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prenoient point part à l'action, le vaisseau anglais le Léandre par une manœuvre hardie coupa la ligne, à l'arrière de l'Orient. Notre feu fut d'abord supérieur à celui des Anglais, et l'Orient, à lui seul, démâta et mit hors de combat les deux vaisseaux ennemis qui étoient par ses côtés. La nuit ne mit point un terme à la fureur des combattans, mais l'engagement recommença avec plus d'acharnement à la pointe du jour. Il n'y avoit de fait aucun avantage bien prononcé de part et d'autre, lorsque les Anglais se touèrent sur notre ligne à la portée du pistolet. Le carnage devint épouvantable alors. L'amiral Bruies fut blessé grièvement, mais il pouvoit encore commander, quand un boulet le coupa en deux, et lui évita, par une fin glorieuse, le douloureux spectacle de la destruction de son escadre. Dans le même instant, le feu prit à l'Orient, et tous les efforts pour l'éteindre furent inutiles. Chacun s'occupa de son sort sur ce vaisseau, et des moyens d'éviter une mort qui paroissoit évidente. L'amiral Bruies avoit péri; on ne donna plus d'ordres dans l'armée. Le feu sur l'Orient entretenu, nourri celui de l'artillerie ennemie, gagna enfin la sainte barbe, et fit sauter cette forteresse, ce magnifique vaisseau, que le bonheur sembloit avoir abandonné depuis le débarquement de Bonaparte. Acette effroyable explosion, qui inonda d'éclats embrasés tous les vaisseaux voisins, succéda un morne

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silence de quelques minutes; il n'étoit interrompur que par les cris des malheureux qui, blessés pour la plupart, se débattoient encore contre la mort, à la surface des eaux. Après ce moment, pour ainsi dire de stupeur, le combat reprit avec une nouvelle rage. Nos vaisseaux entre deux feux, rasés, criblés, furent obligés de se rendre. L'Heu reux sauta; la rade d'Aboukir ne fut bientôt plus couverte que de tristes débris et de cadavres brûlés et sanglans.

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Le combat n'étoit point encore fini au commencement de la journée du 16 (3 août). Le Tonnant se battoit depuis 36 heures sans presque discontinuer; Petit-Thouars qui le commandoit périt sur son bord, en recommandant de ne point se rendre. Le Timoléon, ne voulant point amener, se brûla, après avoir sauvé son équipage. Le Guillaume Tell, le Guerrier, la Diane et la Justice mirent à la voile au milieu du désordre, et se réfugièrent à Malte.

Nelson expédia en Angleterre le Léandre, qui par sa brillante manœuvre, avoit coupé notre ligne. Le Léandre tomba dans sa route au milieu de la petite escadre qui, sous les ordres du contreamiral Villeneuve, avoit échappé aux désastres d'A. boukir. Il fut pris dans les eaux de Malte.

Si Nelson montra dans cette affaire une résolution, qui n'est cependant pas sans exemple, il faut

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dire aussi qu'il s'étoit mis dans la nécessité de vaincre ou de périr. Il devoit être au désespoir de n'avoir point empêché notre expédition, et le gouvernement anglais auroit bien pu lui faire son procès, si la victoire d'Aboukir n'eût pas porté un coup mortel à notre marine et déjoué nos projets sur l'Egypte, en isolant l'armée française et en la réduisant désor→ mais à ses propres forces, que la guerre, les maladies diminueroient sensiblement.

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La nouvelle de la bataille d'Aboukir, fit que général en chef hâta son retour au Caire, et que nous ne mêmes que deux jours à faire la route que nous avions faite d'abord en quatre. Le 27 thermidor (14 août) au soir nous arrivâmes au Caire; tous les Français y étoient désolés et consternés. J'y trouvai l'ordonnateur en chef blessé fort dangereu sement à la main droite d'un coup de feu qu'il avoit reçu en se défendant contre des Arabes et des sans. Bonaparte vint le voir et lui parla de notre position; après quelques discours relatifs au service de l'armée, Bonaparte lui dit : « Nous n'avons plus de »flotte, eh bien, il faut rester ici, ou en sortir grands » comme les anciens. >>

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Le général en chef s'occupa alors de l'administration intérieure du pays: il renouvela l'ordre aux Français de ne point troubler le culte ; il défendit aux commandans de province de frapper aucune contribution en argent sur les habitans ; il recommanda

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de veiller, à l'entretien des canaux, à l'époque sur tout où l'inondation du Nil commence à féconder le sol; il établit une commission qui fut chargée de recevoir les réclamations des habitans sur les vexations qu'ils pourroient éprouver; il prit des mesures sévères contre les dilapidateurs; il fit brûler le village d'Alcan où avoit été assassiné l'aide-de-camp Jullien; pour honorer la mémoire de Petit Thouars qui commandoit le Tonnant, il fit appeler de son nom la grande rue du Caire, et le brick pris aux Mamelouks sur le Nil, du nom de son vaisseau. Il convoqua, pour le 10 vendémiaire an 7 (1er octobre), une assemblée générale de notables des quatorze provinces de l'Egypte: ces notables devoient être choisis parmi les hommes ayant le plus d'influence sur le peuple, et distingués par leurs lumières; il fit arborer le pavillon tricolore sur les barques qui naviguent sur le fleuve; il donna une compagnie de soixante hommes à l'aga des Jannissaires, payée par les impositions frappées par les Divans, et nourrie par l'armée ; il ordonna que tous les jeunes Mamelouks, ayant plus de huit ans et moins de seize, et tous les garçons qui étoient esclaves, noirs ou blancs, délaissés au Caire, seroient incorporés dans les demi-brigades, ou en qualité de soldats, ou comme tambours.

Tandis que Bonaparte s'occupoit de l'organisation intérieure de l'Egypte, du classement de ses troupes,

quelques Français industrieux cherchoient au Caire à tirer parti des circonstances. Des ouvriers en tout genre levoient des ateliers et des boutiques; l'on voyoit déjà des restaurateurs à la mode française, peu approvisionnés sans doute, mais où l'on pouvoit se réunir et boire. On fit bientôt des bottes des chapeaux, des ceinturons; les Turcs imitoient nos broderies à merveille, et fabriquoient avec adresse les objets les plus étrangers à leurs usages. Il s'éleva une tannerie, on fit des selles; nous eûmes des lits, des tables, des chaises dont nous avions trouvé les maisons entièrement dépourvues à notre arrivée; ainsi, l'industrie adoucissoit nos privations. Des distillateurs nous faisoient des liqueurs de tout genre, et nous eûmes, par la suite, des sirops d'orgeat, de vinaigre, etc. Le vin seul étoit d'une grande rareté et nous n'en pourvus que par les chargemens de spéculateurs hardis qui échappoient à la vigilance des croisières anglaises. Des Françaises fixèrent les regards de nos généraux, et l'on vit se former quelques sociétés.

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A notre entrée au Caire, toutes les rues étoient fermées par des portes qui n'étoient ouvertes que dans le jour. Ces portes arrêtoient les Arabes qui faisoient souvent des incursions pour piller; elles eussent été dangereuses pour nous, en offrant à la capitale autant de petites villes susceptibles d'une vigoureuse défense; le général en chef les fit détruire,

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