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»mée au général Kleber. L'armée aura bientôt de » mes nouvelles. Il me coûte de quitter des soldats

faire revenir en France et de justifier son retour. S'il faut ajouter foi au bruit qui circuloit alors parmi quelques personnes liées avec la famille, on avoit fait signer fort adroitement, au Directoire, un ordre adressé à Bonaparte, pour lui enjoindre de quitter l'Egypte et de repasser promptement en France. Si les détails sont exacts, cet ordre fut mêlé avec plusieurs autres papiers, et signé par tous les membres du Directoire, sans qu'ils en connussent l'objet. Mais n'est-il pas plus raisonnable de croire (en admettant que l'ordre ait réellement existé), que la signature d'un des membres dans la confidence, a suffi pour attirer la signature des autres ? Les Directeurs étoient assez communément dans l'usage, du moins pour les affaires courantes et ordinaires, de signer sans examen une pièce déjà revêtue de la signature d'un de leurs collègues.

Quoi qu'il en soit, si ces différentes circonstances ne sont pas entièrement conformes à la vérité, voici quelque chose de plus positif.

Un capitaine Grec, nommé Bourbaki, dont le vaisseau étoit à Livourne, se trouvoit alors à Paris. Ce Grec avoit eu, antérieurement, des relations avec la famille Bonaparte. Bourbaki accepta l'offre qui lui fut faite d'une somme de 24,000 fr., s'il vouloit se charger de porter en Egypte une lettre à Bonaparte, et de la lui remettre en main propre. Joseph Bonaparte avoit écrit cette lettre; elle contenoit un tableau véridique de la

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auxquels je suis le plus attaché; ce ne sera que » momentanément, et le général que je leur laisse, » a la confiance du gouvernement et la mienne. »

Lorsque Bonaparte s'embarquoit, une corvette anglaise vint observer les deux frégates; les officiers. qui l'accompagnoient en tiroient un triste présage, et disoient qu'il seroit difficile d'échapper à la vigilance

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situation des affaires en France, des querelles du Directoire avec le Conseil des Cinq-Cents. Joseph annonçoit à son frère que sa présence étoit souhaitée en France par tous ceux qui desiroient sauver l'Etat, et qu'à son arrivée, il trouveroit les esprits disposés en sa faveur et prêts à le seconder dans tous ses desseins.

A cette lettre devoit être joint, sans doute, l'ordre du Directoire.

Le grec Bourbaki partit en diligence, se rendit à Livourne, mit à la voile sans perte de temps, et arriva heureusement à Alexandrie. J'ai une idée confuse, en effet, d'avoir entendu parler au Gaire, du voyage mystérieux de ce Grec. La lettre de Joseph décida Bonaparte à quitter l'Egypte.

Comme il n'a jamais été question de l'ordre du Directoire que j'ai cité plus haut, on peut conclure que s'il a effectivement existé, Bonaparte ne crut pas devoir user de ce moyen, et qu'il n'eût été pour lui qu'une justification dangereuse et illusoire, si le Directoire se fût cru assez puissant pour arrêter Bonaparte dans ses vastes projets.

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de l'ennemi.... « Bon! s'écria Bonaparte, nous arriverons......, la fortune ne nous a jamais aban» donnés...........; nous arriverons en dépit des Anglais.» On mit à la voile dans la nuit, et le contre-amiral Gantheaume, maître absolu de ses manœuvres, rangea la côte d'Afrique, prenant à la vérité la route d'une navigation plus longue, mais plus sûre.

Le 8 vendémiaire an 8 (30 septembre 1799), les deux frégates entrèrent dans le golfe d'Ajaccio. Le 16 du même mois (8 octobre), étant en vue des côtes de France, la petite escadre aperçut huit à dix voiles anglaises; le contre-amiral Gantheaume voulut aussitôt faire virer de bord pour retourner en Corse: « Non, non, s'écria Bonaparte, cette ma>>nœuvre nous conduiroit en Angleterre......, et je » veux arriver en France. » C'étoit la première fois qu'il avoit une volonté depuis son départ d'Egypte, et sa volonté le sauva.

Le 17 (9 octobre), Bonaparte débarqua à Fréjus, après quarante-un jours de la traversée la plus surprenante sur une mer couverte de vaisseaux ennemis.

Nous apprimes tout à la fois au Caire l'arrivée du général en chef à Alexandrie, son embarquement et son départ. Cette nouvelle plongea tout le monde dans la consternation. Habitués à voir ce chef favori. de la fortune, commander pour ainsi dire aux événemens, nous avions déposé sur sa tête nos destinées individuelles. Nous n'apercevions aucun moyen

de sortir d'Egypte, mais nous étions persuadés que Bonaparte en avoit mille. Notre confiance étoit telle en lui, que nous nous crûmes destinés à mourir en Afrique, lorsque nous apprêmes qu'il avoit fait voile d'Alexandrie. Telle fut la première impression que fit sur l'armée le départ du général en chef. La mauvaise humeur devoit succéder aux regrets, et elle fut générale. Les uns rappeloient ce qu'il avoit dit en apprenant la perte de notre flotte, et lui reprochoient de séparer son sort de celui des soldats qui avoient tout fait pour sa gloire; les autres cherchoient à l'excuser en trouvant des motifs puissans à un départ si secret et si précipité; de grands intérêts seuls pouvoient l'avoir déterminé à laisser l'Egypte; il alloit sauver la France : quelques-uns plus pénétrans lui supposoient des vues ambitieuses; mais tous, par un retour sur notre position, l'accusoient d'ingratitude et de mauvaise foi. Telle est la marche de l'esprit humain, qu'après avoir épuisé toutes les conjectures les plus défavorables, toutes les probabilités d'un avenir affligeant, il se rattache avec empressement à la lueur la plus légère d'une espérance souvent mensongère ainsi, l'espoir d'un changement salutaire en France et l'espoir plus flatteur encore d'une paix prochaine et glorieuse, vint calmer insensiblement l'agitation dans laquelle nous étions. Bonaparte nous avoit promis de prompts secours, et nous y comptions, en calculant sur l'im

portance qu'il devoit attacher à la conservation de sa conquête. Enfin, le nom de Kleber acheva de tranquilliser les esprits les plus alarmés; il avoit l'estime, la confiance des troupes, et il les méritoit.

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Kleber étoit grand et bel homme, il avoit une tournure militaire, imposante; sa figure étoit noble et fière, ses yeux vifs et perçans; ses traits inspiroient le respect. Sa voix étoit sonore son carac tère tout-à-la-fois violent et réfléchi; sa conversation annonçoit un homme instruit, profond et connoissant bien le cœur humain. Quelques mots de lui sur Bonaparte, font connoître qu'il le jugeoit fort diftéremment que bien d'autres ; c'est que Kleber étoit pen susceptible d'enthousiasme. Il paroît que la campagne de Syrie n'avoit pas répondu dans sa manière de voir, à l'idée qu'il s'étoit faite des talens militaires de Bonaparte. Il rendoit justice à son activité extraordinaire; mais il blâmoit par-dessus tout cette impatience qui ne respecie jamais les fatigues et la vie du soldat. Il disoit encore ces mots remarquables et que je me rappelle fort bien: « Ce n'est rien que » d'aller, il faut pouvoir revenir; ce n'est rien que » de prendre, il faut savoir garder ». Kleber avoit les qualités d'un grand général; et ce qui est assez rare, il savoit servir et obéir comme un soldat.

La défaite des Ottomans à Aboukir, en assurant notre tranquillité, au moins pendant un certain temps, accroissoit notre prépondérance en Egypte,

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