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canon de douze. Ce coup de canon fut un coup de foudre. Vingt-cinq mille hommes de cavalerie, une nuée de fantassins, assemblage de tous les pays et de toutes les couleurs, frappés de terreur, se précipitent en désordre sur tous les débouchés, où ils S'entassent et s'arrêtent en se choquant. Nos froupes, étonnées d'un succès si surprenant et si facile, s'élancent sur eux avec confiance, et augmen tent par un feu bien dirigé le trouble et la confusion qui se sont emparés des ennemis.

Cette superbe cavalerie, qui n'avoit pu détruire deux mille français immobiles dans la plaine du mont Thabor, pouvoit elle arrêter dans leur course quatre mille soldats habitués à vaincre? Elle fuit ét nous laisse avec la victoire, des tentés, des chameaux, des provisions de toute espèce. Cette défaite qui tenoit du prodige, assura notre tranquillité pendant la fin du siége, C'est un beau fait d'armes résultat brillant d'une admirable combinaison de mouvemens, Bonaparte adressa l'ordre du jour à toute l'armée d'Egypte, sous la date remarquable et célèbre du mont Thabor.

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Le 27 germinal (16 avrit), le général Murat fit partir son aide-de-camp Colbert avec la compagnie du troisième de dragons, pour aller pousser une reconnoissancé jusqu'au pont Djesr-el-Makanie, situé près du lac de Tabarié, entre lui et la mer Asphaltite, Il ne rencontra personne, et rentra an

quartier-général le 30 au matin. Nous quittâmes Taharié le rer floréal (20 avril), en y laissant une garnison pour en préserver les précieux magasins.

Le général Murat avoit ordonné à son aide-decamp Beaumont, qu'il avoit détaché à Saffet, ainsi que je l'ai dit plus haut, de venir le joindre aux environs de Tabarié; mais celui-ci, parti de Saffet avec une escorte de quatre hommes à pied, n'avoit pu nous découvrir, et étoit rentré sans faire de fàcheuses rencontres au camp sous Acre. Il avoit rejoint l'artillerie restée au premier village où nous. avions couché, et avoit marché avec elle. Les villages qu'il traversa ne l'inquiétèrent en aucune façon, et assurément en Egypte, jamais Français escorté de quatre hommes, au commencement de notre campagne surtout, n'eût pu passer près d'un village sans être attaqué. Nous n'avions vraiment à craindre que les Arabes, qui suivoient nos convois dans l'espoir de les piller; mais les habitans respectoient fidèlement le lien qui sembloit nous unir: la religion (r).

Le 3 floréal (22 avril) nous rentrâmes au camp de la cavalerie dans la plaine d'Acre. Bonaparte étoit déjà de retour et venoit d'apprendre l'arrivée du contre-amiral Pérée, qui avoit débarqué à Jaffa

(1) Je ne parle ici que de la partie du Pachaliq-d'Aore que nous avons parcourue plus haut.

plusieurs pièces de siége, qui furent amenées avec des peines infinies au grand parc de l'armée. On alloit les voir avec une curiosité intéressée; la circonstance les rendoit bien précieuses, et ces belles pièces de bronze sembloient nous dire: «< Acre ne »sauroit nous résister ». Les paysans même les contemploient avec joie, et sembloient souhaiter autant que nous la reddition d'une place qui nous avoit coûté déjà tant de sang, et devoit nous encoûter bien davantage.

C'est à peu près à cette époque que Bonaparte, se promenant un soir avec le général Murat, s'écria, en lui montrant Saint-Jean d'Acre: « Le sort de » l'Orient est dans cette bicoque; la chute de cette » ville est le but de mon expédition, Damas doit en » être le fruit (1)».

Nous avions repris au camp du général Murat notre train de vie primitif. Nous nous levions entre

(1) Je tiens cette anecdote du général Murat qui a bien voulu me la communiquer par écrit, en y joignant d'autres renseignemens que je lui avois demandés.

Les paroles de Bonaparte ont besoin de quelque explication.

Il ne faut pas d'abord attacher à ces mots : le sort de Orient est dans cette bicoque, toute l'importance qu'ils paroissent avoir; autrement, il ne seroit possible qu'à Bonaparte de faire connoître comment le sort de l'Orient

six et sept heures; la toilette prenoit peu d'instans? nous déjeûnions vers les dix heures, et la matinée

étoit réellement dans cette bicoque, si par l'Orient il faut entendre les vastes empires compris dans la partie du globe sous cette dénomination. Mais ces paroles ne se ressentent-elles pas de l'habitude que Bonaparte avoit déjà contractée, de décider en prophête et d'un seul mot, de l'issue d'une campagne, de l'honneur des souvė, rains, de la liberté d'une nation entière? En attendant qu'il dévoile un jour à la postérité le sens mystérieux caché sous la première partie de la phrase en question, il me semble qu'il est raisonnable de ne pas lui supposer d'autres projets dans son expédition en Syrie, que ceux qu'il nous avoue lui-même, c'est-à-dire de prendre Saint-Jean-d'Acre pour être maître ensuite de Damas.

Si dans la première conception du plan d'invasion de l'Egypte, on avoit le dessein d'attaquer les possessions anglaises, ce ne pouvoit être qu'avec la réserve d'un traité particulier, consenti par la sublime Porte, et qui çût garanti à la République Française, la paisible possession de l'Egypte.Mais on voit, au premier coup-d'œil, les immenses difficultés qu'eût rencontrées un semblable traité, auquel l'Angleterre se fût naturellement opposée, Certes, il eût porté un coup mortel à son commerce pres→ que exclusif dans les Indes, en offrant, par l'Egypte et la Méditerranée, des communications plus faciles, plus rapides et plus sûres aux négocians de l'Europe, Suez et Cosseïr devenoient deux ports d'une extrême

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se consacroit au service. Vers le midi nous allions au camp pour savoir les nouvelles ou faire des vi

importance. Les marchandises traversoient le désert à dos de chameaux; arrivées sur les bords du Nil, elles descendoient ce fleuve pour être embarquées à Alexandrie ou Damiette, jusqu'à leur dernière destination. C'est sous ce point de vue que l'occupation de l'Egypte et celle de Malte, devoit déterminer l'Angleterre aux plus grands efforts. Toutefois en admettant un moment l'existence de ce traité, il n'est pas encore bien démontré que Bonaparte pût aller chercher dans les Indes les établissemens anglais, lorsque notre flotte venoit d'être anéantie dans la Méditerranée. L'armée s'affoiblissant journellement par des pertes partielles, mais répétées, auroit dû laisser un corps de troupes considérable pour garder l'Egypte, tandis que l'autre portion, après avoir traversé la Mer Rouge, ou les déserts, auroit franchi peut-être, l'espace qui la séparoit des comptoirs anglais. Il seroit inutile de s'étendre sur les dangers, les difficultés qu'offroit à notre armée aguer rie, une marche si longue, dans un climat si brûlant, au milieu de tant de peuples divers, et l'on doit croire que si l'armée française n'eût point reçu de renforts fréquens et respectables pour la mettre en état de se diviser et d'entreprendre une expédition aussi gigantesque, les anglais seuls, eussent suffi pour détruire la plus foible partie de l'armée française restée en Egypte.

Je ne sais si je me trompe dans mes conjectures, mais

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