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avec calme leur ablution dans cette eau stagnante dont j'ai parlé, puis, se prenant la main, après l'avoir portée sur le cœur et à la bouche, ainsi que se saluent les Musulmans, ils donnoient et recevoient un éternel adieu. Leurs ames courageuses paroissoient défier la mort; on voyoit dans leur tranquillité la confiance que leur inspiroit, à ces derniers momens, leur religion et l'espérance d'un avenir heureux. Ils sembloient se dire: « Je quitte ce » monde pour aller jouir auprès de Mahomet d'un » bonheur durable. » Ainsi, ce bien-être après la vie, que lui promet le Qorân, soutenoit le Musulman vaincu, mais fier dans son malheur.

Je vis un vieillard respectable dont le ton et les manières annonçoient un grade supérieur, je le vis.... faire creuser froidement devant lui, dans le sable mouvant, un trou assez profond pour s'y enterrer vivant sans doute il ne voulut mourir que par la main des siens. Il s'étendit sur le dos dans cette tombe tutélaire et douloureuse, et ses camarades, en adressant à Dieu des prières suppliantes, le couvrirent bientôt de sable, et trépignèrent ensuite sur la terre qui luiservoit de linceul, probablement dans l'idée d'avancer le terme de ses souffrances.

Ce spectacle qui fait palpiter mon cœur et que je peins encore trop foiblement, eût lieu pendant l'exécution des pelotons répartis dans les dunes. Enfin il ne restoit plus de tous les prisonniers que ceux placés

près de la mare d'eau. Nos soldats avoient épuisé leurs cartouches; il fallut frapper ceux-ci à la bayonnette et à l'arme blanche. Je ne pus soutenir cette horrible vue; je m'enfuis pâle et prêt à défaillir. Quelques officiers me rapportèrent le soir que ces infortunés, cédant à ce mouvement irrésistible de la nature, qui nous fait éviter le trépas, même quand nous n'avons plus l'espérance de lui échapper, s'élançoient les uns dessus les autres, et recevoient dans les membres les coups dirigés au cœur, et qui devoient sur-le-champ terminer leur triste vie. Il se forma, puisqu'il faut le dire, une pyramide effroyable de morts et de mourans dégouttant le sang, et il fallut retirer les corps déjà expirés pour achever les malheureux qui, à l'abri de ce rempart affreux, épouvantable, n'avoient point encore été frappés. Ce tableau est exact et fidèle, et le souvenir fait trembler ma main qui n'en rend point toute l'horreur (1).

(1) Le lieutenant-colonel Robert - Thomas Wilson rapporte ee fait avec d'autres détails, dans son ouvrage de l'expédition de l'armée britannique en Egypte. Il fait monter le nombre des prisonniers à 3800. Je crois me rappeler qu'il n'étoit pas aussi considérable.

Bonaparte, premier consul, se plaignit amèrement. de cet ouvrage qui fut accueilli avec avidité en Angleterre. Il fut le sujet d'un des principaux griefs que notre Gouvernement exprima contre celui de la Grande Bretagne.

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Jaffa pris, les divisions s'étoient rapprochées de la place. Il faut croire que les maladies qui régnoient déjà dans la troupe, prirent un caractère plus alarmant, quand nos soldats eurent communiqué fréquemment avec Jaffa qui contenoit probablement des miasmes de peste. La quantité des morts qui restèrent long-temps sans sépulture, sous les murs de la ville et dans ses environs, ne contri

bua

pas peu à rendre l'air malsain et dangereux. Si la maladie qui nous enlevoit tant de monde n'étoit point la peste, elle en avoit du moins le caractère principal, c'est-à-dire le bubon.

Jaffa est l'ancienne Joppée. C'étoit une des principales ville de Phénicie. Elle fut prise par Jonatham, fils d'Asalom. Il en chassa les habitans et la peupla de Juifs. Cette place devint alors le port de mer le plus considérable de la Judée.

Maintenant il est comblé, mais nettoyé il pourroit recevoir environ une trentaine de bâtimens. Jaffa a deux sources d'eau vive. C'est dans ses murs qu'arrivent les riz de Damiette, et aussi par son commerce que sortent tous les cotons filés de la Palestine.

Avant de quitter la position qu'il occupoit à Misky, Kleber fit pousser une reconnoissance dans montagnes qu'il avoit à sa droite : elles avoisi

les

nent le pays de Nablous et de Jérusalem. Le territoire de Nablous fut célèbre anciennement sous le nom de royaume de Samarie. Le général Damas

commanda cette reconnoissance, mais à peine le
petit nombre de troupes qui l'accompagnoient s'é-
toit-il engagé dans des défilés étroits et pénibles, que
les Nablousins vinrent les assaillir, et blessèrent
dangereusement au bras le général Damas. Habi-
tués à faire la guerre dans leurs montagnes, ils se
cachoient derrière des rochers ou des arbres, et
leurs coups étoient
presque toujours assurés. Les
Français furent obligés de se retirer au camp; et le
24 ventose (14 mars), les divisions qui avoient
formé le blocus de Jaffa, arrivèrent avec le quar-
tier-général au camp de Kleber. Nous rencontrâmes
en route le général Damas porté sur un brancard,
et qui, ne pouvant suivre l'armée, retournoit à
Jaffa pour passer ensuite en Egypte.

Le 25, les divisions se mirent en marche sur Zéta. J'avois d'abord pensé que l'on suivroit la côte, mais je vis bientôt que le général en chef, instruit du mouvement des ennemis, s'avançoit un peu plus sur la droite pour les rencontrer. A midi on distingua quelques cavaliers, et bientôt un corps considérable sur les hauteurs de Korsoum. Les divisions se formèrent en bataillons carrés, et s'avancèrent sur l'ennemi. La division du général Lannes se jeta sur la droite d'une vallée qui séparoit Korsoum et les montagnes de Nablous. Elle attaqua ces mêmes Nablousins, qui, connoissant mieux que nous les défilés, les chemins couverts, tout en se retirant devant nos troupes, se battoient

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à

avec un certain avantage. La division du général
Lannes perdit plusieurs soldats et un colonel de
son infanterie. Pendant cette affaire, les autres di-
visions, gravissant les hauteurs de Korsoum avec la
cavalerie, faisoient fair devant elles les Mamelouks
coups de canon et d'obusiers. Arrivés à la posi-
tion de l'ennemi, nous l'aperçûmes dans la vallée
à nos pieds, se retirant au petit galop. C'étoit tou-
jours un spectacle superbe que cette cavalerie mar-
chant sans ordre, et ces drapeaux de diverses cou-
leurs qui s'agitoient au milieu d'elle. L'armée des-
cendit la montagné de Korsoum, et vint camper à
la tour de Zéta où l'on pansa les blessés de la divi-
sion du général Lannes.

Le lendemain nous couchâmes à l'entrée de la plaine de Saint-Jean d'Acre, après une route bien pénible dans des terres imbues de la pluie abondante tombée depuis plusieurs jours. Les chevaux, les ânes, les chameaux enfonçoient à près d'un pied, et plusieurs, épuisés déjà par la fatigue, ne purent se retirer de ce limon. Les difficultés pour faire avancer l'artillerie étoient plus grandes encore, et l'on étoit obligé souvent de mettre dix à douze chevaux sur une petite pièce. Nos chameaux habitués à vivre sous un ciel plus serein, avoient presque tous de la peine à résister à l'humidité qu'ils redoutent. Quoique cet animal ne paroisse pas exiger beaucoup de soins, il dépérit si on ne le protège,

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