Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Florence avec toute sa suite et ses malles faites la veille.

De Florence il écrivit à Paris les détails d'un événement dont on ne lui avoit fourni que le cannevas, et il termina sa dépêche diplomatique par ces mots remarquables

« C'est à vous maintenant d'aviser aux moyens de punir ce lâche gouvernement sacerdotal, toujours infidelle au droit des gens, toujours incorrigible dans sa perversité et constant dans sa haine contre la révolution française. >>

Ce n'est pas ainsi que s'exprimoit son frère, lors du traité de Tolentino. Mais qui est engagé aujourd'hui ou par les liens du sang ou par ceux des traités? Qui ne sait que la république française n'est jamais. moins disposée à la paix qu'alors qu'elle est forcée d'en signer les conditions..... Ainsi sous ce rapport, le style de son ambassadeur n'a rien d'étonnant, rien que de

conforme à ses instructions.

Mais cet ambassadeur avoit été jusqu'alors comblé de biens par ce gouvernement qu'il

traitoit si mal. Non seulement il vivoit en bonne intelligence avec ses ministres, mais il écrivoit à Paris que depuis le traité de

[ocr errors]

Tolentino, il n'avoit pas un seul tort à leur reprocher. Et pour peu qu'on nous ait supposé de mémoire ou de bon sens, on devoit ou mieux ménager les transitions ou s'attendre à notre incrédulité.

On demande comment il s'est fait que Rome, dont la politique étoit jadis le modèle ou l'écueil de celle des autres Etats, est venue échouer devant des écoliers, et soit tombée dans un piége, que tant d'avis et une longue expérience lui avoient appris à éviter......?

J'avoue que rien ne paroît mieux fait pour déconcerter toutes les conjectures de la raison.

L'auteur des Mémoires philosophiques dePie VI, le C. Bourgoing explique assez bien les cabales, les intrigues croisées, et les sourdes manoeuvres dont cet infortuné pontife fut le jouet sans interruption pendant tout son règne.

Mais il ne dit point, et vu ses principes et son but, il n'a garde de dire que ce fut en répandant à Rome l'argent qu'ils voloient dans les églises que les Français préparérent et consommèrent la chûte du chef de l'église ; et encore cela n'explique-t-il que

1

très-imparfaitement l'embarras et l'aveuglement de la cour de Rome dans cette dernière crise.... Cherchons-en donc ailleurs la cause.

«La république française, écrivoit, il y a deux ans Mr. Burke, a tellement subjugué la tête des gouvernans de chaque nation, que la seule ressource qui se présente à eux, c'est de courir au-devant d'une pitié dédaigneuse et superbe, en rivalisant de bassesse et d'humilité, ( Première lettre sur les ouvertures de la paix. ) Voilà, selon nous, l'explication de beaucoup d'énigmes.

C'est donc principalement dans la peur qu'inspiroient nos opinions qu'il faut chercher la cause de nos succès.

Cette peur avoit renversé toutes les têtes et détraqué tous les gouvernemens : c'étoit là le grand ressort de la politique ; encore n'avions nous pas le mérite de son invention.

Rome succombant aujourd'hui sous le poids d'un colosse imaginaire, avoit jadis employé ce moyen pour enchaîner les Gaulois, l'Egypte et la Syrie.

« Rien ne servit mieux Rome, dit Mr. de Montesquieu, que la terreur qu'elle imprima

1

[ocr errors]

à toute la terre; elle mit d'abord les rois dans le silence et les rendit comme stupides (Grandeur et décadence des Romains chap. 6.) (1)

Un évènement aussi important dans ses effets donna lieu à une correspondance curieuse dans ses termes : toutes les parties intéressées se hâtèrent d'écrire, soit pour le détailler, soit pour le désavouer.

La première des lettres, dont après celle de J. Buonaparte, les journaux officiels se servirent comme de pièces justificatives, étoit de Mr. le chevalier Azzara, ministre d'Espagne à Rome, élève de la philosophie, fin courtisan, délié politique, qui prenant chaudement les intérêts de la république française dont il avouoit les principes, feignit d'abord de vouloir sortir de Rome avec l'ambassadeur outragé, puis se laissa vaincre par les supplications du cardinal secrétaire, et finit par conserver l'amitié des deux partis, qu'il jouoit également.

(1) Ce chapitre VI de Montesqieu fut la règle élément taire du gouverneinent français, après ie 18 fructidor, au moins autant que l'histoire de la politique romaine: il faut je lire tout entier pour s'assurer de quelle servilité nos plats tyrans étoient coupables.

[ocr errors]

La seconde est du cardinal secrétaire au jeune Buonaparte qu'il appelle son ami. Elle ne fait honneur, ni à son esprit, ni à son caractère; il s'excuse bassement et mal d'une injure qu'il n'ose désavouer, et qu'il devoit savoir prévenir.

La troisième est de l'abbé Corona, secrétaire de la légation de Prusse. Elle est si plate, si mal écrite et si évidemment dictée par le méme esprit qui avoit souflé l'orage, qu'elle ne pouvoit être contrefaite. Mais c'étoit une gaucherie de plus de l'avoir, produite en témoignage au procès.

La quatrième, de l'évêque d'Autun, ministre des relations extérieures, étoit d'un bout à l'autre l'ouvrage d'un jésuite consomé dans l'art de bien parler sans rien dire, de dire comme les autres sans se compromettre, et de sacrifier toujours sa conscience à son intérêt (1).

[ocr errors]

Mais la plus curieuse de toutes, celle qui précéda les autres et qui contenoit l'historique de l'évènement, étoit celle du jeune Buonaparte. Elle étoit écrite dun

(1) Cette méthode qui lui a souvent réussi, ne peut lui réussir toujours; car à force de jouer le même jeu devant la même galerie. Le C. Taleyrand doit finir par être dupe lui-même en apprenant son secret aux autres.

« ZurückWeiter »