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CHAPITRE XX VIII.

Ce qui a précédé l'expédition d'Egypte.

Hé quoi! nous l'aurons vu, par tant d'horribles guerres, Troubler le calme heureux dont jouissoient nos terres, Et le fer à la main entrer dans nos Etats

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Pour attaquer des rois qui ne l'offensoient pas !
Nous l'aurons va piller des provinces entières
Du
sang de nos amis faire enfler nos rivières ;
Et quand le ciel s'apprête à nous l'abandonner,
J'attendrai qu'un tyran daigne nous pardonner.

RACINE, trag. d'Alexandre.

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AVANT de juger cette expédition, repor tons-nous par la pensée à l'époque ou Buonaparte la conçut, et tâchons de nous rappeller avec fidélité ce qu'il faisoit à Paris, et ce qu'on pensoit de lui...

Plus on attendoit de lui, plus on fut sur pris de le trouver timide, inactif, cachotier, allant tous les jours à l'institut et paroissant uniquementoccupé de sa femme, de cartes géographiques et des poésies d'Ossian.

Ceux qui suivoient les événemens avec quelque attention, et vouloient à tout prix trouver une cause extraordinaire à un effet

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aussi extraordinaire disoient pour l'excuser; il n'aime pas les royalistes, et les jacobins ne l'aiment pas.

S'il ne paroit nulle part, s'il ne se mêle de rien en apparence, s'il n'a l'air de s'occuper que des poésies d'Ossian, de sa femme et de cartes géographiques, c'est une adroite politique à l'abri de laquelle il échappe à sa gloire et à l'envie. Il prépare peut-être dans le silence de la retraite les armes de notre délivrance. Peut-être est-il enchaîné lui-même par la double crainte des deux partis extrêmes. Peut-être ne tarde t-il à frapper que pour frapper des coups plus sûrs? Ne vaut-il pas mieux souffrir encore quelque temps des maux qu'une sage lenteur peut guérir, que de les rendre incurables par un excès de précipitation?....

S'il étoit joué, répondois-je à ces fins politiques de plus fins que lui ont échoué dans la carrière hazardeuse qu'il parcourt...!

Ce fut alors qu'il fut nommé général en chef de l'expédition d'Angleterre. Ce commandement, dit-on, comprenoit celui de toutes les côtes de l'Europe: cela est fort indifférent.

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Les opinions furent partagées et les paris

ouverts sur la question de savoir s'il accep

teroit ou non.

Ceux qui ne croyoient point à l'acceptation , parce qu'ils croyoient beaucoup à son ambition, se fondoient principalement sur l'immense pouvoir, dont il jouissoit dans le pays des Césars; pouvoir tel que depuis ces tant fameux souverains, aucun souverain d'Europe n'en exerça de pareil dans le sien pouvoir qui flattoit d'autant plus sa vanité, qu'il étoit fondé sur la victoire, de toutes les déceptions humaines la plus brillante, la plus chatouilleuse et la plus propre à développer son talent, sans compromettre son caractère.

Du fonds de son château de Montebello, où il étoit retranché comme Phalaris dans le sien, il dictoit des lois aux maîtres du Luxembourg avec autant de succès et aussi peu de ménagement qu'aux souverains de Rome, de Naples, de Venise, de Génes et de Milan.

Or, disoient les incrédulés, quittera-t-il un poste aussi avantageux sous tous les rapports, pour venir user sa gloire et son crédit dans le frottement des factions, ou la noyer dans les flots de la Manche?

Viendra-t-il se confondre dans l'anti chambre de Barras, après en avoir été le puissant protecteur?

Consentira-t-il à rentrer dans la classe des citoyens obscurs, après avoir joué le rôle de roi des rois, et reçu pendant deux ans les hommages de presque tous ceux de l'Euгоре.

Par toutes ces raisons et quelques autres que nous omettons, Buonaparte n'acceptera point le commandement de l'expédition d'Angleterre.

Et pourquoi ne l'accepteroit-il point, répondoient les autres, s'il y a des combats à livrer et de la gloire à gagner? La gloire est son idole, et les combats font ses délas

semens.

Qu'il ait dicté des lois aux maîtres de la France, comme à ceux de l'Italie, ce n'est point une raison de les craindre, si son caractère est égal à sa réputation. De près comme de loin, Buonaparte a désormais sa place marquée au-dessus du pair. Il restera toujours lui-même, plein d'ambition, d'inquiétudes et de talent, insatiable de gloire, d'honneurs et de travaux.

Il a conquis la France et l'Italie, il peut

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conquérir l'Angleterre et les Indes, et n'être pas au bout de sa carrière.

Alexandre trouvoit l'univers trop petit pour son ambition. Le véritable ambitieux rit de ce qu'il a fait, ne s'inquiète que de ce qui reste à faire; et ne se repose que dans le tombeau.

Là, repose qui ne reposa jamais.

Fut l'épitaphe d'un conquérant, et sera la sienne.

Buonaparte reviendra donc à Paris, non pour s'user dans le frottement des partis mais pour les mettre tous à ses pieds; non pour grossir la foule des courtisans de Barras, mais pour les éclipser; non pour mendier une place précaire, mais pour choisir celle qui lui conviendra.

De quelle nature sera cette place dans la hyérarchie des pouvoirs, c'est ce qu'on ne. sait point encore, et ce qu'il est difficile de prévoir; mais ce qu'on peut conjecturer sans témérité, et ce qui est très probable, c'est qu'accoutumé à réfléchir malgré sa jeunesse, et à jouer à jeu sûr malgré son bonheur, il n'exposera pas légèrement sa gloire sur les flots de la Manche, ni sa tête au choc des partis.

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