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»bes qui, dans un endroit aussi resserré, doivent » faire un mal considérable (1). Ayant réduit Acre » en un monceau de pierres, je repasserai le désert, » prêt à recevoir l'armée européenne ou turque, >>> qui, en messidor ou thermidor, voudroit débar» quer en Egypte.

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Bonaparte termine sa lettre par le paragraphe suivant:

« J'ai été parfaitement content de l'armée dans » des événemens et dans un genre de guerre si nou» veaux pour des européens; elle fait voir que le » vrai courage et les talens guerriers ne s'étonnent. de rien, et ne se rebutent d'aucun genre de pri-, »vation. Le résultat sera, nous l'espérons, une ⚫ paix avantageuse, un accroissement de gloire et » de prospérité pour la république. »^,

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Dans une autre lettre, datée de Jaffa, le 8 prai-, rial ( 27 mai) il ajoute, après avoir rendu compte de la sortie du 27 germinal

« L'occasion paroissoit favorable pour emporter » la ville, mais nos espions, les déserteurs et les » prisonniers, s'accordoient tous dans le rapport

que la peste faisoit d'horribles ravages dans la » ville d'Acre, que, tous les jours, plus de soixante

(1) Inutile vengeance! Føible indemnité de tant de braves, morts sous ces funestes murs.

personnes en mouroient, que les symptômes en

» étoient horribles, qu'en trente-six heures on étoit emporté, au milieu des convulsions pareilles à » celles de la rage.

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Répandu dans la ville, il eût été impossible d'empêcher le soldat de la piller: il auroit rapporté » le soir, dans le camp, les germes de ce terrible » fléau, plus à redouter que toutes les armées du » monde. »

Quelque plausibles que paroissent ces raisons, on doit avouer, qu'après les attaques du 21 floréal (10 mai), la garnison de Saint-Jean-d'Acre ayant été renforcée, il fallut renoncer à l'espoir de s'emparer d'une place défendue avec cette opiniâtreté que montrent toujours les Turcs derrière une muraille: La nécessité d'abandonner ce point (véritable but de l'expédition), étoit une conséquence de la trop grande confiance avec laquelle on l'avoit attaqué, du peu de soins qu'on avoit mis dans les ouvrages, et de cette impatience qui n'admettoit pas la possibilité d'un reversibbad, w

Enfin, si l'expédition en Syrie n'a point été heu reuse dans ses résultats, elle a fait connoître au monde entier ce qué peuvent entreprendre des Fran" çais, et à son général ce qu'il pourroit en exiger un jour. En effet, quelle confiance ne devoit-il point avoir dans des soldats éprouvés par tant de combats, et cette confiance n'a-t-elle pas dû l'encourager à

former plus tard ces vastes projets de conquête, qui ont signalé son insatiable ambition, et ensanglanté toute l'Europe?

Dans le courant de la journée du 2 prairial (21 mai), l'armée se réunit successivement à Tentoura, On avoit réservé, dans les magasins de ce petit port, quelque peu de biscuit, qu'on délivra à la troupe àrajson de huit onces par homme, Les Arabes étoient déjà surnos traces, et harceloient la queue de nos colonnes, Le 3 (22 mai), au matin, l'armée se mit en mouyement, en suivant le rivage de la mer.

I

Je placerai ici ma première anecdote sur la peste, parce que c'est à Tentoura que je vis cette maladie dans son jour le plus affreux. Des hôpitaux de Kerdanné et du mont Carmel, on faisoit filer sur Tentoura nos malades et nos blessés. De Tentoura, de petits bâtimens les portoient à Jaffa, et de là à Damiette. Il y avoit encore dans les cabanes sur les bords de la mer, quelques malheureux qui attendoient qu'on les transportât. Parmi eux, un soldat étoit attaqué de la peste, et dans le délire qui accompagne quelquefois l'agonie, il suppósa sans doute, en voyant l'armée marcher au bruit du tambour, qu'il alloit être abandonné; son imagination lui fit entrevoir l'étendue de son malheur, s'il tomboit entre les mains des Arabes. On peut supposer que ce fut cette crainte qui le mit dans une si grande agitation, et qui lui suggéra l'idée de suivre les troupes ; il prit

son havre-sac, sur lequel reposoit sa tête, et le plaçant sur ses épaules, il fit l'effort de se lever. Le venin de l'affreuse épidémie qui couloit dans ses veines lui ôtoit ses forces, et au bout de trois pas, il retomba sur le sable en dónnant de la tête. Cette chute augmenta sa frayeur; et après avoir passé quelques momens à regarder, avec des yeux égarés, la queue des colonnes en marche, il se leva une seconde fois, et ne fut pas plus heureux : à sa troisième tentative, il succomba; et tombant plus près de la mer, il resta à la place que les destins lui avoient choisie pour tombeau. La vue de ce soldat étoit épouvantable; le désordre qui régnoit dans ses discours insignifians, sa figure qui peignoit la douleur, ses yeux ouverts et fixes, ses habits en lambeaux offroient tout ce que la mort a de plus hideux. Le lec

teur croira peut-être que ses camarades s'intéressoient à son sort, s'arrêtoient pour le secourir, s'empressoient à le soutenir, à l'aider dans sa marche incertaine........ Bien loin de là, cet infortuné n'étoit qu'un objet d'horreur et de dérision. On le fuyoit comme le mal qu'il ressentoit, en riant aux éclats de ses mouvemens qui ressembloient à ceux d'un homme ivre. « Il a son compte, crioit l'un; il » n'ira pas loin, disoit l'autre » ; et lorsque le malheureux tomba pour la dernière fois, quelques-uns ajoutèrent : « Voilà son logement fait ».

Il faut convenir de cette terrible vérité, que je ne

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puis m'empêcher de répéter l'indifférence et l'égoïsme sont les sentimens dominant à l'armée, et si vous voulez y être bien, tâchez de n'avoir besoin de personne, et surtout de vous bien porter.

Le 3 prairial (21 mai), nous couchâmes sur les ruines de Césarée, appelée auparavant la tour de Straton, et dans la suite Flavie-Auguste Césarée. Des débris en marbre et quelques colonnes de granit, annonçent ce que devoit être autrefois cette ville. Le général en chef se baigna dans la mer, ainsi qu'une partie de l'état-major.

Le lendemain, tout en cheminant sur Jaffa, nous nous battîmes contre les Nablouzins. Descendus de leurs montagnes, d'où ils nous avoient bravés, ils s'efforçoient en vain de nous arrêter dans notre retraite. Ils furent, pendant cette campagne, des ennemis constans et acharnés. Aucun moyen de séduction ne put agir sur leur esprit indompté, dont l'indépendance s'est toujours prononcée dans les révolutions de la Syrie. Il est remarquable de voir, dans des pachaliqs si voisins et si peu étendus, une différence si frappante dans les mœurs, les caractères et les habitudes.

Nous marchâmes presque toute cette nuit. Non, je ne crois pas qu'il y ait de plus grand supplice, que de ne pouvoir dormir. Obligés souvent de passer dans des chemins étroits, nos chevaux s'arrêtoient; nous ne restions pas dans cette inaction le temps de quelques secondes, que le sommeil nous gagnoit, et

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