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voir le prix de leur bassesse, et enrichis des dons du tyran, le déifier dans la prospérité, le trahir, l'accabler dans l'infortune, briser des premiers ses images? Ne les a-t-on pas vus, dans tous les temps, rechercher, ce qui est utile, adorer, égarer le pouvoir pour se mieux perpétuer dans les pensions, dans les honneurs et dans les places?

Ces accusations ne sont que trop fondées, il est vrai; mais n'atteignent-elles pas également toutes les classes de la nation? N'est-il pas d'ailleurs des exceptions nombreuses et honorables en faveur des hommes de lettres? A cet égard notre réfutation personnelle sera franche et positive.

Long-temps nous avons été persécuté pour avoir retracé des événemens contemporains (1). Mais notre horreur pour la tyrannie étoit antérieure: elle prenoit sa source dans nos principes politiques. Ce n'étoit pas d'ailleurs le

(1) Dans l'Histoire de la Guerre de la Vendée.

tyran qui nous poursuivoit, mais ses ministres et son système de gouvernement, incompatibles avec toute indépendance morale. Avant et depuis notre exil nous aurions pu comme tant d'autres, et selon le conseil de personnages éminens dans l'Etat, composer aussi avec la tyrannie, et la préconiser dans des livres : tout nous y invitoit; le dominateur nageoit alors dans des prospérités indéfinies; mais nous ne trouvâmes de consolation que dans la retraite, l'étude et le travail. Jamais le tyran n'eût obtenu de nous qu'une de ces soumissions vagues arrachées par la menace des proscriptions et des cachots; mais aussi cette courageuse indépendance ne nous a valu ni décorations, ni dotations, ni faveurs. Nous pouvons donc, sans déroger aux lois de l'honneur et de la reconnoissance, accabler le gouvernement usurpateur sous le poids de la vérité historique. Ne l'ayant pas flatté dans sa haute fortune, il nous est permis de le juger après sa catastrophe.

Mais, dira-t-on encore, pourrez-vous appré

cier avec le même désintéressement tous les événemens de la restauration? Oui, répondronsnous avec assurance. Nos habitudes, nos principes, nos études, et notre destinée même, rien n'a changé il y a plus; nos intérêts personnels ont été froissés, mais nos opinions et nos écrits ne se règlent pas sur de misérables calculs. Pour l'écrivain courageux, il n'y a point à balancer entre la légitimité et l'usurpation, entre l'esclavage et la liberté.

Toute pénible que puisse être l'indépendance de nos travaux, au moins nos lecteurs ne pourront-ils pas la révoquer en doute; et, sous ce point de vue, ils accorderont à nos récits un plus haut degré de confiance. Oui, nous osons l'affirmer, c'est sous la seule influence de notre conscience et de notre propre conviction que nous avons écrit cet ouvrage.

Il nous reste maintenant à en faire connoître le plan, ainsi que les principales sources où nous avons puisé les nombreux matériaux qui nous ont servi à le composer.

C'est dans le sujet même que nous avons

trouvé notre plan.

Après avoir fait trembler l'univers, un conquérant étoit enfin repoussé jusqu'aux limites de sa propre domination. La nation française mécontente, fatiguée, épuisée, frémissoit et vouloit secouer le joug, tandis que nos armées long-temps invincibles, mais réduites à un petit nombre de braves, étoient forcées d'abandonner les frontières. En vain nos soldats déploient-ils un courage digne de leur renommée; ils sont réduits à combattre les forces immenses de toute l'Europe à quarante lieues de la capitale, dans nos plus belles provinces. La lutte alors se prolonge par des marches surprenantes, par des manoeuvres hardies. Des villes sont surprises, abandonnées ou défendues. Des combats acharnés se renouvellent; on livre des batailles sanglantes sur la Marne, sur l'Aube, sur le Rhône, sur l'Adour. Un mélange de succès et de revers, de négociations et d'opérations militaires, d'incidens brus

ques et de vicissitudes inouïes, suspend la catastrophe. Enfin, attaqué par toutes les forces confédérées, Paris, dérobé au tyran, cède à la magnanimité du plus puissant souverain de la terre. Alors s'éclipse tout à coup la fortune de l'homme extravagant et fier que le vulgaire croyoit encore invincible; alors renaît, pour ainsi dire, de ses cendres, le trône antique de saint Louis.

Telle est la masse confuse des événemens divers dont nous avons débrouillé le chaos, pour en former un corps d'histoire. Le tableau de la vie politique et militaire de Napoléon sert d'introduction au sujet, et s'y rattache naturellement. Viennent ensuite, dans un ordre méthodique et détaillé, les événemens de la campagne, marchant de front avec les négociations politiques, avec les mouvemens de l'intérieur, le tout appuyé sur les discours publics, sur les proclamations, les adresses, les mémoires secrets, l'explication des évolutions et des manoeuvres fondée sur les règles de la stratégie et de la tactique.

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