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vrai

par la séparation des corps ennemis, qui marchoient en échelons à de trop grandes distances, présentoit néanmoins des difficultés qui eussent rebuté tout autre capitaine. La route de Nogent à Sézanne étoit à peu près impraticable; le sol, qui dans cette partie de la Brie est gras et marécageux, se trouvoit défoncé par les pluies abondantes qui n'avoient presque pas cessé depuis l'entrée de l'hiver. On regardoit généralement comme impossible d'y faire passer de l'artillerie.

Cette circonstance avoit inspiré une sorte de sécurité aux Prussiens et aux Russes, qui ne concevoient pas qu'on pût les inquiéter dans leurs marches, sachant d'ailleurs l'armée de Napoléon sur une autre ligne militaire.

Dès le 7 février le maréchal duc de Raguse et le maréchal prince de la Moskwa s'étoient dirigés, avec leurs corps respectifs, vers Sézanne et Barbonne, quoique Napoléon n'eût point encore arrêté son plan d'opération.

Mais le 9 au matin toutes les incertitudes cessent; décidé au fond de son âme à ramener, par un coup audacieux, la fortune sous ses drapeaux, Napoléon expédie aux deux maréchaux qui occupoient les positions de son aile gauche, le comte Arthur de la Bourdon

naye, colonel-aide-de-camp du prince de Wagram, pour les prévenir que l'empereur arrivoit avec le gros de l'armée, et qu'ils eussent à se tenir en mesure d'attaquer le lendemain l'ennemi, qu'on savoit être en marche sur la route de Châlons à Montmirail. Un tel ordre surprit d'autant plus les maréchaux, que déjà quelquesunes de leurs reconnoissances à cheval s'étoient abîmées et perdues dans ces routes défoncées, parsemées de cloaques, ce qui leur faisoit juger le transport de l'artillerie impossible dans cette direction; mais la stricte exécution des volontés de Buonaparte étant le premier devoir imposé par son code militaire, les maréchaux ne hasardoient aucune objection, à moins qu'ils ne fussent particulièrement interpellés. Ici d'ailleurs le mouvement fut imprimé avec une célérité inconcevable au gros de l'armée, composée en partie de la vicille garde et des troupes venues d'Espagne. Elles s'étoient mises en route le 9 février, se dirigeant vers Sézanne par Villenoxe et Barbonne. Dans cette première marche, les pressentimens des deux maréchaux sont à la veille de se vérifier. Le général de l'artillerie vient annoncer à Napoléon qu'il est impossible de continuer le mouvement par la forêt de

Traconne, les trains étant déjà comme ensevelis et engouffrés au-delà de Villenoxe, dans des routes marécageuses. « Il faut y passer,

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répond Napoléon, dût-on y laisser les pièces.» On obéit. Les soldats eux-mêmes traînent les canons et les poussent à bras. Mais on désespéroit de réussir, et tant d'efforts ne paroissoient pas capables de vaincre tant d'obstacles, quand, par sa prévoyance et son activité, le maire de Barbonne parvint à rassembler cinq cents chevaux du pays, qui dégagèrent les trains après quelques pertes en hommes, en chevaux et en canons. Grâce à ce secours inattendu, l'expédi tion reprit son essor. L'armée ne put arriver toutefois que bien avant dans la nuit à Sézanne ; cette ville, dépourvue de magasins, offrit à peine quelques abris à trente mille combattans. Napoléon fut d'abord incertain s'il prendroit sur sa gauche la route de Sézanne à Montmirail, ou la route de Champeaubert sur sa droite : il se décida pour la dernière, dans l'espoir de tomber sur l'extrême arrière-garde des deux corps de Sacken et d'York, qu'il cherchoit à combattre séparément. Le premier étoit posté à Montmirail, et l'autre à La Fertésous-Jouarre, tous deux ayant leur avant-garde poussée à deux ou trois lieues en front de la

Marne, près Château-Thierry et Meaux. La nouvelle de l'entrée de la grande armée à Troyes, et le mauvais état des routes de la Seine à la Marne, laissoient toujours sans inquiétude ces deux généraux alliés sur un mouvement décisif de la part de Napoléon dans cette ligne transversale. Mais le 10, à la pointe du jour, Napoléon, conduisant lui-même ses troupes, se porte sur les hauteurs de Saint-Prix, fait passer le défilé marécageux de Saint-Gond au corps d'armée du maréchal duc de Raguse, et lui ordonne d'attaquer le village de Baye. Là étoit l'avant-garde de la division russe d'Alsufieff, qui, postée à Champeaubert, servoit de corps intermédiaire entre les forces du feld maréchal Blucher, alors à Vertus, et le corps du général Sacken. Cette avant-garde se déploie aussitôt, et présente une batterie de huit pièces de canon. Les divisions Ricart et Lagrange, avec la cavalerie du premier corps, tournent le village de Baye par sa droite, et, à une heure après midi, Napoléon en est le maître. Le général Alsufieff, dépourvu de cavalerie et se voyant attaqué par cinq à six mille chevaux et par un corps supérieur d'infanterie, concentre toutes ses forces, au nombre de quatre mille hommes, sur Champeaubert, dans

l'intention de battre en retraite; mais déjà la cavalerie de la garde impériale se déployoit dans les belles plaines situées entre Baye et Champeaubert, débordant et tournant les Russes pour leur couper la route de Châlons. En vain le général Alsufieff forme des carrés avec son infanterie; en vain veut-il résister au choc des masses de la cavalerie française et au feu de ses batteries nombreuses: Se voyant tournés, les Russes s'ébranlent et veulent se retirer par la route d'Epernay. Le maréchal duc de Raguse leur enlève Champeaubert, et au même instant les cuirassiers français, chargeant la droite, acculent les Russes à un bois et à un lac, entre les routes d'Epernay et de Châlons. N'ayant plus de retraite, les Russes se dispersent; artillerie, infanterie, cavalerie, tout s'enfuit pêle-mêle dans les bois et dans les marécages; une partie se noie dans le lac; les plus braves se rallient et résistent long-temps exposés au choc de la cavalerie et à la mitraille; ils succombent enfin, et mettent bas les armes. Le général, plusieurs colonels, et plus de deux mille hommes sont faits prisonniers. Sur vingtquatre canons, neuf restent au pouvoir des vainqueurs; le reste est jeté dans le lac, ou précède les fuyards, qui, à la faveur des bois et de

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