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vous dire de faire place à un autre. Le prix de ces bains est on ne peut pas plus modéré; car il faut que les pauvres comme les riches puissent se baigner. C'est aussi dans ces bains qu'on vous rase le poil que les Turcs regardent comme une malproprété de garder.

Les femmes ont des jours fixés; et les jours où elles sont aux bains, un rideau vert suffit pour indiquer aux hommes qu'ils ne peuvent entrer. Cette porte légère est aussi respectée, que l'est chez nous la robe d'une femme.

On a souvent parlé de la manière dont la justice se rendoit en Turquie ; j'ai vu l'Aga de la justice et son cortège, et je vais raconter de quelle manière il exerce son autorité sans appel. Il marche à cheval, précédé de ses bâtonniers, qui sont immédiatement suivis des gens, portant chacun à la main les différentes mesures et les balances vérifiées. Les exécuteurs de la justice marchent à côté, et sont prêts au moindre signal, à remplir les ordres rigoureux et irrévocables de l'Aga. Quelques-uns sont armés des nerfs qui servent à donner la bastonnade, châtiment commun et très-fréquent; les autres portent un morceau de bois assez fort auquel est attachée une chaîne de fer. Cet instrument est destiné à tenir en l'air les jambes du patient. Les gens de la loi, montés sur leurs mules ou sur leurs ânes, marchent immédiatement après l'Aga; ils sont là pour porter

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la lumière dans les discussions qui s'élèvent quelquefois, et établir les points sur lesquels l'Aga doit prononcer. C'est dans cet appareil redoutable qu'il parcourt le Caire et qu'il s'informe des délits, ou qu'il procède, à sa volonté, à la vérification des poids et mesures des marchands.

Comme il étoit facile de nous tromper, l'Aga avoit l'attention, lorsqu'il rencontroit quelque Français emportant des marchandises, de lui demander combien il les avoit payées. La vérification se faisoit sur-le-champ, et si le prix n'étoit point équitable ou le poids juste, l'Aga prioit le Français de le conduire à la boutique. Le marchand étoit appelé, la cause bientôt instruite, et la sentence encore plus vîte exécutée. Le coupable, jeté à terre fort brutalement, ayant en un clin-d'œil, les jambes arrêtées par la chaîne de fer que j'ai décrite, et la plante de ses pieds offerte ainsi aux coups des exécuteurs recevoit, sans pouvoir s'y dérober, le châtiment prescrit par l'Aga, que les cris et les larmes du patient ne sauroient attendrir.

On lui avoit signalé, depuis plusieurs jours, quelques paysans souillés d'un assassinat combiné. Je passois dans la grande rue du Caire, lorsque je le rencontrai marchant dans son ordre accoutumé. Je l'avois à peine dépassé de cinquante pas que je fus frappé par des cris aigus, suivis d'une grande. rumeur. Je vis en même-tems les Turcs se porter

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précipitamment du côté de l'Aga qui s'étoit arrêté. Je suivis la foule, et perçant au milieu de ceux qui m'empêchoient de voir, j'aperçus sur la terre un cadavre sans tête. L'Aga venoit de rencontrer un des assassins qui lui avoient été indiqués, et le peu de temps que j'avois mis à faire cinquante pas, avoit suffi à l'accomplissement de sa justice. Le coupable avoit été reconnu, condamné et décapité.

Un crime très-commun chez les Egyptiens, surtout chez les fellahs ou paysans, c'est le vol. Ils sont d'une adresse extrême et d'une intrépidité rare. Vous vous croyez en sureté dans une barque ancrée au milieu du Nil, qui est très-large: eh bien! pendant la nuit, si vous n'avez pas des domestiques vigilans, des voleurs viendront à la nage et sans bruit, vous ravir vos effets. Au centre de nos camps, dans nos tentes même, des paysans ont eu la hardiesse de venir enlever jusqu'à nos porte-manteaux sous nos têtes. Vous voyez le voleur, vous courez après lui, vous l'atteignez..... Il vous échappe ; il est nu comme un ver, et votre main ne peut même pas l'arrêter par les cheveux puisqu'il n'en a pas. Ils poussent la précaution jusqu'à se graisser tout le corps, afin qu'on ait moins de prise sur eux. Ils ne sont armés que d'un petit couteau destiné à leur faciliter les moyens de couper les liens qui retiennent les chevaux et les chameaux, dont ils sont très-friands. J'ai

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vu je ne sais combien d'exemples de ces vols les plus singuliers et les plus audacieux.

J'ai profité du calme momentané dont jouissoit l'armée, pour donner au lecteur quelque idée des mœurs et coutumes de l'Egypte ; je vais maintenant reprendre le fil des événemens qui ont précédé la convention d'El-A'rich.

L'empereur Selim, stimulé par les Anglais et les Russes, s'étoit enfin déterminé à se mêler de ses propres intérêts, et à faire de grands efforts pour chasser l'armée française de son empire. Tandis que la flotte turque, sous les ordres de Patrona-Bey, débarquoit à Aboukir, le Grand-Visir YoussefPacha 's'avançoit par l'Orient avec une armée considérable, composée d'un ramas d'individus, accourus avec plusieurs Pachas, de l'intérieur de l'Asie et du mont Caucase.

Patrona-Bey, après avoir été l'inutile témoin du désastre de l'armée qu'il avoit amenée, se retira à l'île de Chypre, où il fut massacré dans une révolte des janissaires, le 26 vendémiaire (18 octobre). Seid Ali Bey, qui arrivoit sur ces entrefaites de Constantinople, avec la seconde expédition maritime, prit le commandement en chef. Aussitôt qu'il eut arrêté, par sa fermeté, la sédition, et rétabli l'ordre dans l'armée, il concerta avec Sidney Smith une attaque sur Damiette, dans l'idée d'attirer l'attention de Kleber sur ce point, et de procurer au

suprême Visir, par cette diversion favorable, la facilité d'avancer avec sa grande armée par le désert. Effectivement, l'escadre d'Ali Bey et celle de Sidney Smith parurent devant Damiette à la fin d'octobre, mais la lenteur que mirent les Turcs dans leurs préparatifs, donna le temps au général Verdier de se mettre en mesure de bien recevoir l'ennemi, et de réunir toutes les forces dont il pouvoit disposer. La nouvelle de cette seconde altaque n'inquiéta que foiblement Kleber, qui en devina aisément le but. Il se borna à faire filer un corps de troupes sur Salehiéh, pour soutenir Cathieh et observer la route du désert.

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Le 10 brumaire (1er novembre)(1), les Turcs, sous la protection du feu des chaloupes canonnières, effectuèrent leur descente auprès de Damiette. Nos troupes les chargèrent aussitôt à la baïonnette. Avec non moins de résolution, les Turcs les attendirent à dix pas et s'élancèrent sur eux, le sabre en main, en poussant des cris affreux. Notre première ligne fut obligée de se replier précipitamment. La victoire paroissoit même pencher en faveur des ennemis, lorsqu'Osman Aga, chef des janis

(1) C'est par erreur que M. Larrey, dans sa Relation historique et chirurgicale ( section v) place cetle affaire après la bataille d'Héliopolis, qui n'eut lieu que le 20 mars 1800.

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