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service; que la détresse, la défiance étoient générales.

Les décrets alarmans se multiplioient. L'un ordonna la formation de six régimens de tirailleurs et de six régimens de voltigeurs de la jeune garde, composés de volontaires âgés de plus de vingt ans et de moins de cinquante, pris parmi les ouvriers sans travail et les militaires ayant déjà servi. Mais ces prétendus volontaires étoient arrachés des ateliers que l'inaction du commerce faisoit fermer chaque jour. Dépourvus de travail les ouvriers n'avoient plus d'asile dans les camps.

que

L'approche de la crise donnoit un certain essor à l'opinion publique. Les langues sembloient se délier. Rien ne pouvoit plus apaiser le mécontentement qui s'exhaloit de toutes parts, dans le sein des familles comme dans les lieux publics, tant la police étoit sans force par la terreur qu'éprouvoient ses propres agens. Irrésolus et tremblans pour eux-mêmes, ils n'osoient exciter des haines contre lesquelles ils ne voyoient plus d'appui. La crainte même fermoit la bouche aux délateurs. Mais cette police générale et secrète de Napoléon, ce palladium de son despotisme avoit aussi sa partie élégante, ses gens de lettres chargés de

recueillir et de rédiger, en style de bel esprit, les conversations les plus saillantes des salons de la capitale, les anecdotes littéraires, celles de la société même, agréables bagatelles des⚫tinées à distraire le terrible Napoléon au milieu des camps. Ces nobles travaux d'académiciens salariés par la police, n'avoient plus alors qu'une couleur sombre et lugubre. Tous les matins, ces hommes de lettres déshonorés, mais partout accueillis, alloient recevoir du chef de la police, le mot d'ordre et le bulletin des nouvelles qui devoient circuler dans la journée. Cette tactique usée n'excitoit plus que le rire du mépris. L'énorme lévier de la presse, étoit le seul que le gouvernement pût faire manœuvrer sur l'esprit public.

Cependant le départ de Napoléon étoit annoncé, et ses discours d'adieu à ses conseillers et à ses courtisans déceloient ses craintes. Il leur donnoit à entendre d'une manière vague et mystérieuse, que pendant les grandes manœuvres qui se préparoient, il ne seroit pas impossible que des hordes de cosaques, débordant les ailes de ses armées, ne vinssent insulterles barrières de Paris.

Ce fut dans ces tristes dispositions qu'il conféra, pour le temps de son absence, la

régence à l'impératrice Marie-Louise, intéressante victime, qui naguère éclatante de fraîcheur, n'offroit plus que des traits minés par l'inquiétude et les soucis.

Une scène touchante étoit préparée. Le 23 janvier, tout le corps des officiers de la garde nationale est admis au Tuileries. Napoléon paroît au milieu d'eux tenant par la main son épouse et son fils; il leur adresse un discours animé, et pour la première fois, peut-être, il exprime avec un accent qui paroît sortir de l'âme, des sentimens nobles et élevés ; il émeut profondément tous ceux qui l'environnent et qui l'entendent. Jamais il ne parla avec le ton d'une éloquence si naturelle, et son discours produisit un grand effet quand il présenta, lui-même, à ce corps si respectable, l'Impératrice et le Roi de Rome, en ajoutant qu'il alloit se mettre à la tête de ses armées, et qu'il leur confioit sa capitale, sa femme et son fils. L'Impératrice mêlant ses larmes à celles de la plupart des officiers de la garde nationale, reçut leur serment comme épouse, mère et souveraine.

Le prestige s'évanouit le lendemain, quand on sut que cette scène pathétique avoit été étudiée, et que Napoléon avoit dérobé pour

ainsi dire les pauses, les gestes, les inflexions mêmes de l'auteur dramatique le plus célèbre de la capitale (1), pour faire de l'effet sur les marches de son trône.

Enfin il part, le 25 janvier, le cœur plein d'inquiétude et de rage; il sort pour la dernière fois du palais des Rois, pour opposer aux alliés une activité sans plan et un courage sans prévoyance.

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Ses courtisans, ses conseillers, son sénat ses nombreux salariés, tout son parti enfin, reste plein de confiance et d'espoir, se reposant encore sur la fortune de Napoléon. « La patrie est sauvée, disent-ils, l'empereur est parti. De toutes parts les armées s'avancent, » les gardes nationales marchent, les conscriptions se lèvent, chacun semble avoir » perdu de vue ses intérêts particuliers, pour » s'occuper du grand intérêt national. Sans » doute la lutte où la France se trouve engagée >> est terrible; les mouvemens des alliés sont » désastreux pour quelques contrées; mais >> aucun succès réel, aucune bataille gagnée, » aucune forteresse conquise ne leur ont encore » donné de consistance, ni de trophées sur le

(1) M. Talma.

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> sol de la France. Les monarques coalisés » ont pu la croire divisée, sans courage, sans » esprit public; ils s'imaginoient trouver son » gouvernement sans pouvoir, sans ressources; >> mais le sentiment de l'honneur national, » de la défense commune, a réuni tous les Français, et le cri, aux armes! a retenti de toutes >> parts.

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» L'ennemi aura donc à combattre nos >> armées et toute la nation sous les ordres » d'un souverain plein d'activité et de génie ; >> il ne doit plus compter ni sur notre foi» blesse, ni sur notre division.

» L'histoire ne nous dit-elle pas que si les >> Sarrasins fussent parvenus à détacher Charles » Martel de la nation, c'en étoit fait de la » France? Quelle que soit la cause du danger, » il existe, et l'honneur national ne permet qu'une réflexion : la nécessité de le re» pousser. »

L'opinion générale et indépendante, exprimoit des idées et des sentimens tout opposés.

Le moment approche, disoient les mé» contens, où cet homme, qui est parvenu par » des voies ténébreuses à fouler aux pieds le genre humain, va rentrer dans le néant. » C'est en vain qu'il veut confondre son nom

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