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sites; nous en partions vers les trois heures, et nous dînions entre quatre et cinq, conservant les

ces vastes et grands projets, me semblent chimériques, et je ne puis me décider à croire qu'on y ait sérieusemént songé.

Voyons donc simplement dans l'expédition en Syrie, ce besoin impérieux d'agir, cette avidité de gloire nonvelle, que Bonaparte manifesta toujours, et les avan tages qu'il se promettoit dans cette conquête faite en courant, si j'ose m'exprimer ainsi,

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Il s'attendoit qu'à la saison favorable aux débarquement, des flottes viendroient menacer les côtes de l'Egypte, tandis qu'une armée viendroit par terre, l'attaquer en flanc, Déjà de grands magasins s'établissoient en Syrie, des troupes s'y réunissoient de diffé rentes provinces, l'orage se formoit quoique lentement, Bonaparte voulut le dissiper et assurer son répos en Egypte, en tranquillisant ses habitans par l'éspérance d'une paix intérieure que les Mamelouks seuls ne pouvoient troubler, et en rendant le retour de ces anciens maîtres impossible. Le miri ou l'imposition ordinaire ne pouvoit suffire aux dépenses de l'armée, et surtout à remplir les promesses séduisantes faites avant le départ de France. Bonaparte, maître de Saint-Jean-d'Acre, seul point qui pouvoit le retarder dans sa marche rapide, devoit conduire sa petite armée à Damas et en rapportér des richesses considérables, que cette grande ville', centre d'un immense commerce, devoit lui fournir, pendant un court séjour, suffisant cependant pour en

habitudes de notre pays. La table du général Murat étoit fort recherchée à cause du vin que nous avions rapporté de nos différentes courses.

Après notre dîner, étendus au frais, nous prenions le café de Mokka, et fumions le tabac de Lataquié sous la grande tente que nous avions capturée au Jourdain : elle n'étoit point faite comme les autres; ses murailles ne touchoient point la terre, et pouvoient s'ouvrir de différens côtés, de manière à établir un courant d'air en garantissant des rayons du soleil: là, nous jasions; presque toujours nos discours rouloient, ainsi que je l'ai déjà dit, sur les femmes, les plaisirs, la France; tous les trois'

pressurer les trésors. A son retour de Damas, il passoit par Jérusalem, châtioit les Nablouzins, qui s'étoient déclarés hautement contre lui, et rentrant en Egypte, vainqueur et triomphant, après une expédition heureuse et brillante, il s'assuroit d'une soumission aveugle que le flegme et la nonchalance des habitans accroissoient encore,

Quant à l'idée de marcher sur Constantinople, idée que l'ignorance seule des lieux et de notre situation a pu concevoir, je ne m'occuperai point de la réfuter. Cette note suffira, je pense, pour ramener à une opinion plus simple, ceux qui ont supposé à l'expédition de Syrie des motifs extraordinaires, tels que la conquête de l'Inde ou la prise de Constantinople.

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alors étoient synonymes pour nous, et l'un ou l'autre suffisoit pour chasser l'idée de notre désagréable position. Le soir, on se retiroit dans la tente fermée, et bien souvent nous avions dans la nuit le spectacle majestueux, mais affligeant, de la fusillade qui s'engageoit sous les murs d'Acre, des bombes qui parcouroient les airs, et des pots à feu que les assiégés jetoient à tout moment du haut des remparts, pour en éclairer le pied et se préserver de quelque surprise.

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Enfin, après avoir visité l'intérieur de notre dortoir, afin d'en expulser les scorpions qui s'y introduisoient dans le jour, nous nous couchions tous dans le doux espoir de voir prendre Acre et terminer nos peines.

On fit, jusqu'au 8 floréal (27 avril), de continuelles et vaines tentatives. Cette maudite tour qu'on avoit entamée, sembloit toujours offrir un débouché dans la ville, et n'étoit qu'un cul-de-sac, où à peine montés, nos soldats étoient accablés de bombes et d'obus que l'ennemi y faisoit pleuvoir.

Ce même jour, le général Caffarelli mourut. En visitant la tranchée, il s'étoit approché du puits que l'on creusoit pour faire une nouvelle mine; ayant appuyé son bras droit sur le revers du boyau, il ne voulut point le retirer promptement, ainsi que l'engageoient à le faire les soldats de garde, qui l'assuroient que l'ennemi tiroit avec beaucoup

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d'adresse sur le plus petit point qu'on lui offroit. Le général Caffarelli ne lui montroit que le coude.... il y reçut une balle qui le fracassa ; il tomba, cédant à sa douleur : on le rapporta au camp sur un brancard. Il avoit tout son sang-froid; je le vis au mo ment où on le faisoit entrer dans sa tente. Le chirurgien en chef Larrey jugéa l'amputation nécessaire et la lui fit. Caffarelli la soutint avec fermeté, mais il falloit tout son courage pour se voir tranquillement privé d'un second membre. Il mourut des suites de cette opération, et fut enterré devant les tentes du quartier-général. Caffarelli étoit un officier de génie du plus grand mérite. Son ame ardente ne voyoit que la gloire attachée aux grandes entreprises; c'étoit un vrai chevalier français.

Depuis que les Anglais étoient entrés dans la ville, les travaux des assiégés, dirigés par des officiers plus expérimentés et plus instruits dans l'art de la guerre que les Orientaux, nous offroient de nouveaux obstacles. Souvent la garnison faisoit des sorties; si elle ne parvenoit point à détruire nos ouvrages, elle en interrompoit le cours, et nous causoit des pertes irréparables. Outre les fatigues du siége, la puanteur des tranchées presque comblées de cadavres sans sépulture, des miasmes qui s'en échappoient continuellement nourrissoient parmi nous la cruelle maladie qui nous enlevoit souvent des hommes en bonne santé, ou des soldats légè

rement blessés. Ici, comme dans toutes les maladies, le moral accroissoit le mal, l'excitoit ou préservoit de la mort l'ame courageuse qui la considéroit sans effroi. Pourquoi nos soldats, dans les hôpitaux, n'ont-ils pas tous également succombé? Je pense que leur tempérament en a conservé une partie, mais anssi que la force du moral en a préservé une autre. Sûrement le malade qui s'affecte trop de son · mal, qui se tourmente perpétuellement, empire ses mauvaises dispositions, aigrit son sang, et accélère le moment qu'il redoute. Les esprits étoient frappés de l'idée de la peste et de ses ravages, les exemples effrayans de tous les jours augmentant la terreur, accroissoient la contagion. C'est ce qui faisoit que les officiers de santé s'efforçoient de persuader que la maladie qui nous emportoit tant de monde, n'étoit point la peste; mais personne ne croyoit à leurs assertions, et tout homme attaqué d'un mal de tête ou d'une légère douleur à l'aîne, pensoit être pestiféré.

Au 12 floréal (1er mai) quatre pièces de 18 furent mises en batterie, toujours contre la tour où nous faisions sans cesse de vains efforts pour nous loger. Elles achevèrent de la démolir, mais nos grenadiers ne purent pénétrer dans la place. La défense des assiégés étoit vigoureuse, et presqu'au même instant où nos troupes tentoient d'escalader les murs, ils faisoient des sorties dans lesquelles ils

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