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à la noblesse de son visage. De son côté, Napoléon prétendait réduire cette superbe ennemie, et il le fit en peu de jours. Trop faible pour parcourir à pied les longues galeries du palais, l'impératrice s'y faisait porter dans une litière, et l'on voyait Napoléon, le chapeau d'une main, l'autre main appuyée sur la litière, causer avec cet abandon charmant dont l'impératrice subissait, sans le vouloir, l'irrésistible influence. « On eût dit, ajoute Meneval, que cet homme extraordinaire avait, dès sa jeunesse, porté le poids d'un grand empire, tant il savait relever par son ton et par ses formes la dignité du rang. Éminemment spirituel, rien n'échappait à son œil observateur; un tact exquis, un sentiment délicat des convenances s'alliaient, dans cet esprit d'élite, à la maturité, à l'instruction, et en faisaient l'homme le plus aimable et le plus poli quand il voulait l'être'. »

Parmi les seigneurs de la cour d'Autriche réunis dans les salons du palais de Dresde, se trouvait un général diplomate auquel Marie-Louise ne fit presque aucune attention, et qui plus tard devait exercer sur ses destinées la plus grande influence: nous voulons parler du comte de Neipperg. Elle l'aperçut pour la première fois en passant des salons au théâtre; elle lui adressa quelques mots, et n'y songea plus. Sans doute il en fut de même du comte.

Ayant appris l'arrivée de l'empereur Alexandre à Wilna, Napoléon écrivit au général comte Lauriston, son ambassadeur, de l'aller trouver; mais Lauriston ne put obtenir de passe-ports. Quelques jours auparavant, le comte de Narbonne l'avait vu dans des dispositions inconciliables avec la dignité de la France. A l'expression de ses griefs plus ou moins légitimes, le czar avait 1 Napoléon et Marie-Louise, t. II, p. 18.

ajouté ces paroles significatives : « Dites bien à l'Empereur que je ne serai point l'agresseur.... Il peut passer le Niémen; mais jamais je ne signerai une paix dictée sur le territoire de la Russie. » Ce diplomate n'insista point davantage; il reconnut chez Alexandre un parti pris, une volonté formelle de courir les chances de la guerre, et il s'empressa de rejoindre Napoléon, qui se reprocha sa longanimité.

Le 28 mai, le comte de Narbonne revient à Dresde, et toute espèce d'illusion s'évanouit; Napoléon annonce son départ pour le lendemain; Leurs Majestés Prussiennes s'en retournent à Berlin; l'empereur d'Autriche et l'impératrice se rendent à Prague, où Marie-Louise doit les rejoindre. Cette princesse quitta Dresde le 4 juin, et traversa la Saxe et la Bohême au milieu des plus pompeuses, des plus franches ovations. L'empereur vint audevant d'elle avec l'impératrice; ce fut à qui, de sa bellemère ou de son père, lui témoignerait le plus d'égards. Ils lui donnaient la place d'honneur en voiture, à table et dans toutes les cérémonies de réception qui avaient alternativement lieu chez elle et chez ses augustes parents. « On eût dit, fait observer un témoin oculaire, que la famille de Habsbourg, d'accord avec la fortune, saluait d'un éclatant et dernier hommage celui dont l'étoile allait bientôt pâlir et s'éteindre. » Au milieu de ces succès d'orgueil, dans la douceur de ces joies d'intimité, Marie-Louise n'oubliait pas l'Empereur. Presque lous les jours elle correspondait avec lui. « L'Empereur m'écrit bien souvent, disait-elle; chaque jour où je reçois une lettre est un jour de bonheur pour moi.... Rien ne peut me consoler de son absence, pas même la présence de toute ma famille. » Le 1" juillet, l'Impératrice des Français quitte Prague, accompagnée jusqu'à Carlsbad

par son père, et le 18 elle rentre au château de SaintCloud, le cœur navré de sentir Napoléon si loin, l'esprit inquiet, frappé d'un pressentiment sinistre.

Prêt à conclure la paix, Napoléon ne l'était pas moins à commencer les hostilités. Dans le cours des mois de mars, d'avril et de mai, un corps d'armée avait marché des rives anséatiques à Koenigsberg; l'armée d'Italie avait franchi le Tyrol pour se diriger sur Varsovie; deux corps d'armée avaient franchi le Rhin et traversé la Prusse; tous les contingents étaient arrivés, tous les chefs tenaient leur poste; le grand quartier général occupait Posen, où régnait un tel mystère, d'où partaient un tel nombre de courriers, qu'on se perdait en conjectures; quelques personnes imaginaient même une expédition contre les établissements anglais de l'Inde. Quand l'Empereur des Français eut visité Glogau, Posen et Thorn, où il demeura depuis le 2 juin jusqu'au 6, il se rendit à Dantzig, et rejoignit à Koenigsberg son quartier général. Dans cette longue course, l'Empereur inspecta divers corps d'armée, recommanda partout la discipline, comme le témoignent ses lettres au maréchal Ney et au roi Jérôme sur la conduite irrégulière des Wurtembergeois et des Westphaliens; il assura les vivres le long de sa ligne immense, et concentra le plus de forces possible au bord du Niémen. Ayant porté le quartier général impérial à Wilkowiszki, ce fut de là que le 22 juin parut la proclamation suivante, véritable déclaration de guerre :

« SOLDATS!

» La seconde guerre de Pologne est commencée. La première s'est terminée à Friedland et à Tilsitt: à Tilsitt, la Russie a juré éternelle alliance à la France et guerre à l'Angleterre. Elle viole aujourd'hui ses serments! Elle

ne veut donner aucune explication de son étrange conduite que les aigles françaises n'aient repassé le Rhin, laissant par là nos alliés à sa discrétion.

» La Russie est entraînée par la fatalité! Ses destins doivent s'accomplir. Nous croirait-on donc dégénérés? Ne serions-nous donc plus les soldats d'Austerlitz? Elle nous place entre le déshonneur et la guerre. Le choix ne saurait être douteux. Marchons donc en avant! passons le Niémen: portons la guerre sur son territoire. La seconde guerre de Pologne sera glorieuse aux armées françaises comme la première; mais la paix que nous conclurons portera avec elle sa garantie, et mettra un terme à cette orgueilleuse influence que la Russie a exercée depuis cinquante ans sur les affaires de l'Europe. »

L'esprit de modération et de suprême convenance qui a dicté cette pièce officielle est le meilleur témoignage qu'on puisse donner des intentions pacifiques de Napoléon; il ménageait le sentiment national d'un grand peuple et l'orgueil d'un monarque qu'il avait longtemps traité d'ami; il ne faisait aucune promesse aventureuse, et ne prenait vis-à-vis de la Pologne nul engagement pour l'avenir.

Cantonnée dans le pays le plus fertile de l'Europe, où chaque plaine rappelait une victoire, l'armée française était animée du meilleur esprit. Les historiens sont en désaccord sur son chiffre; les uns prenant pour réel l'état de situation livré par le traître Michel au général Czernitcheff; les autres s'en rapportant au général comte de Ségur ou au baron Fain; ceux-ci groupant, sous le titre d'armée active, l'ensemble des troupes qui couvraient l'Allemagne et la Pologne; ceux-là bornant leur chiffre aux 250,000 combattants qui bordaient le Niémen et aux 90,000 hommes formant la gauche et la

droite de cette armée. Nous avons consulté l'état de situation du 1er janvier 1812 qui se trouve au dépôt de la guerre, et nous y avons vu pour chiffre officiel 678,080 hommes, dont 355,913 Français et 322,167 étrangers, composant l'ensemble de toutes les forces actives ou passives que Napoléon possédait dans le nord de l'Europe, savoir :

1er

État-major général et gendarmerie, 1,380 hommes;

corps d'armée (prince d'Eckmühl), 66,719 hommes; 2 corps (duc de Reggio), 44,661 hommes; 3° corps ( duc d'Elchingen), 42,908 hommes; 4 et 6 corps (prince Eugène), 77,687 hommes; 5, 7 et 8° corps (roi de Westphalie), 78,687 hommes; 9° corps (duc de Bellune), 49,479 hommes; 10° corps (duc de Tarente), 51,507 hommes; 11° corps (duc de Castiglione ), 62,946 hommes; 12 corps ou réserve de cavalerie (roi de Naples), 44,451 hommes; garde impériale (ducs d'Istrie et de Trévise), 50,716 hommes; grand 'parc d'artillerie et du génie, 20,248 hommes; troupes dans les places, 7,732 hommes; 32° division militaire, 1,050 hommes; division danoise, 9,851 hommes; division princière (général Carra Saint-Cyr), 7,304 hommes; troupes en marche, 27,407 hommes; dépôt général de cavalerie (comte Bourcier), 3,741 hommes; troupes diverses sans désignation, 260 hommes.

Toute cette masse, eu égard aux points qu'il fallait garder sur les derrières, aux escortes indispensables, aux malades arrêtés dans les hôpitaux, présentait le 23 juin, le long du Niémen, non pas 414,600 hommes, comme l'affirment, d'après Czernitcheff, quelques historiens russes; non pas 445,200 hommes, comme le dit le général comte de Ségur, mais seulement 325,900 hommes présents sous les armes, dont 155,400 Français et

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