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DU CENSEUR..

FRANCE.

PARIS, 14-23 août 18 14.

On ne peut voir sans quelqu'inquiétude que les mi

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nistres s'obstinent à garder le silence sur tous les objets qui doivent le plus nous intéresser. Aucun d'eux ne paraft s'occuper des lois qui doivent compléter notre charte constitutionnelle; ils préparent des lois sur les douanes sur les naturalisations ou sur d'autres matières qui n'intéressent que quelques individus, et ils laissent dans l'oubli l'organisation des colléges électoraux, la responsabilité des agens du Gouvernement, et la sûreté individuelle des citoyens. La chambre des pairs leur a cependant demandé des projets de loi sur ces matières ; pourquoi ne défèrent-ils pas à cette invitation?

-L'article 57 de la constitution porte que la justice. s'administre par des juges que le roi nomme et institue. L'article 58 ajoute que les juges nommés par le roi sont inamovibles. Quelques personnes ont conclu de ces deux dispositions que les juges actuels n'étaient pas inamovibles; maintenant on se demande pourquoi M. le chancelier ne leur fait pas expédier leurs brevets de nomination, si l'on veut les maintenir; et pourquoi il ne les fait pas Bull. No. 7.

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remplacer si l'on veut les destituer. Les uns disent que c'est uniquement parce que, dans la chambre des dépu tés, il y a un grand nombre de conseillers dont le ministère sera sûr, tant qu'ils n'auront pas été nommés irrévocablement; les autres prétendent que c'est afin de tenir l'ordre judiciaire sous la dépendance du Gouvernement. - Depuis que le projet de loi destiné à rétablir la censure a été adopté par la chambre des députés, quelques personnes regardent la liberté de la presse comme définitivement supprimée. Cette opinion, qui est un outrage pour le premier corps de l'Etat, est assurément très-mal fondée. On ne doit pas oublier que la chambre des pairs renferme un grand nombre des membres de l'ancien sénat, qui motivèrent la déchéance de l'empereur sur ce qu'il avait soumis l'imprimerie à l'arbitraire des agens de sa police, et qui proclamèrent ensuite la liberté de la presse dans un moment bien plus difficile que celui où nous nous trouvons; il est vrai que cette chambre se compose aussi de ce que l'ancienne noblesse avait de plus illustre ; mais c'est une raison de plus pour nous de croire que dans cette grande occasion, comme dans toutes les autres, elle ne cédera qu'à son devoir. Si parmi les membres de l'ancienne noblesse, il en est quelquesuns qui sont dévoués à la volonté ministérielle, qu'ils prennent pour la volonté du roi, il en est un plus graud nombre qui, par leurs lumières et par leur fermeté, sauront se montrer les dignes rivaux des membres les plus éclairés et les plus courageux de l'ancien sénat.

-La liste civile de Louis XVI fut fixée à vingt-cinq millions par l'assemblée constituante;et avec cette somme le roi pourvut à toutes les dépenses de sa maison civile et militaire. La France épuisée par vingt-cinq ans de dis

sensions et de guerres, pourra-t-elle jamais croire que la chambre des députés accorde au roi 60 millions pour le -même objet ? Pourra-t-elle croire que les ministres acceptent une somme si énorme dans un moment où, pour la percevoir, il faudra priver un grand nombre de familles du dernier morceau de pain qui leur restes?

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Le traité de paix du 3o mai a été communiqué à da chambre des pairs dans la séance du 2 août; on demande pouquoi il ne l'a pas été à la chambre des députés. Les ministres croient-ils que les députés de la nation ont moins d'intérêt à le connaître que la chambre des pairs? Cette connaissance ne leur est-elle pas nécessaire pour savoir quelle est la situation réelle de la -France relativement aux puissances étrangères ? Mais peut-être des ministres pensent-ils qu'une chambre ne mérite pas qu'on respecte ses droits ou ses prérogatives, quand elle se montre si peu jalouse de faire respecter les droits de la nation consacrés par la charte constitutionnelle. 71

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Depuis le rétablissement de la famille des Bourbons sur le trône de France, presque tous nos poëtes avaient gardé le silence, tant ils avaient été sensibles à l'épuisement de nos finances. Rendons grâces à la mu̟nicipalité de Paris, qui a trouvé le moyen de délier la langue à deux des plus célèbres, je veux dire à -MM. Dupaty et Millevoie; espérons que leurs chants réveilleront toute la troupe, et que bientôt nous jouiTons de ce concert de louanges, dont la police du dernier gouvernement avait trouvé le moyen de charmer nos oreilles. Nos poëtes ressemblent un peu à dés oiseaux qu'on tient en cage ; ils chantent toujours pour le maître de la maison : que ce maître soit un brutal ou

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un homme doux, qu'il soit sot ou qu'il ait de l'esprit, qu'il soit dissipateur ou économe, n'importe ; l'essentiel est que la volière soit bien garnie. ➡ Au reste, la Gazette de France nous assure que M. Millevoie chantera, au nom de la municipalité, le roi et les princes, et que M. Dupaty chantera, au même nom, madame la duchesse d'Angoulême. Si tous nos poëtes pouvaient se mettre ainsi dans l'usage de ne rimer que pour le compte d'autrui, je crois qu'il en résulterait de grands avantages pour eux et pour le public: pour eux, parce qu'ils ne seraient jamais en contradiction avec eux-mêmes: pour Je public, parce que chacun pourrait avoir son poëte, comme on a son tailleur qu son cordonnier.

Nous avions déjà un ordre civil et militaire destiné à récompenser le mérite de tout genre ; il nous manquait un ordre sentimental destiné à récompenser la niaiserie. Quelques personnes avaient cru que l'ordre du lis remplirait cet objet, mais elles se sont trompées; la Gazette de France nous annonce qu'on va en établir un autre qui s'appelera l'Ordre de la Colombe. On présume que, dans la réception des chevaliers, on emploiera le cérémonial suivant: Après avoir jeûné pendant quinze jours, et avoir reçu les sacremens de la pénitence et de l'eucharistie (selon l'antique usage, car c'est toujours là qu'il faut en revenir ) le candidat, vêtu de blanc et couronné de roses, se présentera devant neuf évêques et trois cardinaux ; il mettra un genou en terre, regardera sa dame d'un air timide et tendre, roucoulera cinq fois, battra trois fois de l'aile, et, la main sur l'évangile, il jurera de ne jamais fausser sa foi, mais d'être toujours franc et loyal chevalier ; ensuite il recevra le décoration des mains d'une jeune

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dame. On prétend que M. Michaud, censeur de la Gazette de France, aspire à être secrétaire de l'ordre mais quelques personnes croient que M. Ch. Nodier obtiendra la préférence, et que c'est aux feuilletons qu'il a faits dans le journal des Débats, quelques jours après la restauration, qu'il en sera redevable. A cela je ne vois qu'un inconvénient, c'est que nos lois actuelles ne reconnaissent qu'un seul ordre, et que chacun peut arbitrairement se párer de la décoration de tous les autres, et se chamarrer de rubans depuis les pieds jusqu'à la tête, sans avoir à craindre d'en être repris, pourvu toutefois qu'on s'abstienne de porter la décoration qui seule a une existence légale.

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Le courage dont les membres de l'ancien parlement de Paris donnèrent des preuves si éclatantes, toutes les fois qu'il fut question de combattre pour leurs prérogatives ne s'est affaibli ni par les malheurs de la révolution, ni par la longue oppression sous laquelle la France a gémi pendant près de fix années. A peine la constitution a été promulguée, qu'une quarantaine de membres de ce parlement se sont réunis, et ont mis en délibération s'ils enregistreraient l'ordonnance du roi après de graves discusssions, il a été résolu que le parlement adresserait au roi de très-humbles remontrances pour lui représenter que son ordonnance était contraire aux prérogatives de la couronne et des parlemens du royaume, et qu'ainsi elle ne pouvait être enregistrée. Les personnes qui ont eu connaissance de cette ordonnance, et qui ont lu les remontrancès du prétendu parlement, ont mis en question si cette Lastsemblée n'avait pas tous les caractères d'un attroupe ́ment séditieux à mais, après un mûr examen,

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