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telas, dans la tente de l'ordonnateur Daure, et notre sommeil étoit si profond, que nous n'entendions point l'orage. Cependant les eaux commençèrent à s'écouler; et, comme elles traversoient ordinairement les tombeaux où notre tente étoit élevée nous fùmes bientôt réveillés en sursaut. Une table, des selles, nos effets enfin furent soulevés avec violence. Dans ce désordre, nous cherchâmes à tâtons nos bottes et nos habits errant aux gré du torrent. Nous fumes obligés de fuir.

Au milieu de ce désastre, quelques soldats avoient enfoncé un des tombeaux les plus élevés, et troublant ainsi le séjour de la mort, en avoient fait un abri contre l'orage. C'est là que nous nous réfugiâmes. Le lendemain, toute l'armée se ressentoit de la mauvaise nuit passée, et le général en chef fut obligé d'abandonner le jardin où il s'étoit établi d'abord : il eût été impossible d'y rester, on ne pouvoit plus marcher sur la terre labourée ; les soldats ne se préservoient de la pluie qu'en allumant de grands feux; ils abattoient les arbres, brisoient les portes, démolissoient les maisons pour se procurer une chaleur bienfaisante.

La température froide et humide de la Palestine, surtout au moment où nous y étions, devoit naturellement agir sur nos corps, qui avoient contracté l'habitude de suer abondamment. Nous nous retrouvâmes en France pour le climat, et la guerre

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devenoit d'autant plus pénible, que nous n'avions
rien pour nous abriter, et que notre subsistance
dépendoit presque toujours des ressources que l'en-
nemi nous laissoit: il étoit presqu'impossible de
faire venir par terre des convois de Saléhieh; par
mer, nous aurions eu bien des facilités; mais les
Anglais croisoient toujours sur les côtes d'Egypte
et de Syrie. Les approvisionnemens étoient donc
très-difficiles. Les Mamelouks vinrent à notre se-
cours. Ignorant l'art de faire la guerre, quoique se
battant bien individuellement, ils avoient toujours
soin de nous laisser des magasins bien approvision-
nés et même des munitions de guerre. C'est ainsi
qu'à Ghazah nous trouvâmes, dans le fort, de la
poudre et du biscuit.

Le 10 ventose (28 février), l'armée se mit en marche.

Quel pays intéressant nous laissions sur notre droite, et que je desirois vivement de le visiter! Qu'il m'eût semblé beau de parcourir Jérusalem avec la bible, et de chanter le Tasse sur ses murailles renversées! De quel bonheur jouit l'homme instruit, me disois-je! Quel supériorité il a sur les autres! L'ignorant foule sans regrets la terre sur laquelle il marche; l'homme instruit s'arrête à chaque pas; une pierre, un monument quelconque lui rappelle un combat qui décida du sort d'un empire ou de la destinée d'un héros. Tel monticule,

indifférent pour tout autre, lui offre un trait d'histoire ou le siége d'une grande ville que le temps a effacée. Ainsi l'ignorant végète sur la terre, tandis que l'homme instruit vit dans le passé, dans le présent, et souvent dans l'avenir.

Nous couchâmes à Esdoud; c'est l'ancienne Azoth.

On ne s'accorde point sur l'origine du nom de cette ville; mais en regardant ses masures affreuses, qui ne sont célèbres actuellement que par la quantité de scorpions que nous y trouvâmes, j'avois peine à penser qu'elles eussent soutenu autrefois le plus long siége de l'histoire profaue et sacrée un siége de 29 ans. On adoroit dans ses murs, peut-être florissans, l'idole de Dagon.

Ici nos soldats, trempés continuellement par la pluie qui ne cessoit de tomber, incendioient des. bois d'oliviers pour se sécher la nuit ; le feu leur paroissoit aussi le seul moyen de défense contre des insectes innombrables, dégoûtans et venimeux, qu'ils rencontroient à chaque pas.

En partant de Ghazah, nous laissâmes sur notre gauche Askalan, l'ancienne Askalon; c'étoit autrefois un port de mer; maintenant il est à plus de 600 pas de ses eaux, qui baignoient des ruines que l'on distingue encore dans les sables.

Le 13 ventose (3 mars), la division Kleber formant l'avant-garde, arriva devant Jaffa. Elle fit rentrer dans

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la place les postes extérieurs de l'ennemi, mais rem-
placé bientôt par
les autres corps de troupes qui ar-
rivoient successivement, Kleber alla prendre posi-
tion sur la rivière de Lahoya à deux ou trois lieues
de Jaffa, sur la route de Saint-Jean-d'Acre. Les
divisions des généraux Lannes et Bon formèrent
l'investissement de la place.

Le 14 (4 mars), on fit la reconnoissance de la ville. Elle étoit entourée d'une assez bonne muraille, flanquée de tours garnies de canons. Ce rempart n'étoit point défendu par des fossés. On présuma que l'attaque ne seroit point longue, et l'événement prouva qu'on ne s'étoit point trompé. Dans la nuit du 14 au 15 on ouvrit la tranchée.

L'ennemi avoit évacué Ramléh avec tant de précipitation, qu'il nous y abandonna une assez grande quantité de biscuit, de l'orge et des outres. Ce point ainsi que Loudde, approvisionnèrent l'armée pendant le siége.

Ramléh est l'ancienne Arimathia, et la patrie de Nicodème et de Joseph, qui paya le corps du Christ sur la croix. Elle, n'a guère actuellement plus de 200 familles. Les habitans y font du savon qu'ils envoyent en Egypte et dans l'intérieur de la Syrie.

Pendant qu'on avançoit et perfectionnoit les travaux, les maladies s'introduisoient déjà dans l'armée et y fesoient des progrès sensibles. Une fièvre, dont les symptômes se manifestoient par des taches sem

blables aux morsures des puces, emportoit le malade en trois jours.

Le 17 (7 mars) à la pointe du jour, le général Berthier envoya au commandant de Jaffa, la sommation suivante :

«Dieu est clément et miséricordieux.

» Le général en chef Bonaparte me charge de vous » faire connoître que Djezzar Pacha a commencé » les hostilités contre l'Egypte, en envahissant le » fort d'El-Arich; que Dieu; qui seconde la justice, » a donné la victoire à l'armée française, qui a re» pris le fort d'El-A'rich; que c'est par suite de la » même opération qu'il est entré dans la Palestine, » d'où il veut chasser les troupes de Djezzar Pacha, qui n'auroient jamais dû y entrer;

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Que la place de Jaffa est cernée de tous côtés, » que les batteries de plein fouet, à bombes et à brêche, vont, dans deux heures, en culbuter la » muraille et en ruiner les défenses;

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Que son cœur est touché des maux qu'encour»roit la ville entière en se laissant prendre d'assaut; qu'il offre sauve-garde à la garnison, protection » à la ville: qu'il retarde, en conséquence, le com» mandement du feu jusqu'à sept heures du matin.

Les Turcs derrière des murailles se croient invincibles. Le commandant de Jaffa fit couper la tête au turc qui lui porta la sommation, et ne rém pondit point.

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