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de domestiques. Nous fumes d'abord introduits dans
une salle où l'on avoit dressé une grande table en-
tourée de chaises. Les Turcs pensoient nous faire
une galanterie, en nous servant à la française. Nous
ne fimes que passer dans cette salle à manger, et
nous entrâmes dans un autre appartement, où nous,
trouvâmes la société. Les saluts furent récipro-
ques, et nous nous étendîmes sur les divans. Les
convives étoient costumés richement. Des musi¬
ciens, dans une partie de ce salon, attendoient
l'ordre de commencer leur symphonie, que je puis
dire discordante. Vis-à-vis nous étoient des pla-
teaux, couverts de liqueurs douces et de confitures,

'de toutes espèces. On nous les servit ; elles étoient
agréables, mais c'étoit pour nous un contre-sens
'en cuisine, et elles ne nous firent pas un grand
plaisir. Les pipes remplies d'un excellent tabac et
de bois d'aloës, nous furent présentées. Les do-
mestiqués les allumoient au brasier, et nous les
apportoient dans leurs bouches : c'est l'usage, et
depuis long-temps nous ne regardions plus à une
chose qui nous avoit d'abord dégoûtés. D'ailleurs
l'extrémité du tuyau étant toujours garnie d'ambre,
'elle ne peut conserver l'humidité de la bouche de
celui qui vous passe la pipe après l'avoir essuyée.
On parloit beaucoup, on rioit peu. Quelle gaîté
pouvoit en effet régner parmi des gens dont les
goûts, les mœurs sont si différens, et qui ne peu

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vent s'entendre qu'au moyen d'interprètes? Déjà la tristesse s'emparant de nous, le silence succédoit, et notre imagination nous transportoit dans notre patrie, quand des sons aigus, entièrement discords, nous rappelèrent que nous étions chez, Ismaël-Ismail. Les musiciens, renommés dans la ville, jouoient, crioient tour-à-tour. Un tenoit un violon à deux cordes, le second une guitarre, le troisième un instrument qu'il portoit sur ses cuisses, et qu'il touchoit avec des morceaux de plumes attachés à des anneaux passés dans les index. Nos compagnons paroissoient très - sensibles aux sons que prodaisoient les musiciens, et les figures peignoient fort bien les sensations que leur faisoit éprouver cette musique, qui nous déplaisoit cruellement.

Un domestique noir vint enfin annoncer que le repas étoit servi; nous revînmes dans la première salle. Derrière une fenêtre grillée étoient des femmes, dont nous ne pouvions distinguer les traits.

Le premier service consistoit en riz et soupes au pain. Des bouteilles de vin de Chypre et des vases remplis de sauces diverses garnissoient la table. Deux minutes après ce premier service, on apporta de nouveaux plats de viande de boeuf et de volailles bouillies. Bientôt se succèdèrent avec une telle rapidité, rôtis, poissons, légumes, sucreries, pâlisseries, que je fus obligé d'abandonner l'idée que

j'avois eue de compter les changemens; mais je puis assurer sans crainte d'exagérer, que les services allè rent jusqu'à vingt. Le dernier fut cependant remarquable. Il étoit composé de deux plateaux, portant deux grands globes faits avec une pâte légère; une baguette noire et une blanche accompagnoient chacun de ces édifices? Le maître de la maison donna le bâton blanc à l'ordonnateur Sucy, avec prière de casser un des globes, d'où il sortit des pigeons portant dés faveurs à leurs cous.

Les convives ayant fait connoître, par de bruyantes exhalaisons, qu'ils avoient fort bien diné (1), on se leva de table; nous revînmes au salon, reprîmes nos places, les pipes, et l'on servit le café et de nouvelles liqueurs.

La musique recommença, les convives se rapprochèrent pour parler, d'autres s'endormirent ; à peine nous nous reposions de ce fatigant repas, que les domestiques apportèrent le sorbet qu'il fallut avaler, et que, malgré sa réputation, je trouvai fade et peu agréable.

Nous allions sortir, lorsque les domestiques reparurent encore, et nous aspergèrent d'eau rose; les

(1) Roter, chez nous, est une preuve de manque d'éducation et de mal-propreté; chez les turcs c'est l'assurance qu'ils donnent à l'Amphitrion du plaisir que leur a fait son repas.

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tures s'en frottèrent la figure, la barbe et les mains. Après cette dernière cérémonie nous rentrâmes chez nous, comparant ce diner si long à nos repas délicieux, et la gaîté franche qui les assaisonne souvent, à la froide monotonie qui avoit accompagné celui-ci.

.

L'ordonnateur en chef Sucy avoit le vif desir de retourner en France. Il s'ennuyoit plus que, jamais, et sa blessure allant de mieux en mieux, sans cependant lui permettre une grande activité, d'après l'avis des chirurgiens, qu'il ne recouvreroit l'usage de ses doigts qu'avec le secours des eaux, il demanda au général en chef la facilité de retourner en France; elle lui fut accordée avec des passeports pour quelques personnes qui l'entouroient. Je croyois alors pouvoir espérer de partir avec lui, je fis même bien des efforts; l'ordonnateur Sucy m'assura qu'il avoit demandé, au général en chef, la permission de m'emmener, mais qu'il lui avoit répondu que j'étois jeune, et que je devois rester. Ce refus m'a sauvé la vie, si effectivement Bonaparte l'a prononcé ; mais je crois que d'autres motifs ont déterminé l'ordonnateur Sucy à me laisser en Egypte. Mes instances furent pressantes cependant et heureusement inutiles. Le commissaire Sucy partit pour France; il relâcha en Sicile, et y fut massacré, ainsi que ceux qui étoient à son bord. On verra par la suite de ces mémoires, qu'il faillit en

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arriver autant au général Desaix. Oh! c'est un peuple bien doux et bien hospitalier, que le peuple Sicilien! Ainsi, lorsque je me plaignois d'être obligé de rester, je me plaignois de ne point courir à un trépas assuré. A la guerre surtout, il faut suivre aveuglément son sort; en croyant fuir le danger on s'y précipite. Le commissaire des. guerres Daure, remplaça l'infortuné Sucy.

Le 1er ou 2 nivose (22 ou 23 décembre) Bonaparte adressa aux habitans du Caire une proclamation dont voici les endroits les plus remarquables. «Des hommes pervers avoient égaré une partie » d'entre vous; ils ont péri....

» J'ai été faché contre vous de votre révolte; je » vous ai privés pendant deux mois de votre dyvân; mais aujourd'hui, je vous le restitue....

>>

Chéryfs, Eulémás, orateurs des mosquées, » faites bien connoître au peuple que ceux qui, de gaieté de cœur, se déclareroient mes ennemis » n'auront de refuge dans ce monde ni dans l'autre. >> Y auroit-il un homme assez aveugle pour ne pas » voir que le destin lui-même dirige toutes mes opé>>>rations? Y auroit-il quelqu'un assez incrédule » pour révoquer en doute que tout, dans ce vaste >> univers, est soumis à l'empire du destin?

>> Faites connoître au peuple que, depuis que le » monde est monde, il étoit écrit qu'après avoir dé>>truit les ennemis de l'islamisme, fait abattre les

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