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positaires du pouvoir se succéder rapidement; tous se sont brisés sur le même écueil; la préférence donnée aux hommes sur les choses.

D. Que faut-il penser du ministère de M. le

duc Decazes?

R. Sa chute est une des plus grandes leçons que l'on puisse offrir à ceux qui suivent la même carrière.

Un homme d'un esprit remarquable, pourvu de tous les avantages extérieurs, d'un commerce très gracieux, d'un langage plein d'aménité, dont tous les rapports présentaient une série ininterrompue de bienveillance, très susceptible de concevoir et d'apprendre, très assidu au travail, très ami de ce qui contribue à la prospérité et à la décoration d'un pays, entré fort avant dans la faveur de son Roi, pouvant s'élever au-dessus des écueils de la tribune et braver les difficultés des discussions publiques, chéri de la France après le 5 septembre, l'entraînant à sa suite à l'époque du changement du ministère, en 1818; eh bien! insuffisamment protégé par tous ces avantages, ce ministre tombe, pour avoir calculé sur un jeu de partis, sur des transpositions d'hommes d'un côté des Cham

bres à un autre côté, pour avoir négligé ce fonds solide et inébranlable qui se trouve dans les choses seules; il a préféré le sable mouvant des intérêts privés au rocher inébranlable de l'intérêt général et de l'opinion nationale; il a cédé au désir de faire prévaloir une volonté du Prince sur un intérêt embrassé généralement par une nation; il est tombé victime d'une méprise prolongée, et les combinaisons qui l'ont arraché des côtés de son Prince n'ont frappé qu'un homme déjà depuis long-temps privé d'une vie véritable. La trame de sa vie ministérielle fut coupée le jour où il fit ce choix funeste. Ce jour, on vit distinctement la parque ennemie des ministres étendre sur lui son fatal ciseau.

CHAPITRE III.

Des institutions.

D. De quoi est formé l'établissement général d'un pays?

R. De l'ensemble de ses institutions.

D. Celles-ci doivent-elles être homogènes,

et concorder avec l'état de la nation?

R. Assurément; sans cet accord il n'y aura

ni jeu dans la machine, ni application possible à l'objet de ses institutions.

D. De quelle époque datent nos institutions?

R. De la restauration.

D. Combien y a-t-il eu de restaurations?
R. Deux: en 1814 et en 1815.

D. Comment a-t-on gouverné ces deux grands évènemens?

R. Ils ont été complètement gâtés, c'est-àdire dirigés dans un sens absolument contraire à l'esprit du temps.

D. Comment cela s'est-il fait?
R. Par beaucoup de causes.

1o. Par l'idée qu'avait un grand nombre d'hommes, que la restauration était la contrerévolution,et que le retour du Roi et de sa famille était le retour de l'ancien ordre et le leur propre; c'est l'idée dominante de l'émigration, la pure pensée de Coblentz, qui, depuis 1790, s'est obstiné à montrer tout ce qui se faisait comme ayant la pure contre-révolution pour objet. L'Europe n'y a jamais pensé. Ces hommes ne rêvaient pas à autre chose en France comme en Angleterre, en Allemagne comme partout. Quand donc ils aperçurent le Roi à Paris,

leur pensée favorite n'eut pas de peine à revivre, et ils se persuadèrent que leur long espoir était réalisé.

2°. Par l'extrême précipitation que l'on арporta en 1814, comme en 1815, à jeter des institutions au milieu d'une nation que l'on ne connaissait pas encore, et sans s'être assez assuré de son état réel.

3. Par l'incohérence des élémens du ministère du temps. Une moitié appartenait à une époque, et la seconde à une autre. Il n'y avait pas entre elles de communauté de langage. Ce qu'il y a de plus étonnant dans cet amalgame, c'est qu'une partie ait consenti à s'accommoder de l'autre. La restauration de 1814, j'en appelle sans hésiter à quiconque avait des yeux et a de la conscience, fut une fête européenne. Tout était usé, délustré; on ne sentait plus que le mal du moment, et il était immense. Toutes les espérances avaient été déchues; toutes se rattachaient au changement; il portait avec lui l'idée de la fin de tout ce qui blessait, les guerres, les violences, les. conscriptions, l'interdiction des mers. Malheureusement la contre-révolution n'avait pas. été écartée avec assez de soin; sous son inspi

ration parut l'ordonnance des processions et celle des déjeûners des dimanches. Ce jour le charme disparut on vit le reste. On peut juger l'esprit d'un gouvernement par un acte, comme celui d'un homme par un mot. La Charte fut octroyée avec des formules bien peu compatibles avec les idées établies depuis vingt-cinq ans; on disputa quatre mois pour faire adopter que, prévenir voulait dire réprimer, et que réprimer signifiait prévenir. De là la méfiance: les esprits s'échauffèrent; vingt incidens se mêlèrent à ces premières aberrations. Enfin le vingt mars sortit du sein de ce chaos: on sait le reste. Ce que je puis attester, c'est que le vingt mars ne fut pas fait contre le Roi, mais contre ses agens et ses entours. Les règles de la prudence la plus vulgaire semblaient exiger que l'on prît du temps, et qu'on l'employât à se bien assurer du terrain sur lequel on voulait bâtir.

La même faute fut encore commise en 1815. On prit le moment de la colère d'un parti pour agir. On crut n'avoir jamais mis assez de distance entre un temps et un autre; et pour s'en mieux assurer, on fut se fut se placer au pôle opposé à celui dont l'aspect blessait. Il en ré

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