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CHAPITRE SECOND.

Seconde journée du 18 fructidor.

<< Plusieurs prononcent en faveur de la monarchie; d'autres, au contraire, se déchaînent furieusement contre les rois. Chacun a ses raisons; il n'entre pas dans mon sujet d'examiner celles des premiers »>.

PUSSENDORFF, liv. 7, chap. 5.

LES Es troupes bivouaquèrent toute la nuit et ne furent point relevées le lendemain.

Mais pour calmer leurs murmures et rechauffer leur zèle, on leur distribua 12 francs par tête et un demi-septier d'eau-de-vie. On craignoit le pillage de leur part et le feu de la part des Jacobins. Tout fut tranquille hors l'esprit des Parisiens. La terreur étoit universelle; et les barrières restoient fermées. Je fis, comme la veille, je voulus voir ce qui se passoit, et ne crus pas devoir m'en rapporter sur la physionomie de cette grande ville, à d'autres yeux qu'aux miens.... Je vis sur les boulevards ces mêmes jeunes gens

qui, deux jours auparavant, ne juroient que par Pichegru, rire à gorge déployée de la sottise qu'ils avoient faits, disoient-ils, de se laisser traquer dans une salle.

Je vis dans les rues marchandes les boutiquiers, pâles et tremblans, vuider leurs magasins dans leurs caves, comme si la même violence qui eût forcé les premiers, n'eût pas découvert les autres.

Je vis sur les quais le tableau de la plus hideuse débauche, des filles demi-nues, couchées pêle mêle avec des soldats ivres au milieu des armes, des bouteilles et la fange de leurs excrétions.

Je vis sur les ponts des canons de tout calibre braqués contre le nord de la ville, comme pour indiquer que le quartier général de l'ennemi étoit au sud.

J'entendis des propos de soldats qui me convainquirent des manoeuvres qu'on avoit employées pour les séduire et les déterminer à marcher contre les conseils.

-Où sont donc ces royalistes, disoit-l'un, dont on nous faisoit si grande peur? Je n'en vois aucun, ont-ils disparu comme les ombres chinoises ?

-Crois-tu, disoit l'autre, que Pichegru

ait eu le projet de nous livrer au roi de Verone? Te souviens-tu de la campagne de 94?.

-Tout ceci m'ennuye beaucoup, reprenoit un troisième, et je vois qu'en nous faisant de beaux complimens, on nous prend au fait pour des bêtes.

-Six heures de pillage, mon camarade, repliquoit son voisin, répareront bien des fatigues, et nous mettront à l'aise pour le reste de nos jours.

-Tais-toi donc avec ton pillage, dit enfin le dernier de ceux que j'entendis, ne sais-tų pas que c'est une leurre ? avec les 12 livres que nous avons reçues ce matin, nous pouvons aller nous promener ou prier ces

messieurs d'y aller

pour nous.

· ...

Je rencontrai un honnête polonois qui parut effrayé de me voir, et qui me demanda si je ne songeois pás à fuir.

-Pour aller où, lui demandai-je à mon tour? Ce qu'on fait ici on le fera dans tous les départemens. ... à moins de sortir de France, ce que je ne ferai pas, nulle retraite ne me garantiroit de leur pouvoir.

-Quelle force les arrêtera? celle des choses. Gar pour ce qu'on appelle les honnêtes

gens; c'est bien la plus lâche espèce qui ait merité de porter des fers. . . . . . .

Je me promenois en observant avec douleur les effets de cette lâcheté. Où sont donc, me demandois-je à moi-même ces héros si vantés du 14 Juillet, ces vainqueurs de la bastille et ces détrôneurs de rois? Tout est muet, tout est mort, devant la moitié moins d'appareil que n'en déploya le roi pour sa défense.

O! souverains d'un jour, disciples de la philosophie, nobles émules des grecs et des romains, célébrez, proclamez la liberté des nations; la votre est enchaînée aux pieds de trois tyranneaux, dans lesquels vous ne trouverez pas un seul de ces talens qui ont quelquefois trompé les peuples par leur éclat, et justifié l'usurpation par son emploi..

C'est en dernière analyse, au profit de trois avocats obscurs, bavards, insolens et cruels, que vous avez sacrifié parens, amis, repos, honneur et monarchie..

La monarchie! c'est un mot proscrit, et n'est-il défendu de le prononcer sous peine de passer pour royaliste?

pas

Je consens à passer pour tel, s'il suffit pour l'être, de hair toute espèce de tyran

i

nie, mais principalement celle qui se montre sous des déhors populaires et avec le masque de Merlin ou de la Reveillère. Mais je veux bien qu'on sâche en même tems que mon royalisme ne va pas jusqu'à préférer les rois à moi-même, et la monarchie à mon pays. Ces sortes d'aveux sont très indiscrets, je le sais, parce qu'ils blessent également tous les partis; mais la force de la vérité l'emporte sur toute autre considération, et m'arrachera une seconde réflexion, non-moins imprudente que la première.

Si le royalisme consistoit à préférer les rois à soi-même, il y a long-temps qu'il n'y en auroit plus. Il en est d'eux, comme des républicains, qui ne préférent la république à la monarchie , que parce qu'ils ont trouvé dans celle-là des honneurs et des biens qu'on leur refusoit dans celle-ci.

A cet égard, MM. de Calonne, de Breteuil et d'Antraigues, n'ont aucun avantage sur les citoyens Bailleuil, la Reveillère et Garat; pour ceux-ci, comme pour ceux là, le grand régulateur de l'opinion est l'intérêt

secret.

Ce n'étoit donc point aux rois que j'étois attaché, mais bien à la tranquillité que me

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