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procuroit leur gouvernement. Je ne regrette pas la monarchie pour le vain plaisir de fronder la république, mais pour le bon ordre qu'elle avoit établi dans mon pays, pour le commerce qu'elle encourageoit, pour les beaux arts qu'elle récompensoit, pour l'abondance qu'elle entretenoit; pour la vie et le mouvement qu'elle imprimoit à toutes les classes de la société ; et tous ces établisse; mens utiles ou agréables, dont nous jouissons, comme des bienfaits de la nature, sans nous en appercevoir, mais dont la privation seroit infiniment douloureuse; ces Invalides, ces Tuilleries, ce jardin des Plantes, cette riche bibliothèque nationale, ces ponts, ces chaussées, ces canaux, ces grandes routes, etc. , qui faisoient de la France la capitale de l'Europe et le rendez vous général des plaisirs et des beaux arts; dites, est-ce aux républicains que nous les devons, ou bien à ces rois que tant de fois et si niaisement nous avons appellés tirans et despotes?..

Ah c'est en vain qu'on nous berce d'un plus heureux avenir! le repos, le bonheur et les beaux arts sont incompatibles avec les orages révolutionaires...

Qu'on me prouve par des faits que tous

les biens dont ils n'ont pu nous faire perdre le souvenir en nous otant la parole, reparoîtront infailliblement dans le nouvel ordre des choses, et je m'y soumets sur-le-champ...

Mais il faudra démentir toute l'histoire, et prouver, par exemple, que ce fut sous le gouvernement des trente tyrans, et non sous celui de Periclès qu'on vit dans Athènes tous les arts portés à leur plus haut degré de perfection que ce fut sous l'influence de ses tribuns, et non sous celle du premier des Césars, que Rome ferma le temple de Janus; que ce fut pendant les rivalités et les querelles des Guelphes et des Gibelins, et non sous la protection des Médicis, que la belle Italie recouvra l'éclat et le bonheur qu'elle vient de perdre depuis que nous y avons ar-, boré les drapeaux républicains...

Je conçois qu'il est facile à quelques-uns des citoyens engraissés de notre substance, énivrés de nos vins, possesseurs de nos domaines, entourés de flatteurs et de parasites, d'admirer les effets et de célébrer en vers et en prose les avantages d'un régime qui leur est si favorable.

Mais nous, qu'ils ont dépouillés, incarcé rés, déportés, nous qu'ils ont fatigués d'in

justices, rassasiés de dégoûts, écrasés sous le double poids de l'esclavage et de la misère, nous enfin qui n'avons ni la vertu des anges, ni la patience des sots, nous déclarons qu'il nous est impossible d'aimer, d'admirer et de vanter un ordre de choses dans lequel nous ne voyons que sottises, crimes, laideur et abjection. Et en nous fusillant comme roya→ listes, ils ne le rendront pas plus beau.

Ne pouvons-nous donc, sans aimer les rois, détester Lareveillère et Merlin; et n'y a-t-il point de milieu entre maudire le gouvernement de ces ineptes avocats, et aspirer celui de Louis XVIII?

Répondez, tyranneaux de toutes les classes: est-ce la république que vous aimez, ou les biens dont elle vous comble? Soyez de bonnefoi, et vous conviendrez que le jour où un roi, à la tête d'une puissante armée, viendroit vous garantir votre salut et vos richesses yous cesseriez d'être républicains.

Quel est donc votre régime? Celui des métaux. C'est par le fer que vous avez commencé à soutirer l'or; c'est par l'or que vous conservez le fer, et tous deux ensemble vous assurent l'obéissance la plus entière et la plus aveugle.

Les journaux pouvoient mettre obstacle à ce projet. On brisa leurs presses, et on condamna leurs plus célèbres auteurs à la déportation.

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Cette mesure, prise plus vigoureusement, auroit été la conséquence des autres. On l'a beaucoup blâmée; je ne sais pourquoi. Qui veut la fin, veut les moyens.

Des usurpateurs de cette espèce doivent craindre toute espèce de lumières; ils devoient donc la mettre sous le boisseau.

Mais en cela même, comme en tout ce qu'ils font, leur ineptie, perça au moins autant que leur inquiétude. On vit qu'ils tâtonoient, qu'ils hésitoient, qu'ils étoient loin d'oser tout ce qu'ils pouvoient.

Ils avoient fait un pas de géant vers leur but. Dans la stupeur profonde où l'entreprise de la veille avoit jetté tous les esprits, ils pouvoient sans risque, ils devoient à leur sûreté 'de tarir dans sa source ce torrent de lumières, dont la moindre étincelle pouvoit les découvrir ou les brûler. Ils devoient arrêter sans scrupule, comme sans exception, tous les journaux, rétablir des censeurs, et ne laisser imprimer que des niaiseries.

Au lieu de cela, ils prirent un arrêté qui

condamnoit 22 journalistes, nominativement, à être traduits devant les tribunaux, comme conspirateurs; et, le lendemain, ils arrangèrent un décret qui en condamnoit 48, y compris les 22 premiers, à la déportation ; laissant aux autres le soin de tromper la police, et à la police celui de les désoler, ou de les tuer à coups d'épingles.

Malgré la platitude des journaux qui survécurent, et l'avilissement profond de leurs auteurs, il s'échappoit de tems en tems de leur sein quelques éclairs qui sillonoient la nue, et faisoient pâlir les tyrans.

Les tyrans s'en vengeoient en faisant arrêter le journal; mais le coup étoit parti.

Quand on a peur de la verité, on ne doit pas même lui laisser la possibilité de se montrer avec un voile.

En pareil cas s'arrêter à moitié chemin c'est n'avoir rien fait ou plutôt c'est avoir montré sa foiblesse :

Ce

Nil actum reputans, si quid superesset agendum.

que

César

Lucain a dit avec magnificence de , peut s'appliquer avec horreur à la

tyrannie.

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