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partie de l'armée de Damas, s'évanouit devant un petit point de Français (nous ne paroissions que cela au milieu de la plaine d'Iacoub), et n'eut pas le temps d'enlever ses tentes, ses munitions et ses provisions; elle nous abandonna tout. L'ennemi perdit quelques hommes dans sa retraite précipitée, ét de notre côté il n'y eut qu'un cheval de blessé. Ce rapport est exact.

Pendant que le général Murat poursuivoit l'arrièregarde de l'armée de Damas avec sa compagnie de dragons et les plus vifs de ses voltigeurs, il me fit donner l'ordre de m'emparer de tout ce qui pourroit servir à la troupe. Les soldats ne m'en laissèrent pas le temps. Joyeux de leurs succès, ils se dispersèrent dans le camp pour faire, avec leurs soins accoutumés, une exacte perquisition dans les tentes. Ils y trouvèrent une telle quantité de ces sucreries et confitures de Damas, si renommées dans l'Orient, qu'après en avoir rempli leurs poches et leurs havresacs, il furent obligés de jeter le reste. Je réservai une fort belle tente pour le général Murat; c'étoit celle du fils du pacha, et devant laquelle je trouvai sur des piques quatre têtes de Français:

A son retour sur le champ de bataille, le général fit réunir tous les objets qui ne pouvoient s'emporter, et y fit mettre le feu. On alla camper sur l'autre rive, en face de l'emplacement qu'avoit occupé l'ennemi, et là, les soldats achevèrent la journée à troquer les

captures qu'ils avoient faites. Au lieu de prendre du repos, ils passèrent la nuit à se divertir, à danser chanter et à faire l'éloge le plus sincère des confiseurs de Damas, en se gorgeant de leurs bonbons. Ils ne se rappeloient point s'être jamais trouvés à pareille fête. Au quartier-général, nous soupàmes également et très-gaiement avec des pâtisseries et des friandises de toute espèce, dont on chargea prudemment nos chameaux.

Notre camp fut éclairé toute la nuit par le feu des dépouilles de nos ennemis, et nous ne vîmes, le lendemain matin, que des monceaux de cendres, sur la rive gauche du Jourdain.

Il ne restoit plus d'inquiétude du côté de Damas; les troupes que nous avions battues si complètement étoient dans l'impossibilité de revenir, au moins pendant plusieurs jours; le fort de Saffet étoit débloqué, et la garnison renforcée ; le général Murat alors à seconder les mouvemens de la division pensa Kleber, et à s'emparer des magasins considérables que l'ennemi avoit formés à Tabarié.

Le 27, nous traversâmes de nouveau la plaine d'Iacoub en sa longueur, et nous approchâmes des bords de la mer de Galilée, ou lac de Tabarié. Nous laissâmes sur notre gauche, presqu'à l'embouchure du Jourdain, Capharnaum, où Jesus-Christ fit plusieurs miracles, et plus près de nous encore Bethsaïde, où il fit embarquer ses disciples, et vint

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les joindre marchant sur les eaux. Le lac étoit agité, et je me représentois ce jour où Jésus-Christ calma la tempête en traversant la mer de Galilée pour aller débarquer dans le pays des Gergéseniens, Nous apercevions encore de l'autre côté un pays aride; c'étoit celui de Dalmanuta, où Notre Seigneur se retira après le miracle de Décapolis. A deux lieues de Tabarié, nous traversâmes un défilé long et dangereux. Au sortir de cette gorge, on débouche dans une plaine. C'est là que nous fîmes rencontre d'un paysan qui paroissoit se diriger du côté du lac. Il se mit à travailler à la terre aussitôt qu'il reconnut que notre cavalerie marchoit sur lui. Le général Murat l'aborda, et lui fit demander où il alloit, de quel pays il étoit. Cet homme avoit une mine fausse, et ressembloit fort à un espion. Le général le fit déshabiller entièrement, pour voir s'il ne portoit point quelques lettres, et n'ayant rien trouvé sur lui, il le laissa. Nous bivouaquâmes la nuit dans cette plaine; nous étions assez rapprochés de Tabarié pour y arriver dans la soirée, mais le général Murat préféra surprendre la place le lendemain à la pointe du jour.

Le 28 (17 avril) nous arrivâmes sur les hauteurs qui dominent Tabarié. Cette ville est entourée de bonnes murailles, mais sans fossés. L'ennemi l'avoit évacuée pendant la nuit; et il paroît certain que le paysan de la veille avoit fait connoître notre mar

che à la garnison. Elle avoit pris le parti sage de la retraite. Cet événement étoit heureux, car, il eût été impossible de prendre Tabarié d'assaut, et encore plus d'en faire le siége sans artillerie et sans vivres. Les magasins trouvés dans la place étoient immenses, et auroient suffi à nourrir l'armée pendant très-long-temps. La quantité de grains. qu'ils renfermoient étoit si considérable que je ne pus l'estimer, et que je fus obligé de mander seulement à l'ordonnateur, qu'il pouvoit puiser sans crainte pour l'approvisionnement de l'armée. Tabarié étoit à trois grandes journées du camp, et cette distance rendoit le transport difficile; néanmoins on en tira des grains qui nous nourrirent pendant la fin du siége.

Le général Murat établit son quartier-général. dans le fort, où nous trouvâmes différentes choses que l'ennemi avoit abandonnées dans sa précipitation.

Pendant que nous nous reposions au séjour malsain de Tabarié, le général Kleber se battoit au mont Thabor (mont célèbre par la transfiguration de Jésus-Christ à la vue de ses disciples Pierre, Jacques et Jean). Sa division formée dans la plaine en bataillon carré, enveloppée d'ennemis, repoussoit à chaque instant des charges de cavalerie. Ses troupes, harassées, arrêtées par la foule qui les pressoit, se reposoient les armes à la main, et ména

geoient précieusement des munitions insuffisantes. On ne tiroit plus pour ainsi dire qu'à bout portant, mais ce petit groupe d'hommes intrépides se faisoit respecter encore d'une multitude dont on ne pouvoit calculer le nombre; l'armée ennemie sembloit une population entière, flottant sans ordre et sans but. Tandis que les uns combattoient, les autres faisoient paître leurs chevaux, fumoient, mangeoient ou dormoient. Une attaque générale eût écrasé le foible corps de Kleber; ils n'osèrent pas la tenter.

Tout à coup le bruit du canon se fait entendre: nos soldats, accablés de fatigue, se lèvent à ce signal inattendu; tous s'écrient: c'est Bonaparte! A ce seul mot la confiance renaît dans la division Kleber; l'effroi ajoute à l'irrésolution de l'ennemi.

En effet, le général en chef instruit des mouvemens des Nablouzins et de l'armée de Damas, aussi nombreuse disoient les gens du pays, que les étoiles du Ciel et les sables de la mer, avoit calculé sa marche sur celle que devoit tenir Kleber. Parti le 26 germinal (15 avril ) avec la division Bon, ses guides et quelques pièces d'artilleric, il étoit arrivé le 27 (16 avril) au matin, sur les hauteurs d'où l'on découvre Fouli et le mont Thabor. Il aperçoit au loin la division Kleber luttant avec constance contre la masse prête à l'étouffer. Il fait ses dispositions avec rapidité, et dans l'instant où ses colonnes s'ébranlent, il fait tirer un coup de

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