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D. Le parti du côté droit est-il organisé? R. Moralement, oui; matériellement, non. Ce parti a des chefs et un centre connus. Comme il est peu nombreux, formé d'égalitaires, et de ce que l'on appelle la bonne compagnie, il règne entre ses membres beaucoup d'uniformité de pensée, et une rapidité presque télégraphique de communications. On dirait qu'un mot d'ordre journalier lui est donné pour ce qu'il doit dire et penser. D'un bout à l'autre de la France, interrogez-les à la même heure, vous recevrez une réponse uniforme. Voilà l'avantage des partis peu nombreux et riches: tant qu'ils sont les plus faibles, ils suivent la discipline; dès qu'ils prévalent, ils la rompent.

Comme le renom de la force est déjà une force, ce parti tend à faire croire à sa force matérielle; mais, dans le fait, il n'en a aucune qui mérite d'être comptée. Il n'y a de fort, de vraiment fort en France, que l'autorité publique.

D. Laguerre civile est-elle possible en France? R. Il n'en existe pas un seul élément dans ce pays... Ceux qui prononcent cet horrible nom prouvent par là qu'ils ne savent pas plus ce qu'est la France que ce qu'est la guerre civile.

Des malheurs particuliers, suites de perturbations locales, peuvent avoir lieu; mais ce qui est généralement compris et entendu par le nom de guerre civile, est entièrement en dehors de notre ordre social, soit matériel, soit moral. Une guerre civile n'est pas l'affaire d'un jour, et les matériaux de cette espèce d'incendie ne se rassemblent pas facilement. La guerre de la Vendée en est la preuve. Avec tout autre gouvernement que celui de la Convention, elle eût été évitée ou bien étouffée au bout de quelques jours. En 1815, elle ne put se soutenir pendant trois semaines.

D. Une intervention étrangère armée, dans les affaires de la France, est-elle probable?

R. Elle est fort désirée par un parti; mais peu sûre pour lui, elle ne le serait pas beaucoup plus pour ceux qui essaieraient de ce dangereux moyen. L'armée espagnole vient d'apprendre à ne pas mêler les soldats dans les affaires politiques, et qu'ils peuvent être des instrumens fort douteux dans les querelles des peuples avec les gouvernemens. L'exemple est là; il se montre sur une échelle assez grande pour être aperçu par tout le monde.

CHAPITRE VI.

De la Cour.

Il est un sanctuaire auguste, inviolable, au

L

fond duquel réside celui que l'élévation de son rang et la majesté de ses fonctions placent audessus de nos regards et de toute discussion. Ce n'est donc pas de cet objet de nos respects dont j'ai à parler : il m'est interdit comme à tout le monde. C'est de la cour seule dont je vais parler.

D. En France, comme en tout pays civilisé, tout est-il roi ou sujets?

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R. Sans aucun doute.

D. En France, le Roi a-t-il toujours été roi exclusivement à tout autre?

le

R. Quant au titre, oui; quant à la réalité de l'exercice du pouvoir, non. La France est pays du monde dans lequel la souveraineté a toujours été le plus contestée, le moins bien entendue, et le plus partagée. Imperium in imperio: voilà la France de tous les temps. D. D'où cela provient-il?

R. Des anciennes idées de parité, de grande et petite vassalité, et sur-tout de la cour.

Depuis ce seigneur Dupujet, qui de sa tour de Montlhéri soutenait la guerre contre Louisle-Gros, jusqu'au duc d'Epernon, les rois n'ont pas cessé d'être combattus ou contrariés par ce qui les environnait de plus près. La retraite d'un seigneur dans ses terres équivalait à une déclaration de guerre. Jusqu'à la fronde, les princes et les grands avaient leurs places fortes et leurs régimens ; les gouvernemens des provinces, les grandes charges, étaient autant de propriétés d'où ils bravaient le mécontentement du prince. Il fallut Louis XIV pour faire cesser ce désordre. Il rappela tout à l'unité monarchique; sa cour fut un temple dans lequel une seule divinité devint l'objet d'un culte exclusif... Famille, frères, enfans, tous ne furent également que les premiers sujets, et n'eurent aux affaires que la part que cet imposant souverain voulut leur accorder. Le principe de ce désordre est tellement enraciné chez nous, que notre histoire le montre partout. Pour ne pas remonter trop haut, prenons les choses à la mort de Charles V. Les princes oncles et tuteurs du jeune Charles VI, brouillent tout.De là les Bourguignons et les Armagnac. Le duc de Guyenne, frère de Louis XI, ne cesse de conspirer contre

lui. Louis XII fait la guerre à Charles VIII. Louise de Savoie, mère de François Ier, veut accabler le connétable de Bourbon et expose la France. Les Guise et les Condé mettent la France en feu pendant vingt ans. Louis XIII doit combattre et exiler sa mère, bannir son frère. Louis XIV voit son berceau attaqué par son propre oncle, par Condé, par les parlemens et par toute la haute noblesse ; les princes légitimés tracassent le régent et sont compris dans la conspiration du prince de Cellamarre. En vérité on dirait qu'il n'y a jamais eu en France une idée de la souveraineté, et sur-tout que c'était auprès du trône qu'on cessait de la trouver. Les autres contrées de l'Europe ne présentent pas ce spectacle d'indiscipline; la souveraineté y a toujours été mieux entendue qu'en France. Si les Français étaient célèbres par leur amour pour leurs rois, la cour de ceux-ci devait l'être aussi parla mutinerie, l'indiscipline et les tracasseries dont elle a toujours donné le spectacle. D. Quelle est la source du mal?

R. Jadis c'était la puissance personnelle des courtisans, résultat de la féodalité. Dans les temps modernes, les grandes richesses des courtisans et l'établissement royal fait à

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