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ressans qu'ils ont rapportés en France, sont désormais les seuls fruits d'une expédition, glorieuse il est vrai, mais qui a coûté tant de sang à la patrie. Depuis notre entrée au Caire, cette ville avoit joui de la plus parfaite tranquillité. Nous nous étions assez promptement accoutumés aux mœurs des Egyptiens, et le peuple paroissoit nous voir sans répugnancè, quoiqu'il montrât peu de curiosité de nous connoître plus particulièrement. Il ne se mêloit point avec nous; nous respections leurs femmes et leurs mosquées : ce sont deux articles sur lesquels il n'y avoit pas moyen d'agir avec notre légèreté ordinaire. Tout à coup des mouvemens séditieux se manifestent, et le 30 vendémiaire (22 octobre), de nombreux rassemblemens, ont lieu dans les différens quartiers de la ville.

Le général en chef, accompagné de ses guides et de son état-major, étoit sorti le matin pour se rendre au vieux Caire, et de là à l'île de Rhoda. Le général Junot étoit resté seul au quartier-général, place de Lesbékieh, sur laquelle presque tous les Français étoient logés. J'étois allé au vieux Caire aussi, et je revenois sur un ane au petit galop (1), mon ânier tenant son animal par la queue pour le suivre, lorsqu'à mon entrée dans la première rue je remarquai un silence effrayant; les portes des maisons

(1) Les ânes sont les fiacres du Caire,

étoient fermées je ne rencontrois personne, et ne savois que penser de cette solitude j'hésitois à traverser toute la ville, et n'osois retourner sur mes pas. Enfin je crus moins dangereux de me dépêcher de gagner la place de Birketelfi, où étoit caserné le 32 de ligne. J'y arrivai heureusement, et trouvai le général Dupuis, commandant autrefois ce régiment, promu nouvellement au grade de général, sortant de sa maison, précédé de ses bâtonniers, et suivi d'un détachement de dragons. Il ordonna à l'infanterie de se tenir prête à marcher, et continua sa route pour se rendre au cimetière, où les révol→ tés étoient rassemblés. Il tourna à droite à une certaine distance du quartier des Francs, et moi je galopai jusqu'à ce même quartier, où je trouvai des avant-postes. J'avois appris à Birketelfi, qu'il s'étoit formé quelques rassemblemens dans la matinée, et qu'augmentés considérablement après midi, ils avoient fixé l'attention du commandant de la place. Bientôt ils avoient pris un caractère inquiétant, et le malheureux général Dupuis fut assassiné quelques minutes après que nous fùmes séparés. J'arrivai à Lesbékich, où l'on avoit déjà connoissance des troubles qui se manifestoient dans la ville. Le général Junot avoit envoyé de suite prévenir le général en chef. Bonaparte revint avec ses guides, et voulant entrer en ville, il se présenta à la porte du vieux Caire, où il trouva les révoltés qui le force

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rent, après de nouvelles tentatives à la porte de l'Institut, de pénétrer par celle de Boulack. Instruit, à son arrivée, de la mort du général Dupuis, il donna au général Junot le commandement de la ville, et fit bivouaquer des troupes tout autour de la place. Des pièces de canon furent mises en batterie à l'entrée des principales rues, et la nuit se passa toute entière sous les armes.

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Le lendemain matin 1er brumaire (23 octobre), le nombre des révoltés étoit encore augmenté; les Arabes s'étoient réunis de toutes parts aux insurgés, et la ville se remplissoit à chaque instant de paysans armés de bâtons, de piques, de sabres, de fusils. Beaucoup de Français, des restaurateurs, dont les maisons étoient éloignées des quartiers de nos troupes, furent assassinés ou obligés d'abandonner leurs domiciles, livrés au pillage. L'Institut se constitua en état de siége, et défendit l'asile des sciences et des arts; nos savans devinrent guerriers par nécessité. Bonaparte, après avoir donné ses ordres pour arrêter les progrès de l'insurrection, expédia aux troupes stationnées dans les provinces les plus voisines du Caire, l'ordre de s'y rendre sur-le-champ. Toutes les dispositions prises, les troupes mar

chèrent pour repousser les révoltés qui avoient osé pénétrer jusques dans un cimetière contigu à la place de Lesbékieh: on en fit un massacre horrible.

L'entrée de la rue Petit-Thouars, principale rue

du Caire, communiquant du grand bazar à cette même place, étoit défendue par un obusier et par une compagnie de grenadiers. Le premier coude étoit court, et les insurgés eussent été écrasés s'ils se fussent avancés par cette voie dangereuse. Du haut de leurs minarets ils pouvoient apercevoir les mouvemens de quelques parties de nos troupes ; trop adroits pour s'exposer à une perte certaine ils sé glissèrent par des chemins détournés, et à travers les maisons, dans la première mosquée au tournant de la rue Petit-Thouars. Il fallut les y assiéger, et enfoncer la porte à coups de hache pour les en chasser.

Pendant ce temps le général Daumartin, avec quelques pièces d'artillerie, tourna le Caire, et alla s'établir sur les montagnes, à la gauche de la citadelle: il y fit former des batteries.

Au moment où j'entrai chez le général en chef avec l'ordonnateur Sucy, il venoit d'apprendre la mort affreuse du jeune Sulkowski, envoyé à la poiute du jour en reconnoissance avec un détachement de guides. Ce brave officier n'avoit consulté que son ardeur en chargeant une masse considérable de révoltés, au milien de laquelle il s'élança avec les guides qui l'accompagnoient. Sulkowski fut massacré, ainsi que son escorte.

Bonaparte fut très-sensible à cette perte, il estímoit fort son aide-de-camp, qui joignoit au cou→

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rage

d'un héros des talens et des connoissances étendues. Il fut généralement regretté. Ce même jour, Kleber arriva d'Alexandrie; je le vis le soir au quartier-général où je retournai. La citadelle et les batteries du général Daumartin commençoient à tirer sur la grande mosquée, où tous les insurgés, à moitié détruits et dispersés, s'étoient réfugiés. Les rues circonvoisines étoient gardées par nos troupes, et pendant toute la nuit on bombarda. Le lendemain matin, les pertes réitérées des insurgés avoient sensiblement refroidi leur enthousiasme; ils commencèrent à se repentir, et surtout à se convaincre qu'ils ne gagneroient rien à lutter contre nous. Les cheikhs de la ville vinrent demander le pardon au général en chef; il fut accordé, et le 2 brumaire (24 octobre) le calme fut entièrement ré→ tabli.

Les gens de la loi adressèrent aux habitans des provinces une proclamation où l'on remarque les passages suivans:

« Nous supplions le Tout-Puissant de vous pré» server de la sédition et du désordre caché ou pu→ » blic, et de vous éloigner de ceux qui cherchent à » faire le mal sur la terre.

» ...... Il est arrivé quelque désordre dans la ville » du Caire, de la part de la vile populace et des mé→ » chans qui se sont mêlés avec elle. Ils ont mis la » désunion entre les troupes françaises et les sujets,

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