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mun de tous les Français. Rien n'a pu prévenir ce coup funeste. Désormais rien ne peut en détruire l'effet. Pleurer sur l'auguste victime, sur la France, sur nous-mêmes, fut notre premier devoir. Maintenant écoutons la voix de la France qui nous rappelle: s'occuper d'elle, c'est continuer la dernière pensée du prince qui eût fait sa gloire, et qui fait l'objet de notre deuil.

Le fer qui a percé le noble flanc d'un prince infortuné, n'a pas creusé l'abyme sur lequel nous nous sentons suspendus : il n'a fait que le découvrir. Comme Phèdre, la France peut dire Mon mal vient de plus loin. Depuis long-temps il se révélait à des yeux attentifs. Quelques heures plus tard, et les mêmes dangers se manifestaient car les mêmes fautes avaient été commises, et les mêmes passions étaient en présence. Quoi donc de plus a été produit ? l'occasion. Ainsi les matériaux d'un incendie n'attendent que l'étincelle qui doit les enflammer. Un prince héritier du trône au quatrième degré, précédé d'une longue suite d'ascendans qui, dans l'ordre ordinaire de la nature, lui montrent l'accès ouvert vers ce trône à une époque très reculée, dans un

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sence,

âge voisin de la vieillesse, n'est, ni par sa préni par son absence, une cause immédiate d'action dans l'ordre politique d'un état. La douleur doit régner auprès de son cercueil; mais le malheur, quelque grand qu'il soit, ne peut altérer l'immobilité de la chose publique (1).

Naguère l'héritière de l'empire britannique (2) porte cette brillante couronne dans

(1) En Angleterre, la mort du Roi et de son fils n'ont apporté aucun changement dans l'administration, ni aucun mouvement dans la fortune publique : les fonds ne varièrent pas d'un centime.

En France, le 13 février, les fonds publics 74 fr.

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La présentation des lois, 15 février, les apparences d'un demi-ministère ultrà, causes de la baisse; si ces ap parences se fussent réalisées, si le ministère eût été complètement ultrà, les fonds auraient reculé de 66 à 60. Chaque franc des fonds publics repré

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il s'ensuivait une dépréciation de richesses, pour la France, de.

Et puis faites des ministères ultrà.

28,000,000 fr.

. 300,000,000 fr.

(2) La princesse Charlotte, fille du prince Régent épouse du prince Léopold de Saxe-Cobourg.

une famille étrangère son sceptre doit s'étendre dans les deux mondes sur plus de soixante millions d'hommes. Du plus rude coup qu'elle frappa jamais, la mort abat ce lis superbe : l'Angleterre pleure et ne s'émeut pas. C'est qu'il n'y avait dans son sein aucune cause de mouvement étrangère à ce grand sujet de deuil, qui n'atteignait qu'une personne. Dans ces derniers temps, en Angleterre encore, la même semaine voit descendre au tombeau le fils précédant le père, dont à son tour il attendait la couronne, qu'il laisse suspendue sur le berceau d'un enfant de quelques mois (1). Là de nouveau, dans l'ordre politique, rien n'apprend que la nation vient d'être frappée de deux coups cruels. La foudre ne laisse pas plus de traces de son passage sous le ciel redevenu serein après l'orage; c'est qu'un corps sain ne renfermait aucun principe d'agitation: l'Angleterre était saine ; la mort ou la vie de qui que ce soit ne fait plus rien à

(1) La princesse fille du duc de Kent, troisième fils du roi d'Angleterre, a dix mois et demi, étant née le 24 mai 1819.

la tranquillité publique, là où vivent de fortes institutions; si donc la France a été ébranlée dans des circonstances beaucoup moins graves que celles où s'est trouvée l'Angleterre, il doit y avoir une cause en France qui ne se fait pas ressentir également en Angleterre. Si le roseau plie au moindre souffle des vents, c'est qu'il n'est pas soutenu par ces racines profondes, par ces durs filamens qui donnent au chêne la force de braver les aquilons.

Mais quelle est cette cause particulière à la France, par laquelle elle peut être ainsi troublée? Je vais le dire: mais avant que d'entamer cette dure indication, averti par l'expérience des dangers que ces temps cruels réservent pour quiconque ose s'énoncer avec franchise, et sur-tout parler le premier, car je suis bien sûr qu'au fond chacun pense ce que j'écris, et que, pour le répéter, il ne fait qu'attendre que quelqu'un ait pris sur lui de le dire, je dois courir au-devant des fantômes que la malveillance aveugle ou bien intéressée peut s'empresser de créer; je dois dire à ceux que je veux trouver justes, afin de pouvoir les persuader (car comment persuadera celui qui est repoussé par la prévention?) O vous qui,

préoccupés d'une douleur trop légitime, l'esprit et les yeux toujours fixés sur un cercueil, ne voyez qu'une seule image, n'entendez que des sons lugubres et plaintifs, n'ouvrez vos cœurs qu'à des sensations déchirantes! gardez, ah! gardez de flétrir du reproche d'insensibilité des recherches auxquelles la patrie m'invite à me livrer! Ce n'est pas du sein des tombeaux que sortira le salut; au-delà de vos douleurs, voyez la France, voyez ce que vous avez de plus cher, voyez-vous vous-mêmes: le même coup n'a pas tout détruit. Au-delà de ce qui nous a échappé, voyez ce qui nous reste; audelà de ce que nous avons perdu, voyez ce qu'il y a à conserver et à préserver : la France, le Monarque; une famille auguste autant qu'infortunée, que nous voudrions dédommager de ses longues souffrances, dont au prix de notre sang, nous voudrions écarter le destin cruel qui semble acharné à la priver du bonheur dont elle est si digne.

Tels sont les intérêts impérieux qui me rappellent dans une carrière qui n'offre plus que des épines, et dans laquelle, semblable ́au soldat en présence de l'ennemi, je m'attends à trouver toujours une forêt de lances

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