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nécessaire au salut du premier, ayant été sensiblement outrée, lui étoit arrachée par les autres, qui vouloient le perdre, en paroissant servir ses plus chers ressentimens. Cette conjecture s'est vérifiée le 30 Prairial.

Cette loi remplit les cachots de prêtres, denobles, de femmes et de prétendus émigrés; elle chassa de France cent mille propriétaires, et renouvella dans un instant toutes les angoisses du fameux régime de 93; elle étouffa tout crédit, toute industrie, toute réclamation; elle partagea lés Français en deux classes bien distinctes, l'une de bourreaux et l'autre de victimes.

Carnot n'en attendit point la signification; il avoit pris la fuite une heure avant celle fixée pour sa mort. Il dut son salut au hazard.

On ne concevroit pas sa sécurité, si l'on ne savoit par mille expériences quels immenses avantages a le brigand qui veille sur l'honnête homme qui dort.

Parmi les reproches que j'ai ouï faire à Carnot, je n'en connois pas de plus généralement répandu et d'aussi peu fondé que celui de nous avoir livré aux tyrans, en tardant trop à les dénoncer. Je ne connois point l'homme et ne l'ai jamais vu ; c'est donc l'é

quité qui va déterminer mon jugement dans ce qui suit :

Si Carnot n'opposa pas plus de vigueur et plus de résistance aux invasions de ses collègues, s'il tarda trop à dénoncer au corps législatif des complots sur lesquels il ne lui restoit le moindre doute, en un mot, s'il ne se mit pas ouvertement à la tête de son parti, comme Barras étoit à celle du sien ;

pas

Ce ne fut point sa faute, mais bien celle des royalistes, dont la soudaine resurection, les nombreuses indiscrétions, les menaces extravagantes, et sur-tout les souvenirs implacables lui révélèrent ce qu'il avoit à craindre s'il tomboit dans leurs mains, ou s'il se jettoit dans leurs bras.

Disons-le franchement: ce n'est pas assez de dire publiquement et de faire imprimer d'office; nous venons avec des intentions pacifiques; nous abhorrans la vengeance; nous voulons faire triompher la religion et l'humanité, lorsque d'indiscrètes confidences ont annoncé le contraire, lorsque des dibelles menacent sans pudeur, lorsque les chouans égorgent sans pitié, lorsque les salons ne retentissent que de vengeances et de projets de bouleversemens. Il faudroit pour

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tranquilliser les patriotes de bonne-foi, les
acquéreurs de biens nationaux, et les soldats,
d'autre garantie que celle de quelques vaines
promesses ou de fastueuses maximes
, que
chaque parti vaincu s'approprie à son tour;
ou si l'on ne daigne pas leur en donner d'au-
tre, il faut s'attendre qu'ils en chercheront
une dans leur union contre vous.

Carnot étoit placé entre deux sortes d'ennemis également injustes, également acharnés, dont les uns lui faisoient un crime capital de ses nouveaux principes, et les autres étoient bien résolus de ne lui jamais pardonner ses anciennes opinions. Que pouvoit-il faire ? Qu'eussiez-vous fait à sa place, vous qui le condamnez avec autant de légèreté que d'injustice? Sa position étoit à-la-fois pénible et embarrassante. Il ne pouvoit avancer sans voir reluire le glaive vengeur des rois, ni reculer, sans ressentir la pointe acérée des poignards révolutionnaires.

L'histoire rapporte que dans une position à-peu-près semblable Thémistocle se laissa mourir. Carnot fit mieux. Il vécut, et nous le verrons peut-être un jour.

Moins heureux que lui, malade et pris au dépourvu, Barthelemi fut arrété dans son lit,

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,et conduit au Temple avec les membres des deux commissions.

Quelles durent être douloureuses les réflexions que fit cet ex-directeur, en mettant le pied dans la même chambre, d'où Louis XVI étoit sorti pour aller à l'échaffaud!

Absent depuis trente ans, et toujours occupé d'affaires étrangères à la révolution, il avoit vu passer loin de lui et ses orages et ses

auteurs.

Sa conduite uniforme et sage, ses talens diplomatiques, ses mœurs douces, son esprit conciliateur, lui avoient mérité, dans ses diverses missions, l'estime des souverains avec lesquels il avoit traité ; la reconnoissance de ses compatriotes qu'il accueilloit avec grace et protégeoit avec force, et jusqu'à l'oubli de ce farouche Robespierre qui ne lui crut point assez de talent pour être dangereux.

Ceux qui le connoissent personnellement nous assurent que son caractère et son esprit étoient plus propres aux mystères de la diplomatie qu'aux manoeuvres de la révolution.

Quel mauvais génie lui inspira donc la pensée d'échanger les uns contre les autres ? -Le vœu de la nation hautement prononcé et interprété par le corps législatif, l'amour

inné qu'ont tous les hommes pour leur pays, et le desir si naturel de concourir à son bonheur, peut-être aussi un peu d'ambition, bien légitime, sans doute, quand elle a pour objet un ministère pacificateur; tels furent ses motifs, ou, si l'on veut, le mauvais génie qui

l'inspira.

par

Il céda. Il quitta un pays où il étoit heureux le bien qu'il y faisoit, par la reconnoissance qu'on lui en témoignoit, par l'amitié, par l'estime, par tous les sentimens enfin qui composent le bonheur des ames libérales.

Il revint en France, qu'il traversa au milieu de l'enthousiasme de ses habitans. Il vit la joie peinte sur tout les visages, il entendit des bénédictions qui partoient du fonds des cœurs, et il dut se rappeller à un tel spectacle, et la fin de la ligue, et les commencemens de Henri IV.

Combien peu dura cette douce et flatteuse illusion! Un mois s'étoit à peine écoulé, qu'aux applaudissemens d'un peuple aimant et sensible avoient succédé les regards féroces et les menaces insolentes des factieux. Les préparatifs de guerre avoient remplacé ceux des fêtes pour la paix. Au lieu de l'affection générale, dont il se croyoit l'objet, il n'apperçut

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