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que l'Etat aura été légalement dépouillé de sa própriété mais ce n'est pas de quoi il s'agit dans ce

moment.

L'article 20 de la charte constitutionnelle veut qu'une loi proposée par une des deux chambres ne puisse être envoyée à l'autre qu'après avoir été dis cutée en comité secret; mais aucune disposition n'in. terdit aux députés de proposer et de développer pu bliquement le projet de loi; de faire en public le rapport des discussions qui ont eu lieu dans les bu reaux; de voter publiquement le rejet ou l'admission du projet de loi, et d'en ordonner le renvoi à la chambre des pairs: tout ce que la constitution exige, c'est que la discussion générale ait lieu en comité

secret.

Cette faculté de présenter et développer publiquement les projets de loi a épouvanté les ministres i aussitôt qu'ils ont su que la chambre en faisait usage, ils se sont hâtés de lui faire savoir qu'elle interprétait fort mal la constitution, et qu'on avait attendu que les séauces ne seraient publiques que lorqu'ils présenteraient eux-mêmes les projets de loi. Cette interprétation ministérielle n'a pas été adoptée par les députés, et elle a été rejetée de manière à ôter aux ministres le désir de la proposer une seconde fois.

Pour arriver à leur but, il paraît qu'ils ont pris une autre voie; c'est d'obliger la chambre à tenir ses séances dans un lieu si étroit, que personne ne puisse y entrer. La salle de l'Institut remplira par-: faitement cet objet: elle sera assez grande pour

les députés, mais le public ne pourra pas y pénétrer; au reste, on aura soin de placer un factionnaire à la porte pour la tenir ouverte et pour arrêter les curieux qui seraient tentés d'entrer, et cela suffira bien pour que les séances soient publiques.

Tandis que les ministres font des efforts pour affaiblir l'autorité législative, les prêtres en font de leur côté pour s'emparer de l'autorité des magistrats, Ils regrètent que les actes de l'état civil ne leur soient pas confiés; ils voudraient avoir exclusivement le droit de constater les mariages, les naissances et les décès. « Notre respect pour une juste tolérance, dit » l'abbé P. M., dans la gazette de France du 17 juillet, nous a fait enregistrer les naissances et les » décès d'une manière à-peu-près aussi morale que » s'il s'était agi de tenir compte des accroissemens » ou des diminutions des troupeaux de mériños. Le » mot Dieu a été banni du recueil de nos lois; et de » tous les états civilisés du monde, la France a été >> le seul où l'on ait soustrait à l'influence de la divi» nité les trois époques les plus remarquables de » l'existence de l'homme, la naissance, le mariage >> et la mort. »

Ainsi, d'après M. l'abbé P. M., il est immoral que les naissances, les mariages et les décès soient constatés par des magistrats; et tant qu'on ne les fera pas constater par des abbés, les hommes seront traités comme des mérinos. Mais pourquoi n'en dirait-il pas autant des testamens, des donations et de tous les contrats? Je ne vois pas pourquoi

(

les uns seraient plutôt abandonnés aux prêtres que M. l'abbé en impose,

les autres. Au reste, M. l'abbé en impose, lorsqu'il dit qu'on a enlevé à la religion la juste influence qu'elle devait avoir sur les principaux actes de lạ vie : car il ne peut pas ignorer qu'aujourd'hui, commę autrefois, les ministres de la religion donnent la bénédiction nuptiale, baptisent les enfans et enterrent les morts, pourvu qu'on les paie; en un mot, on leur a laissé l'autorité qu'ils devaient avoir pour faire des élus on leur a seulement enlevé tout ce qui est relatif aux affaires de ce monde.

L'article de M. l'abbé se distingue au reste par un profond mépris pour les lois, et par un grand nombre d'erreurs que quelques personnes prendront pour des mensonges ou pour des calomnies.

DE L'ESPRIT PUBLIC EN FRANCE,

ET PARTICULIÈREMENT DE L'ESPRIT DES FONCTIONNAIRES PUBLICS.

RIEN n'est plus différent, on peut même dire plus opposé que l'esprit social des peuples modernes et celui des peuples de l'antiquité. Le trait le plus saillant et le plns profond du caractère des anciens, c'est leur patriotisme. Ce sentiment qui sert de base à leur moralité se mêle à toutes leurs affections par

ticulières, et les identifie en quelque sorte avec les corps politiques auxquels ils appartiennent. L'amour de la patrie, au contraire, ne forme qu'un trait presque imperceptible dans la physionomie morale des modernes. Ils ne tiennent à l'Etat que de trèsloin, et par un fil extrêmement faible; toute l'activité de leur ame s'exerce dans le cercle étroit de leurs affections individuelles et s'épuise sur de petits intérêts particuliers. Les citoyens des anciennes républiques étaient particulièrement liés entre eux par l'attachement commun qu'ils portaient à la patrie; ceux des états modernes ne tiennent à la chose pu blique qu'à cause des sentimens privés qui les unissent entre eux et dans la juste proportion de la force de ces sentimens. Un ancien rapportait tout à l'Etat, un moderne ramène tout à lui ou au petit nombre d'individus avec lesquels il est en communauté d'affections ou d'intérêts; les anciens avaient de l'esprit public, les modernes se sont rarement élevés audessus de l'esprit de caste, de secte ou de cotterie, et depuis long-temps même l'égoïsme isole parmi eux la très-grande majorité des hommes.

Cette différence essentielle entre les mœurs des temps anciens et celles des temps modernes, devait être une conséquence inévitable de celle des institutions politiques des deux âges. Non- seulement les législateurs de l'antiquité avaient reconnu la souveraineté des peuples, mais ils leur avaient même laissé l'exercice immédiat du pouvoir souverain ; et comme cet exercice était devenu leur occupation

la plus habituelle et leur plaisir le plus vif, on conçoit aisément qu'ils eussent fini par considérer les affaires publiques comme leurs affairess le plus particulières, et l'intérêt de l'Etat comme leur intérêt le plus immédiat.

non

Dans nos temps modernes, au contraire seulement très-peu de peuples ont exercé la souve→ raineté, soit par eux-mêmes, soit par délégation, mais presque toujours leurs gouvernemens ont dénié qu'elle résidât en eux; ils ont fait les efforts les plus soutenus et les mieux concertés pour les empêcher de se saisir du pouvoir suprême ou d'en partager avec eux l'exercice; il les ont appelés leurs sujets, et ils les ont souvent traités comme leurs esclaves. Dès-lors, les hommes des états modernes n'ayant point d'existence publique, et ne tenant à leurs gouvernemens par aucun intérêt prochain, ont dû se replier sur eux-mêmes, et s'occuper uniquement de leur vie domestique et privée.

D'un autre côté, tandis que les institutions des anciens Etats formaient un systême lié, dont toutes les parties, conçues dans un même esprit, agissaient sur les hommes d'une manière uniforme, et les conduisaient à un but commun, celles de nos gouvernemens modernes, faites à diverses époques, et dans des intentions souvent contraires, les poussent en mille sens opposés, et font qu'ils n'ont que des intérêts et des sentimens divers. Enfin tandis que chez les peuples célèbres de l'antiquité toutes les institutions tendaient à former des citoyens, le

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