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APPENDICE.

AVANT d'examiner quelles furent les conséquences funestes de l'expédition en Egypte, jetons un dernier coup-d'œil sur ce pays et sur l'armée, qui, à la bataille d'Héliopolis avoit, par des prodiges de valeur, renversé le joug sous lequel le gouvernement anglais vouloit la faire passer.

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Sur quel exemple le cabinet de Saint-James s'étoit-il appuyé pour oser espérer qu'une armée de Français, une armée qui n'avoit jamais été battue. jusqu'alors, consentiroit à se déshonorer, à se rendre prisonnière de guerre, quand cette condition humiliante est la seule qu'on puisse imposer à une armée vaincue ? La proposition outrageante de l'amiral Keith, en excitant au dernier point l'indignation des soldats, leur avoit donné pour ainsi dire la victoire; et quelque desir qu'ils eussent témoigné de rentrer en France, quelque volonté que manifestât Kleber de les satisfaire, et ce desir et cette volonté se taisoient à la voix de l'honneur, si cher aux Français. Si Kleber consentoit à quitter l'Egypte, c'étoit pour sauver les restes précieux de l'armée qui lui avoient été confiés; il vouloit les ramener dans la patrie, lorsque ses frontières étoient

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menacées de toutes parts, et il devoit espérer qu'un secours si nécessaire excuseroit suffisamment l'abandon d'une colonie, que la force même des circonstances feroit abandonner plus tard. Mais rien au monde ne pouvoit le décider à livrer ignominieusement aux Anglais ces bataillons trop redoutables encore pour être méprisés et avilis. La postérité verra sans doute avec indignation la violation du traité d'El-A'rich. Les auteurs de cet acte inique doivent être à jamais responsables du sang qui a été versé, pour obtenir de force, ce que Sidney-Smith avoit obtenu par son esprit de conciliation et sa loyauté. Le gouvernement anglais reconnut, quand il n'étoit plus temps, que s'il devoit ajouter foi aux lettres interceptées de Kleber, il s'étoit mépris sur les motifs qui les avoient dictées, et s'étoit fait illusion sur ce qu'elles pouvoient contenir d'exagéré relativement à la position de l'armée.

La bataille d'Héliopolis avoit totalement changé la face des choses. Le Grand Visir, honteux de sa défaite, escorté de la misère et des souffrances, se crut en sûreté que lorsqu'il eut posé la barrière brûlante du désert entre lui et Kleber : il se retira de sa personne à Jaffa, et laissa les débris désorganisés de son armée à Ghazah.

Cependant le général en chef sans pouvoir se rendre compte des motifs qui avoient pu déterminer le gouvernement anglais, à rompre un traité si con

forme à ses intérêts, et dans l'espérance qu'il conservoit encore, que la démarche de MM. Poussielgue et Cambyse auroit un heureux résultat auprès de l'amiral Keith, avoit écrit à l'époque de son retour devant le Caire, au Kaïmakan de la Sublime Porte, le 20 germinal an 8 (10 avril 1800) pour tâcher de renouer des négociations rompues à jamais. Cette lettre est une nouvelle preuve de la droiture de Kleber, et de l'attachement réel qu'il portoit à une armée qui occupoit sans cesse sa sollicitude toute entière. Il mandoit au Kaïmakan: « Votre Excellence a sans doute été > instruite du progrès et du résultat des négocia>>tions que j'ai conclues avec le suprême Visir » Youssef Pacha. D'après les assurances que j'a>> vois reçues des personnes de distinction de votre »> nation, j'avois raison de croire que le traité d'El» A'rich auroit obtenu la pleine approbation de » l'empereur Sélim. Plusieurs articles de ce traité » ont été exactement exécutés, et l'armée française particulièrement a suivi fidèlement ses engage» mens. J'étois sur le point d'évacuer la ville du Caire, quand je reçus de l'amiral Keith, com» mandant en chef la flotte anglaise dans la Médi» terranée, une lettre qui excita tout à la fois ma

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surprise et l'indignation de l'armée française. >> Cette lettre, qui prouve la plus, complète igno» rance de ma situation, a rendu nulle, non-seu

>>lement la convention d'El-A'rich, mais aussi » tout traité que je pourrois avoir conclu avec la » Sublime Porte. Votre Excellence doit être con>> vaincue que jamais l'armée française ne sera ré>> duite à souscrire aux conditions injurieuses pré» sentées par le gouvernement anglais.

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» J'ai fait part de ces observations au Grand » Visir, en lui proposant de consentir à ce que » l'évacuation du Caire fût différée. Je ne pouvois » faire une demande plus modérée, et je laissai le >> choix à Sa Hautesse, ou d'accueillir cette propo» sition convenable, ou de courir les chances d'une » bataille, pour disputer un pays dont la possessions » lui étoit assurée. Cette bataille a eu lieu le 29 » ventose (20 mars), et Dieu en protégeant ma >> cause m'a donné la victoire. Quoi qu'il en soit, » le sincère desir que j'ai eu de rétablir l'amitié et >> les relations d'intérêt, qui pendant plusieurs siè >>cles ont uni les deux nations, subsiste toujours. >>> La Sublime Porte me trouvera disposé à lui céder >> encore l'Egypte, sous les conditions stipulées à » El-A'rich, avec les seules modifications que les >> circonstances actuelles rendent nécessaires, Ainsi Den écartant tout motif d'une nouvelle effusion de » sang, un nouveau traité (dont l'effet ne pourroit plus être altéré par des ordres intempestifs) ren» dra à l'empire Ottoman ces belles provinces qu'il » a en vain cherché à recouvrer par la force des

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» armes. Si votre Excellence agrée ces sentimens » de paix et d'amitié, je la prie de vouloir bien les » communiquer à S. M. l'Empereur Sélim, et sans >> doute elle obtiendra des ordres pour renouer des négociations qui mèneront rapidement au but, que >> nous devons également desirer d'atteindre. »

Il étoit beau de montrer tant de modération au moment même où le succès le plus complet eût excusé un sentiment d'orgueil; mais Kleber étoit honnête homme et n'avoit que trop gémi sur les maux de l'expédition, pour se dissimuler ceux qui menaçoient encore l'armée. D'ailleurs son intention étoit, à ce qu'il paroît, d'établir une correspondance directe avec Constantinople, en évitant d'en entretenir aucune avec les chefs des forces ennemies combinées, et de parvenir à obtenir une neutralité des Turcs. Un pareil avantage auroit placé l'armée française dans une heureuse position, parce qu'elle n'auroit pu être attaquée que par une seule expédition maritime, que les anglais eussent difficilement entreprise, sans la certitude d'être appuyés par le Grand-Seigneur.

Kleber, tranquille sur les bords pacifiés du Nil, espéroit et attendoit en vain les renforts que Bonaparte lui avoit fait annoncer. Il rétablissoit l'ordre dans les provinces, encourageoit les membres de l'Institut dans les recherches intéressantes où l'amour des sciences et des beaux-arts les engageoit ;

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