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un détachement d'infanterie pour escorter notre convoi de chameaux qui portoient de l'eau et des vivres.

Nous partîmes dans l'après-midi, et sortant par la porte de Lacoubé, nous tournâmes le mont Mokattam, suivant la route que nous traçoit un guide arabe nous marchâmes toute la soirée. Avant de nous reposer, nous traversâmes une vallée de sables, au milieu desquels j'aperçus des morceaux de bois pétrifié, d'une grosseur remarquable. C'étoient des troncs et des parties d'arbres presqu'entiers. Je n'avois jamais rien vu d'aussi surprenant, et la quantité de ces restes étonnans indiquoit facilement que là, autrefois, avoit existé une forêt considérable. Plus loin, l'on apercevoit comme l'ancien lit d'un fleuve. Je pris une note de cette rencontre singulière, et à notre rentrée au Caire, peu de jours après, je la remis à M. Monge.

Il n'est pas extraordinaire que les voyageurs n'aient point parlé de cette forêt pétrifiée, située à environ trois lieues directes, sud-est du Caire; les révolutions locales dans les déserts sont très-fréquentes, comme on le sait, et tel objet, découvert aujourd'hui, sera englouti sous les sables dans quelque temps, tandis que tel autre, enfoncé profondément, revient par une cause très-simple et commune en Egypte, à la superficie du sol. Au moindre vent les -collines délogent pour ainsi dire, et le sable léger

chassé à la surface de la terre ou lancé dans les airs, va combler des vallées ou s'amonceler au premier obstacle qu'il rencontre. C'est par ce mouvement continuel du sol que le désert empiète incessamment et d'une manière effrayante sur la partie productive et cultivée qui borde le Nil. On voit assez souvent en Egypte des villages voisins du désert, abandonnés de leurs habitans, et dont les maisons, ou plutôt les cabutes, se distinguent à peine sous les sables qui les ont englouties.

Nous cheminâmes la nuit, et à mesure que nous approchions du terme de notre petite expédition, le terrain changeoit, et nous marchions au milieu de collines rapides et très-inégales. La lune disparut de bonne heure, et nous laissant dans l'obscurité, -notre guide nous égara. Quelques-uns de nos chameaux, qui roulèrent avec leurs charges dans le bas d'un ravin, nous firent perdre beaucoup de temps. Le lendemain, à l'aurore naissante, noùs fùmes fort étonnés de nous trouver au milieu des déserts, et de n'apercevoir point les bords du Nil. Nous ne risquions rien de nous jeter sur notre droite, mais le but de notre course étoit déjà manqué. Nous arrivâmes de jour au village qu'occupoit la tribu que nous chassions, nous ne l'y trouvâmes plus. Nous passâmes là la nuit pour faire rafraîchir la troupe. Le général Rampon, qui remontoit le, Nil avec des troupes pour se porter dans une des provinces

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de la Haute-Egypte, avoit donné la première alarme aux Arabes, et les villages, par le moyen qu'ils emploient habituellement, s'étoient annoncé mutuellement la nouvelle de l'arrivée des Français.

Voici en quoi consiste ce moyen, dont se servent les villages pour se prévenir rapidement de la marche de l'ennemi, ou indiquer le moment où ils doivent se réunir pour le combattre. Comme le terrain est plat, des minarets d'un village on aperçoit facilement les plus voisins: de la poussière, jetée de leurs sommets et en assez grande quantité à une ou plusieurs reprises, forme un petit nuage qui se distingue du minaret prochain, et ces signes se répétant ainsi de village en village, leur tiennent lieu de télégraphes.

Le lendemain matin, nous nous jetâmes de nouveau dans les sables, espérant joindre la tribu qui, obligée de décamper très-promptement, n'avoit pu s'éloigner de beaucoup, à cause de ses bestiaux et de ses chameaux.

Effectivement, après avoir marché quelques heures, nous trouvâmes plusieurs femmes abandonnées dans des ravins avec des troupeaux et des enfans. Les hommes n'avoient pas craint de les laisser à notre discrétion, persuadés probablement que nous ne leur ferions aucun mal.

Cette course remplit à-peu-près le but que nous nous étions proposé, puisque la tribu ennemie étoit

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dispersée. Ce même soir, nous nous rapprochâmes du Nil pour passer la nuit, et le 10 messidor (28 juin) de bonne heure nous étions rentrés au Caire. Je n'ai parlé de cette course que pour rapporter la découverte de cette forêt de bois pétrifiés, découverte qui m'a paru aussi singulière qu'inté

ressante.

A peine avions-nous repris au Caire notre train de vie ordinaire, que le général Murat reçut de nouveau l'ordre, le 22 messidor (10 juillet), de se mettre en marche avec une colonne de cavalerie et d'infanterie. Le général Lagrange partoit le même jour pour aller surprendre un parti de Mamelouks à Sébabiar.

Voici ce qui donnoit lieu à ces mouvemens qui précédèrent la célèbre bataille d'Aboukir.

Les Mamelouks de la Haute-Egypte s'étoient divisés. Mourad-Bey avoit descendu le Nil sur la rive gauche, tandis qu'un autre corps descendant la rive droite, cherchoit à donner la main à Ibrahim-Bey revenu à Ghazah. Cette manœuvre, qui paroissoit indiquer un plan combiné, fut bientôt expliquée. Les Mamelouks attendoient à tout moment le débarquement d'une armée, sur le secours de laquelle ils comptoient, et qu'ils devoient seconder par de nouveaux efforts.

Le général Lagrange fut chargé de suivre les Mamelouks sur la rive droite, et le général Murat d'at

teindre, s'il étoit possible, Mourad-Bey. Les deux Mourad alloient peut-être se joindre et combattre ;ils ne se rencontrèrent pas. Mourad-Bey, qui s'étoit dirigé sur les lacs Natron, ayant appris qu'ils étoient déjà occupés par les Français, se retira sur les grandes pyramides, où le général Marat le suivit.

Pendant ce temps-là, le général Lagrange arrivoit à Sébabiar, et obligeoit les Mamelouks à fuir dans le désert.

Bonaparte, instruit du mouvement rétrograde de Mourad-Bey, partit du Caire, le 26 messidor (14 juillet), avec ses guides et différentes troupes, et se rendit aux pyramides où il se réunit au général Murat. C'est-là que le général en chef reçut une lettre d'Alexandrie, qui lui annonçoit qu'une flotte turque de cent voiles avoit mouillé devant Aboukir. Il embrassa en un instant le plan de l'ennemi, et pour prendre les dispositions nécessaires, il revint surle-champ à Gizéh. De là il expédia dans la nuit des ordres aux généraux de l'armée. Desaix se rapprocha du Caire en toute hâte, et une forte colonne mobile s'attacha aux pas de Mourad-Bey, pour ne pas lui laisser la facilité de se porter sur la côte d'Aboukir. Kleber avec une partie de sa division quitta Damiette pour se rendre à Rosette; le général Régnier reçut pour instruction d'observer avec plus de surveillance encore les débouchés du désert qui le séparoit d'Ibrahim-Bey.

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