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Tôt ou tard les soldats connoissent leurs forces, ILS ASSASSINENT LE MAITRE QUI LES PAIE, et vendent l'empire à d'autres. Cette Rome si superbe, si amoureuse de sa liberté fut gouvernée comme Alger. Sa consolation fut de voir ses empereurs égorgés par les soldats...

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Lorsque le Directoire se mit au 18 fructidor sous la protection des armées, il se mit à leur discrétion.

Les armées le savent bien : et ce fut une des causes de la journée du 30 prairial; si elle ne fut pas plus décisive, c'est qu'il y avoit dans ce gouvernement de Merlin un mélange inoui de formes de palais et de despotisme militaire.

Je ne connois qu'une circonstance où le gouvernement militaire résiste quelque temps au germe de mort qu'il porte dans son sein. C'est lorsque son établissement se confond avec la conquête du pays, et trace entre les vainqueurs et les vaincus une ligne de démarcation.

Mais lorsque les uns et les autres ont les mêmes ancêtres et les mêmes habitudes, parlent la même langue et ne diffèrent que par des opinions, dont le temps à la longue

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amortit la chaleur et use les aspérités ; lorsque le soldat, enfin, long-temps abusé par de petites récompenses et de grandes promesses, trouve, en rentrant dans ses foyers, ses anciens camarades d'enfance, ses parens, ses amis dans ces mêmes citoyens, à l'accablement desquels on le fit servir de poids et de fouloir; il est impossible qu'il n'abjure pas son rôle et qu'il ne tourne pas contre les tyrans les armes qu'il en avoit reçues pour les défendre contre ses concitoyens.

C'est une erreur commune à tous les conspirateurs sans génie, de croire qu'en payant plus magnifiquement les soldats ils se les attacheront davantage.

Qu'un soldat vende dix francs ou dix sous par jour la propriété de sa personne, c'est toujours un mercenaire, appartenant au plus offrant et dernier enchérisseur, sur l'affection duquel celui qui l'emploie peut d'autant moins compter qu'il a plus besoin de lui, et par conséquent qu'il paie davantage.....

Le second Scipion donna vingt-cinq sous à chacun de ses soldats après la prise de Carthage, et en étoit l'idole. Antoine donna 2,500 liv. à chacun des siens avant la bataille d'Actium et en fut abandonné.

Jamais les soldats romains, même sous l'empire de Carracalla, qui les paya le mieux, ne recurent une si haute paye que les soldats français sous le règne des avocats.

Aussi jamais les soldats romains, dans leur plus grande licence, ne pillèrent, ne menacèrent, n'insultèrent, ne déployèrent autant d'insolence que les nôtres.

Je ne parle pas des brigandages commis par eux et leurs chefs dans les pays conquis. Je vais citer un fait arrivé sous nos yeux, et au milieu de Paris.

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Le 26 nivôse an 5, c'est-à-dire, quatre mois après le 18 fructidor, 3o soldats, nullement ivres, mais grossiers, mais féroces comme des Tartares, entrèrent à 10 heures du soir chez Garchi, fâmeux glacier de la rue de Richelieu. C'étoit l'heure où, à la chûte du spectacle, la salle du glacier étoit remplie de femmes. Sans querelle aucune, et sans autre préambule, les 30 brigands tombèrent à grands coups de sabre sur les femmes, sur les garçons de café, sur les tables et sur les lustres; mirent en fuite tous ceux qu'ils ne tuèrent pas; volèrent l'argenterie; résistèrent à la garde, qui, malgré le bruit d'un tel attentat, n'arriva qu'après

qu'il fut consommé, et s'ouvrit pour en faire sauver les auteurs.

Rien n'étoit plus urgent que de punir un pareil forfait inoui dans l'histoire des nations policées, et de le punir avec d'autant plus d'éclat, que d'une part il sembloit être un des plus fâcheux résultats du gouvernement militaire, et que de l'autre des directeurs étoient accusés de l'avoir conseillé comme l'essai d'un plus vaste complot qu'ils méditoient dans leurs conseils infernaux.

Le lendemain 26, le député Béraud dénonça le fait au conseil des 500, et le peignit des couleurs que l'indignation lui suggéra; il ne dissimula ni les craintes qu'il inspiroit, ni les soupçons qu'il faisoit naî tre. Il accusa notamment Sottin, ministre de la police, comme un de ceux qu'il croyoit le plus coupable, et dont il importoit d'exa

miner la conduite.

Cet acte de vigueur, le premier qu'on eut osé depuis le 18 fructidor, devoit réveiller l'énergie de l'assemblée; mais l'orateur frappoit sur des instrumens de plomb.

Aucune voix ne répondit à la sienne; aucun des mannequins ne bougea, ne frémit, n'éprouva le desir de sortir du profond

avilissement dans lequel ils étoient tous vautrés.

Ap: maint bavardages sur les royalistes et les fanatiques. qui n'avoient rien de commun avec les brigands dont il s'agissoit, la ridicule pétaudiere ordonna un message au directoire, pour lui demander des renseignemens sur un fait qui n'avoit plus besoin que d'être puni.

Deux jours restèrent sans réponse et sans

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enquête; le troisième jour, le directoire daigna faire savoir au conseil que l'évènement dénoncé avec tant d'éclat par Béraud, n'étoit qu'un événement très-ordinaire, un simple résultat de rixe entre des républi cains et des royalistes, et de plus une juste punition infligée à ceux ci par ceux-là.

Il étoit difficile d'avouer plus authentiquement le meurtre et le pillage....

Cette réponse parut d'autant plus affreuse, qu'elle étoit la copie mot à mot d'un article inséré la veille dans le journal des Hommes libres, qui passoit alors pour étre à la fois la pensée du gouvernement, et le dépôt des fureurs de l'anarchie; aussi crut-on voir son sanglant manifeste dans l'étrange message, dont nous parlons..

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