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saires, s'abandonnant à son impétuosité, fit quitter mal à propos au corps qu'il commandoit, le poste qui lui avoit été assigné, et courut en désordre sur notre ligne qui venoit se reformer à l'abri des troupes que le général Verdier tenoit en réserve. Celles-ci s'avancèrent avec fermeté à la rencontre des janissaires, tandis que la cavalerie se jetoit par un mouvement hardi sur les derrières des Turcs, qui ne virent bientôt plus leur salut que dans une prompte fuite. L'ennemi perdit beaucoup de monde dans la confusion. et la rapidité de sa retraite embarrassée. Son artillerie n'osoit point jouer, dans une mêlée où les coups de canon auroient frappé également les Turcs et les Français. Enfin, ces fidèles alliés de l'Angleterre ne s'arrêtèrent même pas sur le bord de la mer : ils se jetèrent dans les flots, pour gagner les barques qui les attendoient. Le rivage fut couvert de dépouilles et de turbans, et il faut remarquer qu'à l'affaire de Damiette, comme à la bataille d'Aboukir, c'est à leur impatience que les Turcs ont dû leur défaite. Le général Verdier fit à-peu-près 1100 prisonniers, pour l'échange desquels il traita avec Sidney Smith, qui, après cette tentative infructueuse et peu encourageante, alla rejoindre le GrandVisir, en Syrie. Il le trouva fort peu avancé dans

sa marche.

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Des discussions s'étoient élevées entre Sa Hautesse et le fameux Djezzar. Ce Pacha, dont la puis

sance eût été anéantie par l'armée française, s'il n'eût été secouru, aidé dans sa défense, par Sidney Smith, dégagé désormais de toute crainte et jaloux de conserver son indépendance, avoit tourné ses armes infidèles contre ses libérateurs. Le GrandVisir, dont la mission avoit pour but d'exterminer l'armée française en Egypte, fut obligé d'employer ses forces à réduire un sujet ingrat et rebelle.

Ce ne fut donc qu'à la fin de l'automne que l'armée du Grand-Seigneur, forte de 60,000 hommes, vint prendre position au camp formé sous Jaffa; et c'est à cette époque que commence la correspondance entre Kleber et le commodore Sidney Smith, plénipotentiaire du Gouvernement britannique auprès de la Sublime Porte. '

Mais avant de rapporter les négociations qui ont amené la convention d'El-A'rich, il est bon de revenir un peu en arrière et d'examiner la situation de notre armée.

la

Les Français fatigués généralement de leur trop long séjour en Egypte, à l'exception d'un petit nombre d'individus, annonçoient hautement le desir de retourner en France. En calculant les pertes que nous faisions journellement, soit par peste qui exerçoit ses ravages à Alexandrie, soit par des combats partiels et fréquens, soit enfin par le cours des maladies ordinaires dans les hôpitaux, il étoit facile de prévoir le moment, peu éloigné peut

être, où l'armée devroit prendre le parti de traiter honorablement avec les Anglais pour son évacuation, et celui où la diminution effrayante de ses forces la mettroit dans le cas de succomber enfin aux efforts sans cesse renaissans dirigés contre elle. Il paroît positif que Bonaparte, qui ne s'aveugloit point sur la position de l'armée, avoit, avant son départ, entamé quelque négociation avec le GrandVisir. Ne pouvant compter sur les soins du Directoire, peu empressé, sans doute, d'envoyer des secours en Egypte, la destruction de notre flotte et la nullité de notre marine à cette époque, devoient faire envisager à Bonaparte l'établissement de la colonie comme une entreprise presque impossible. Il avoit donc, par ses instructions secrètes, prescrit à Kleber la conduite à tenir dans le cas où les renforts qu'il lui promettoit, ne seroient point parvenus à l'époque déterminée.

Kleber, sans aucune nouvelle de France; ignorant si Bonaparte, trompant les croisières anglaises, auroit eu le bonheur d'atteindre un de nos ports; assuré de complaire à la grande majorité, en ramenant l'armée en France, devoit espérer que le Directoire verroit arriver avec plaisir, dans la position embarrassante où il se trouvoit, une armée brave et encore assez forte pour l'aider à repousser l'ennemi qui menaçoit nos frontières du côté de l'Italie.

C'est dans ce sens qu'il écrivit à Paris, et comme on peut le croire, c'est avec des couleurs aussi fortes que vraies qu'il peignoit la situation de l'armée. Il étoit dans son caractère de dire la vérité. Des états de chaque division attestoient les pertes considérables que chaque régiment avoit éprouvées, et présentoient le tableau de l'armée comme réduite à près de la moitié de ce qu'elle étoit lors de son débarquement. Un calcul par approximation indiquoit ce que l'ophtalmie, la peste, les maladies, nous enlevoient chaque jour, ou paralysoit de bras nécessaires. Kleber insistoit sur la vaine promesse de secours qui n'arrivoient point, et sur la latitude qui lui avoit été laissée, dans ses instructions particulières, de faire ce qu'il jugeroit convenable, quand le terme fixé pour l'arrivée des renforts seroit écoulé. D'ailleurs, on peut en être certain, il n'avoit jamais approuvé l'expédition en Egypte, dont les résultats présumés ne l'avoient point séduit. Il avoit, depuis la destruction de la flotte, affirmé que tôt ou tard cette brillante conquête seroit arrachée à une armée livrée à elle-même, sans moyens de recrutement et séparée par 500 lieues de la mère patric. Enfin, il appuyoit particulièrement sur le desir généralement exprimé par l'armée, de revenir en France, la résolution qu'il avoit prise de traiter pour son retour. Cette lettre, exacte dans ses conséquences, étoit surement exagérée dans quelques-uns de ses détails;

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car c'est cette même armée affoiblie, qui, sous les ordres de ce même général, chassera bientôt de l'Egypte une armée formidable, rendue maîtresse, par un traité, des endroits fortifiés qui défendoient passage du désert et l'approche du Caire. Et cette même armée, encore diminuée par une victoire mémorable, auroit, n'en doutons point, repoussé Abercromby sur cette presqu'ile trop célèbre, si Kleber eût vécu et conservé le commandement de ces troupes courageuses, confiantes en ses talens. Mais à cette époque déplorable', l'armée troublée par des dissentions intestines, sans avoir perdu sa valeur, n'avoit plus un chef aussi redoutable pour la diriger.

Le bâtiment chargé des dépêches de Kleber, et de celles de tous ceux qui avoient profité de cette occasion favorable pour donner des nouvelles plus ou moins alarmantes, fut rencontré et arrêté par les Anglais. Les paquets de lettres, auxquels on avoit attaché un boulet, furent jetés à la mer. Le lien se rompit, la correspondance surnagea, et l'ennemi s'en empara. Le capitaine anglais transmit ces pièces importantes à l'amiral Keith, commandant les forces britanniques dans la Méditerranée, qui s'empressa aussitôt de les communiquer à sa cour, pour l'éclairer sur notre véritable position. On verra plus tard quelles furent les suites de cet événement, qui semble d'abord peu important par lui-même.

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