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par les troupes en Europe. La guerre enfin étoit générale. Avec nos ennemis, dans les combats, nous n'avions jamais que la victoire ou la mort en perspective.

La guerre d'Espagne m'a rappelé bien des fois relle d'Egypte. Une guerre nationale est une guerre d'extermination, et quand une population entière et grande ne veut point être soumise, elle doit, à la longue, à force de sacrifices, à force même d'être vaincue, apprendre à vaincre, et conquérir sa liberté.

En Egypte, le peuple ne prenoit point une part active aux hostilités, mais il secondoit de tous ses efforts nos ennemis, et ce n'étoit que par la force que nous nous fesions obéir. Si les Egyptiens, moins indolens, eussent été armés et animés du desir de leur indépendance, notre armée, privée de tous secours et de renforts, eût, sans doute, bientôt succombé dans une lutte aussi inégale.

Le 26 thermidor (13 août), Bonaparte, ayant donné ses ordres pour fortifier Saléhieh, y laissa la division Regnier, et diriga la division Dugua sur Damiette. Le quartier général, le même jour, reprit la route du Caire.

A peu de distance de Saléhich nous rencontrâmes l'aide-de-camp de Kleber, qui nous apportoit la triste nouvelle de la destruction de notre flotte à la suite du combat d'Aboukir. Les détails de cette

malheureuse journée, nous glacèrent le cœur. L'ave nir nous parut affreux. Comment finiroit cette expédition, et quels secours pouvions-nous attendre désormais de notre marine? Vivre en Egypte, sans nouvelles de France, séparés de tout ce qui nous intéressoit dans la vie.......! Parens, amis, maîtresse, tout étoit perdu pour nous; exilés à 500 lieues de notre patrie, nous allions traîner notre triste existence au milieu d'un peuple dont les mœurs différoient tant des nôtres, toujours en état de guerre, et ne voyant plus d'événemens heureux qui¬ pussent jamais nous ramener sur les bords chéris de la France. Voilà quelles furent les cruelles réflexions qui nous accablèrent et qui augmentèrent les ravages de cette funeste maladie du pays, le dégoût. Tant que la flotte assuroit la communication, l'espoir soutenoit le courage ;. mais au combat d'Aboukir, les anglais sembloient avoir posé une barrière insurmontable entre la patrie et nous. Les esprits foibles ne virent plus dans l'Egypte que le vaste tombeau qui nous renfermeroit tous.

Avant de rapporter ici les circonstances intéressantes du combat naval d'Aboukir, je crois devoir communiquer au lecteur quelques passages d'une lettre de Bonaparte au directoire. Elle est datée du 2 fructidor (20 août.).

« Le 18 messidor (6 juillet), j'écrivis à l'amiral

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» d'entrer, sous les 24 heures, dans le port d'A» lexandrie, et, si son escadre ne pouvoit pas y >> entrer, de décharger promptement toute l'ar>>> tillerie et tous les effets de l'armée, et de se rendre » à Corfou.

L'amiral ne crut pas pouvoir achever le débarquement dans la position où il étoit..... Il alla » mouiller à Aboukir, qui offroit un bon mouillage......

» Je suis parti d'Alexandrie dans la ferme croyance » que, sous trois jours, l'escadre seroit entrée dans >> le port d'Alexandrie, ou auroit appareillé pour >> Corfou. Depuis le 18 messidor (6 juillet) jusqu'au 6 thermidor (24 juillet), je n'ai reçu au>> cune nouvelle, ni de Rosette, ni d'Alexandrie, » ni de l'escadre. Une nuée d'Arabes, accourus de » tous les points du désert, étoit constamment à » cinq cents toises da camp....... Je reçus plusieurs » lettres de l'amiral où je vis avec étonnement qu'il >> se trouvoit encore à Aboukir. Je lui écrivis sur>>le-champ pour lui faire sentir qu'il ne devoit pas » perdre une heure à entrer à Alexandrie, ou à se » rendre à Corfou.

» L'amiral m'instruisit, par une lettre du 2 ther» midor (20 juillet), que plusieurs vaisseaux anglais étoient venus le reconnoître, et qu'il se for» tifioit pour attendre l'ennemi, embossé à Abou~

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>> kir. Cette étrange résolution mé remplit des plus » viveş alarmes ; mais déjà il n'étoit plus temps, car » la lettre de l'amiral ne m'arriva que le 12 (30

juillet). Je lui expédiai mon aide-de-camp Julien,' » avec ordre de ne pas partir d'Aboukir qu'il n'eût » va l'escadre à la voile. Parti le 12, il n'auroit » jamais pu arriver à temps ; cet aide-de-camp a été » tué en chemin par un parti srabe qui a arrêté sa » barque sur le Nil, et l'a égorgé avec son escorte.

» Le 8 thermidor ( 26 juillet ), l'amiral m'écri» vit que les Anglais s'étoient éloignés; ce qu'il » attribuoit au défaut de vivrés. Le 11, il m'écris » voit qu'il venoit enfin d'apprendre la victoire » des Pyramides......, et que l'on avoit trouvé une » passe pour entrer dans le port d'Alexandrie; je » reçus cette lettre le 18 (5 août).

» Le 14 au soir, les Anglais l'attaquèrent; ils » m'expédia, au moment où il aperçut l'escadre » anglaise, un officier pour me faire part de ses dis» positions et de ses projets : cet officier a péri en

» route.

» Il mé paroît que l'amiral Bruies n'a pas voulu » se rendre à Corfou, avant qu'il eût été certain » de ne pouvoir entrer dans le port d'Alexandrie, et » que l'armée, dont il n'avoit pas de nouvelles depuis » long-temps, fût dans une position à n'avoir pas » besoin de retraite. Si dans ces funestes événemens

>> il a fait des fautes, il les a expiées par une mort glorieuse.

>> Les destins ont voulu dans cette circonstance, >> comme dans tant d'autres, prouver que, s'ils >> nous accordent une grande prépondérance sur le » continent, ils ont donné l'empire des mers à nos » rivaux. Mais ce revers ne peut être attribué à >>>> l'inconstance de notre fortune; elle ne nous aban>> donne pas encore: loin de-là, elle nous a servis » dans cette opération, au-delà de tout ce qu'elle a » jamais fait.......... Je me souviens qu'à l'instant où >> les préparatifs du débarquement se faisoient (de» vant Alexandrie), on signala dans l'éloignement, » au vent, une voile de guerre: c'étoit la Justice. » Je m'écriai Fortune! m'abandonneras - tu ? Quoi! seulement cinq jours!....... Dans ces cinq » jours l'escadre devoit se trouver à l'abri des forces >> des Anglais, quel que fût leur nombre.... Ce n'est » que lorsque la fortune voit que toutes ses faveurs. » sont inutiles, qu'elle abandonne rotre flotte à son » destin. >>

>>

yeux

du lecJe vais actuellement me sous les teur, le tableau remarquable et comparé de la marche des deux escadres, et l'on verra qu'effectivement la fortune nous avoit assez bien servis, puisque les deux armées navales, plusieurs fois très-près l'une de l'autre, ne se sont point rencontrées.

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