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tenir, espérant toujours recevoir, de Troyes ou de Châlons, des renforts qu'on lui promettoit sans cesse, et qui ne venoient jamais.

Mais, dans l'intervalle, Bar-sur-Aube étoit déjà tourné par le corps wurtembergeois. Au

même moment où les Autrichiens avoient commencé de front leur mouvement offensif, le prince royal de Wurtemberg avoit attaqué sur la droite, le poste de Colombey. Il s'en étoit emparé, et avoit poursuivi jusqu'à Lignol la brigade française chargée de garder ces deux positions, qui furent forcées successivement. Les troupes, accablées par la supériorité numérique, fléchirent, et ne se rallièrent qu'à Rouvré, protégées par vingt pièces de canon, placées sur un terrein favorable. Le prince royal ouvrit à l'instant sur toute la ligne une forte canonnade pour donner le temps à toutes ses troupes de se concentrer. Son intention étoit de renouveler l'attaque le lendemain, dans Bar-sur-Aube même. Cette malheureuse ville, placée alors entre deux feux, étoit plongée dans un état de désolation inexprimable. Les coups redoublés d'une artillerie foudroyante qui l'environnoit pour ainsi dire, causoient aux maisons, et à la ville entière, une sorte d'ébranlement qu'on auroit pu com>

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parer à l'effet d'une éruption volcanique. Le spectacle des blessés et des mourans, et la crainte d'être, à l'issue d'un combat, la proie d'une soldatesque avide, ajoutoit à l'horreur d'une situation si effrayante. L'espoir ne vint luire pour les habitans de Bar-sur-Aube, que le lendemain, au point du jour. Dans la nuit même, le maréchal Mortier, assuré qu'il n'arrivoit aucun renfort, et voulant ménager, non-seulement la ville, mais le sang de tant de braves, évacua toutes ses positions après avoir perdu, en morts, prisonniers et blessés, près de deux mille hommes; perte d'autant plus sensible, qu'elle portoit principalement sur la vieille garde, troupe incomparable pour l'intrépidité. Pendant le combat, des soldats, italiens et brabançons, avoient quitté les drapeaux français pour passer à l'ennemi (1).

Tel fut le premier combat de Bar-sur-Aube, combat sanglant et le plus remarquable qui eût encore eu lieu depuis le passage du Rhin par les alliés.

Ce mouvement offensif eût été plus décisif encore, si, au moment de l'attaque, et par une marche hardie, cinq à six mille hommes

(1) Voyez Pièces justificatives, No. XXIV.

se fussent avancés sur Troyes par la route de Bar-sur-Seine. Troyes n'avoit alors que deux cents hommes dans ses murs, et les alliés se seroient emparés facilement des ponts de la Guillotière, pendant que le maréchal duc de Trévise en étoit encore à dix lieues. Par-là ils l'eussent forcé de se jeter sur Joinville, et de laisser la route de Paris entièrement à découvert.

On put juger dès-lors que la circonspection et la lenteur présidoient aux opérations de la grande armée des alliés, et que l'idée de combattre, sur leur propre sol, les vainqueurs d'Austerlitz, d'Iéna et de Friedland, inspiroit aux ennemis un sentiment de timidité et de crainte.

Quoi qu'il en soit, le maréchal Mortier se replia en bon ordre vers Troyes, et prit position, sans être poursuivi, aux ponts de la Guillotière sur la Barce.

Mais le succès du combat de Bar-sur-Aube étoit incontestable. En vain Napoléon voulut en ́éluder l'aveu par un silence absolu; la route de Troyes étoit couverte de blessés, et des bruits sinistres circuloient dans la capitale. On s'étonnoit que les troupes dont on exagéroit le nombre, se portassent toutes vers Châlons-sur

Marne, tandis que les alliés avançoient triomphans par la route de Troyes. Ils avoient envahi les frontières de Lyon à Anvers, dans une profondeur de quarante lieues en-deçà du Rhin; ils touchoient aux portes de Troyes, aux plaines de la Champagne, et Napoléon n'avoit pas quitté le château des Tuileries son refuge accoutumé ; il y passoit des revues, il y multiplioit les parades, montrant, avec ostentation les troupes qu'on lui rassembloit à la hâte ; et le lendemain les journaux en doubloient et en triploient le nombre avec une exagération puérile. Ainsi, on étoit sensé avoir vu dans l'espace d'un mois plus de deux cent mille hommes à Paris, et pourtant l'ennemi touchoit au cœur de l'empire sans qu'on lui eût opposé aucune force capable de l'arrêter dans sa marche.

Toute la politique de Napoléon consistoit à inspirer de la sécurité à ses généraux, à ses courtisans et au peuple même.

Il eût été difficile de tromper les courtisans sur le véritable état des choses, si leur aveuglement n'eût été comparable à l'excès de leur servitude. Ils examinoient cependant d'un ceil inquiet, l'attitude, les gestes et les traits de celui à qui ils devoient uniquement leurs em→

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plois et leurs richesses. On savoit que Napoléon se retiroit souvent dans des souterrains pratiqués aux Tuileries, et que là, seul, environné de cartes du théâtre de la guerre, et le compas à la main, il combinoit et dressoit dans un recueillement profond, toutes les parties du vaste plan de campagne qui devoit sauver sa couronne et préserver l'empire. Un jour des affidés appostés laissent pénétrer à dessein jusqu'à l'entrée du caveau les courtisans les plus familiers qui venoient avertir l'empereur que le conseil d'Etat étoit assemblé. Ils trouvent Napoléon dans une sorte d'extase, jetant par terre son compas, et s'écriant comme Archimède sortant du bain : « Je l'ai trouvé,

je les tiens, pas un n'échappera » ? — « Ja» mais, disoient entre eux les courtisans pleins » d'admiration, jamais l'empereur n'a été inspiré par de si hautes conceptions : les enne>> mis sont perdus, et la patrie est sauvée. »

On répandoit avec assurance que toutes les routes étoient couvertes de soldats ; et cependant on savoit que l'armée ne se formoit qu'avec peine; que les conscrits exposés dans une saison si dure à toutes les privations, étoient découragés; que les fournisseurs ne recevant plus d'à-compte, refusoient de continuer le

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