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plus comment Buonaparte eût-il conquis Tes Indes Orientales, et fût-il chargé de ses trésors, auroit pu écraser la représentation nationale, enchaîner la France, et s'asseoir sur le trône.

Malgré son ineptie, et par l'instinct seul de la tyrannie, le directoire avoit senti qu'il ne pouvoit se sauver que par le pouvoir militaire. Mais en s'associant les armées, il revêtit cette alliance de tout l'appareil des lois, il feignit de confondre ses intérêts avec ceux de la république, il mit de son côté un simulacre de constitution, il conserva un fantôme de représentation. Il dit aux soldats : vous êtes des héros, vous avez sauvé la patrie. Il dit au peuple : vous êtes libre par nos soins et par notre volonté. Il trompoit également le peuple et les soldats; mais c'étoit en s'interposant entr'eux et lui, comme au torité légitime et constitutionnelle...

Ce qu'il fit par la violence, les conseils pouvoient le faire par le droit. Ils pouvoient, ils devoient s'attacher l'armée, sans pour cela s'en rendre les esclaves; ils auroient rendu la liberté à leur pays et la paix à l'Europe; ils auroient prévenu deux années de brigan

dage et de tyrannie; ils nous auroient enfin sauvés de la crise terrible que nous éprouvons dans ce moment. C'est ainsi qu'une faute entraîne d'irréparables torts.

CHAPITRE VII.

Quatrième cause tirée de la multitude et de l'extravagance des journaux.

La plupart de ceux que la société désigne sous le nom de gens de lettres ou de gens d'esprit, ont plus de prétentions que de droits.

Considérations sur l'esprit et les mœurs, par M. Melian de Senac.

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N pourroit les classer sur la même ligne et dans les rangs des factions qu'i's servoient; mais comme tous les laquais, ils outroient les vices de leurs maîtres.

Dans le parti et sous les drapeaux du directoire, on remarquoit principalement ;

1o. L'Ami des Lois. qui avoit porté l'audace de la calomnie à un degré vraiment curieux. N'est-ce donc rien que d'être à la têté d'un vice, disoit le marquis de Villette?

2. La Clef du Cabinet, qui réunissoit toutes les platitudes de l'anti-chambre à tous les mauvais tons des corps-de-gardes.

3o Le Conservateur, qui ne conservoit pas plus de décence dans ses injures que de vérité dans ses nouvelles.

4°. Le Journal des Hommes Libres; qu'avec grande raison on nommoit par excellence le Journal des Tigres.

5o Le Moniteur, qui noyoit ses petites bassesses dans de longues dissertations.

6°. Le Pacificateur, ainsi nommé par anti-phrase.

7°. Le Rédacteur, la sentine officielle du directoire.

8°. Le Révélateur, posté dans la rue pour aboyer et mordre tous les passans.

Le style de ces journaux étoit assorti à leur sujet. Chacun d'eux avoit son rôle marqué.

L'un étoit chargé de dénoncer comme fripon, traître, conspirateur et royaliste, tel ou tel député ; l'autre apprenoit à l'univers les vertus, les talens, la beauté, la noblesse de tel ou tel directeur. Celui-ci s'adressoit aux armées, pour leur dire que la république étoit au Luxembourg: celui-là parloit aux ouvriers, et leur soutenoit que royalisme triomphoit dans les conseils. Tous sonnoient le tocsin de la révolte, et appelloient à grands cris la guerre civile au milieu de

le

Paris. C'étoit un grand fléau; mais ce n'étoit pas le plus à craindre.

Le plus à craindre pour les conseils étoit dans les journaux mêmes qui servoient ou avoient l'air de servir leur cause.

Ils étoient en général mieux écrits et plus piquans que ceux de l'autre parti; mais on ne croira point, dans quelques années d'ici, au degré de démence et d'exaltation auquel s'étoient portés la plupart de leurs rédacteurs.

Il n'y en avoit pas un qui ne se crût un Bayle, un Basnage, un Adisson; et par-dessus tout, le régulateur de l'état.

C'étoit tous les matins un débordement d'avis, de projets, de maximes, de morale, de religion, de politique, qui n'a jamais eu de modèle, et qui, j'espère, n'en servira jamais. Chacun de ces messieurs dictoit du haut de son tribunal des arrêts irréfragables, prononçoit des sentences majestueuses, traçoit des plans superbes, provoquoit une secousse prochaine, réveilloit des haînes mal assoupies, rappelloit des souvenirs fâcheux, marchoit vers un but différent.

Le moyen de s'entendre au milieu de cette cohue! ils se disoient les magistrats de l'opinion publique! et l'opinion publique, égarée

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