pour motiver le rejet du projet de loi, si d'ailleurs il pouvait devenir

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