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mens, notre besoin le plus pressant étoit toujours de parler de la France et des femmes. L'espèce d'exil où nous nous trouvions depuis bien long-temps provoquoit la confiance; on contoit des histoires, et quelquefois la sienne.

Nous nous arrêtâmes vers les dix heures du matin dans une plaine agréable, entourée de montagnes assez élevées; nous n'étions qu'à trois lieues du camp, et le vent, qui venoit du Nord, nous portoit le bruit d'une canonnade assez vive. Nous supposâmes que le général en chef avoit fait donner un second assaut; ce n'étoit, ainsi que nous l'avons su par la suite, qu'une sortie vive de l'ennemi.

Nous fimes halte le soir près d'un village, dont les habitans nous reçûrent fort bien ; ils nous apportèrent pour notre dîner des galettes et des œufs sur le plat. Nous passâmes la nuit tranquillement, et à la pointe du jour, nous continuâmes notre route sur le Jourdain : nous ne fimes aucune mauvaise rencontre. Le chemin pierreux que nous parcourions étoit souvent diversifié, et nous étions enchantés toutes les fois que nous comparions l'aspect sévère, mais cependant aimable du pays que nous traversions, avec l'aspect poudreux et monotone des campagnes brûlantes de l'Egypte. Après avoir marché une partie de la journée, nous arrivâmes sur un plateau qui unissoit deux chaînes de collines, et nous découvrîmes sur notre gauche le roc pointu sur lequel s'é

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levoit le château de Saffet. Il ressembloit de loin à ces monumens gothiques que nous voyons en France. Au pied de ce château, se dessinoient les maisons blanches de la ville, qui entourent, en partie, le fort. Les habitations ne peuvent, en Syrie, être fabriquées comme celles d'Egypte; dans les saisons pluvieuses, elles seroient bientôt anéanties : le territoire offre d'ailleurs des ressources qu'on ne trouve point sur les bords du Nil, de fort bons matériaux et du bois de charpente. Ici les édifices simples et soli. des, ne nous présentoient plus l'aspect de ces fenêtres grillées, qui annoncent chez les Egyptiens, l'esclavage d'un sexe fait pour embellir notre vie. Ici, les femmes que nous rencontrions, loin de nous dérober leurs traits, étaloient à nos yeux surpris une physionomie douce et prévenante, à laquelle une blancheur remarquable donnoit un prix infini. Le titre commun de chrétiens devoit leur inspirer de la confiance, et les femmes de Saffet n'étoient sauvages qué par pudeur ou par coquetterie.

Lorsqu'on a descendu le plateau, on traverse une vallée étroite qu'arrose un petit torrent; ses eaux prennent leur source dans les montagnes qui se lient à la grande chaine du Liban, et font tourner quelques moulins. On suit ce torrent en gravissant la pente qui conduit à Saffet, d'où la vue s'étend au loin sur un paysage pittoresque. Nous fumes accueillis fort amicalement par les habitans. Le général Murat fit

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comparoître le cheikh (1), et l'assura de la continuation des bonnes dispositions du général en chef à l'égard de la ville. Il prit ensuite des renseignemens sur l'ennemi, et fut instruit qu'un foible corps de Maugrabins qui occupoit le fort, l'avoit abandonné à notre arrivée. Notre marche avoit été si secrète, que quelques hommes de la garnison sortoient de la ville à l'instant où nous y entrions: on les poursuivit, et le capitaine Colbert ramena deux prisonniers, parmi lesquels se trouvoit le commandant: c'étoit un homme âgé et respectable. Il pleuroit, et paroissoit surtout regretter les bijoux qu'il avoit perdus dans sa fuite, ou qui lui avoient été pris. Le capitaine Colbert, sensible à la malheureuse position de ce vieillard, dont le fils s'étoit fait prendre pour partager le sort de son père, lui fit rendre deux plaques de ceinture richement ornées. Ce pauvre homme, qui s'attendoit sûrement à recevoir la mort, fut très-étonné de la générosité de ses ennemis. Le général Murat lui fit entendre avec bonté qu'il ne le gardoit que par précaution, et pour achever de le tranquilliser, il le fit loger auprès de lui.

Nous trouvâmes dans le fort de Saffet, dont nous nous étions emparés, quelque peu de farine, du tabac et des lentilles. L'infanterie se logea dans le

(1) Le même Dâher qui avoit parlé à Bonaparte, au eamp sous Acre.

château; la cavalerie et le quartier-général se retirèrent dans des maisons à la droite du fort. La troupe étoit fatiguée, et nous avions tous besoin de repos; nous nous couchâmes sur des nattes, tandis que notre vieux prisonnier et son fils dormoient dans une chambre contiguë à la nôtre. Nous étions endormis profondément, quand des dragons vinrent nous réveiller, en annonçant au général Murat que l'on entendoit travailler dans une muraille voisine. Nous nous levâmes en silence; et prêtant une oreille attentive, nous entendîmes effectivement des coups de marteaux et des chuchoteries derrière une porte qui n'étoit murée qu'avec des pierres non cimentées. Notre général ordonna qu'on ne fit point de bruit, pour voir ce que vouloient ceux qui venoient nous éveiller si mal à propos, el si l'on ne pourroit point les surprendre et les arrêter. Peu d'instans après, les pierres s'écroulèrent, nos dragons firent feu, mais n'attrapèrent personne. Toutes nos recherches furent vaines pour découvrir les auteurs et le but de cette tentative inutile.

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Le reste de la nuit fut calme. A la pointe du jour, le général Murat, laissant la cavalerie à Saffet, prit un détachement d'infanterie pour aller faire une reconnoissance jusqu'au pont d'Iacoub sur le Jourdain je l'accompagnai. Nous descendîmes la montagne de Saffet du côté qui regarde la chaîne du Liban, laissant à notre gauche, à quelques lieues, Césarée de

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Philippe le Tétrarque, où Jésus-Christ annonça à ses
Disciples le mystère de ses souffrances et de sa mort.

Après une heure un quart de marche, nous nous trouvâmes dans la plaine d'Iacoub; nous avions à notre gauche le lac Moron, en arabe Bahrr-el-Houlei Il est formé par les eaux du Jourdain, qu'il reçoit à deux lieues de sa source. Ce lac, d'ailleurs d'une petite étendue, est à sec en été. Au moment où nous le voyions, il étoit caché sous les plantes qui flottoient sur ses caux. Nous n'en approchâmes pas, et continuâmes notre chemin en marchant directement sur le Jourdain, Bientôt nous découvrîmes le lac de Génézareth, ou mer de Galilée, en arabe Bahrr-elTabarié. Je parlerai de ces lieux d'une manière plus étendue à mon second voyage, que je fis quelques jours après. Nous arrivâmes près du pont d'Iacoub ; nous y fîmes une halte pour nous reposer et nous rafraîchir. Ici le Jourdain coule dans un lit trèsresserré; on ne l'aperçoit que lorsque l'on est sur les collines qu'il sépare. La pente en est rapide, et ses bords sont couverts en quelques endroits d'arbustes. Les voyageurs ont écrit que du lac Moron à celui de Tabarié, il y a un espace d'environ huit lieues, et que le terrain qu'arrose le Jourdain est semé d'indigo; je ne crois point qu'il y ait une aussi grande distance entre ces deux lacs, et je ne me rappelle point avoir vu d'indigo,

Le général Murat n'ayant rien aperçu qui pât

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