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mais c'est dans les poésies diverses qu'est sa place na

turelle.

L'opéra d'Astrée, le meilleur des trois, obtint une espèce de succès. A la première représentation, l'auteur, placé derrière des dames qui ne le connaissaient pas, s'écriait à chaque instant, cela est détestable. Ces dames, choquées de ses continuelles exclamations, lui dirent enfin Monsieur, cela n'est pas si mauvais, l'auteur est un homme d'esprit, c'est M. de La Fontaine.Eh! mesdames, reprit-il sans s'émouvoir, la pièce ne vaut rien; ce La Fontaine dont vous parlez est un stupide; c'est moi qui le suis. Il sort après le premier acte, et va s'endormir dans un café. Quelqu'un de sa connaissance, surpris de le voir dans cet état, s'écrie: Comment donc ! M. de La Fontaine est ici? Ne devrait-il pas être à la première représentation de son opéra? A ces mots La Fontaine se réveille, et dit en baillant : J'en viens,. j'ai essuyé le premier acte qui m'a si prodigieusement ennuyé, que je n'ai pas voulu en entendre davantage; j'admire la patience des Parisiens. C'est-là un de ces traits de caractère dont La Fontaine seul a fourni des exemples. L. A. M. B.

LES PARENS DE CIRCONSTANCE.

CONTE.

LE calife Haroun-al-Raschid, qui, comme vous le savez, était un grand promeneur, se promenait un soir dans les rues de Bagdad avec son grand-visir Giafar.

Sa promenade était finie, et le calife se plaignait de n'avoir pas rencontré dans sa soirée une seule aventure.

Voilà que, dans le même instant, il entend pleurer et gémir. Il s'avance du côté d'où partaient les plaintes et les sanglots, et voit, au clair de la lune, un bon jeune homme assis devant une petite boutique de cordonnier.

Le calife dit à ce jeune homme : Pourquoi pleures-tu ? Et le jeune homme lui répondit : Que vous importe ma joie ou mes larmes, mes plaisirs ou mes peines? quand vous seriez le calife en personne, vous ne pourriez me don ner ce qui me manque pour être heureux.

Le calife sourit et dit : Qu'en sais-tu ? je suis peut-être plus puissant que tu ne crois; je suis peut-être un envoyé du prophète, qui vient pour te secourir et te consoler.

Ah! si vous êtes un envoyé du prophète, répond le jeune homme, c'est une autre affaire, et vous devez savoir aussi bien que moi ce que vous me demandez. Vous devez savoir que je suis amoureux de la belle Agéli, qui est fille d'un pauvre cordonnier comme moi; et qu'on me la refuse parce qu'elle a un père, une mère, des frères, des oncles et des cousins, tandis que moi je n'ai rien de tout cela. Ils disent qu'ils ne peuvent donner leur fille à un inconnu, à un homme sans parens. En effet, seigneur, je suis venu au monde je ne sais comment, je suis né je ne sais où, je suis fils de je ne sais qui. Un pauvre cordonnier m'a trouvé un beau soir à sa porte, où, sans doute, ma mère m'avait abandonné ; il m'a fait élever, m'a montré son métier, et en mourant il m'a laissé son échoppe. Voilà six mois, seigneur, que je cherche à découvrir quels sont les auteurs de mes jours sans pouvoir en venir à bout, et pourtant je dois avoir quelque part des frères, des oncles, ou pour le moins des cousins, puisque tout le monde en a.

La naïveté du bon Kadib amuse beaucoup le calife, qui lui dit Des frères, des oncles, il serait peut-être assez difficile de t'en procurer; mais pour des cousins, sois tranquille, je t'en procurerai à tous les degrés possibles. Le jeune homme, bien content de cette promesse, suit le calife qui le conduit dans son palais et le fait revêtir d'un riche costume.

Quand tout cela est fait, le calife dit à Giafar: Te voilà disgracié pour huit jours; je t'exile dans une de tes belles maisons de campagne : et toi, Kadib, je te fais mon grandvisir; tâche de remplir cette importante fonction avec intelligence et fidélité. J'y ferai tout mon possible, répond Kadib, en se prosternant la face contre terre. Quand le pauvre cordonnier, mon père adoptif, voulut m'apprendre à faire des souliers, je ne savais pas seulement enfiler une aiguille; mais il me disait: Courage, mon enfant; avec un peu de bonne volonté et d'habitude, un homme apprend tous les métiers.

Dès le lendemain on sait à la cour la disgrâce de Giafar. De tous côtés on l'accuse, de toutes les parties de l'Empire des plaintes s'élèvent contre lui. Les courtisans, ceux à qui il avait fait un peu de mal, ceux sur-tout à qui il

avait fait beaucoup de bien, viennent féliciter le calife de cet acte de justice.

Le calife, en voyant la bassesse et la cupidité des hommes calomnier les vertus dont ils n'ont plus rien à craindre ni à espérer, ne peut s'empêcher de dire :

O hommes ! que vous êtes méprisables! et vous voulez que les rois vous comptent pour quelque chose! qui vous méprise le plus, vous connaît le mieux qui vous foule sous ses pieds n'a point de reproche à se faire. Eprouve-. t-on des remords quand on écrase des reptiles?

Cette réflexion n'est pas philanthropique; mais n'accusons pas les despotes de l'Orient de la mauvaise opinion qu'ils ont des hommes; ils les jugent par ceux dont ils

sont entourés.

Bientôt le nouveau visir est environné d'un grand nombre d'ainis comme l'était la veille le visir Giafar. Tout ce qu'il dit est sublime, tout ce qu'il fait est admirable, fout ce qu'il désire s'accomplit, tout ce qu'il aime est aimable, tout ce qu'il n'aime pas est odieux.

Il est entouré de flatteurs, de sollicitenrs, et ne sait auquel entendre. << Par Mahomet! se dit-il, c'est une chose plaisante! hier j'étais aux pieds de tout le monde, aujourd'hui tout le monde est à mes pieds; hier je faisais, des babouches, aujourd'hui c'est à qui baisera les miennes! "

Dès le soir même de sa nomination, le visir reçoit un placet d'un des plus riches habitans de Bagdad quí se dit son parent, et qui le prie de vouloir bien lui octroyer, à ce titre, un des premiers gouvernemens de l'Empire.

Ah! ah! dit Kadib; voilà déjà un parent! le calife me tient parole. Il n'y a rien de tel qu'une bonne place de visir pour retrouver ses parens. Il fait donc venir le solliciteur, et lui dit: Je veux profiter de la faveur du calife pour élever ma famille aussi haut qu'il me sera possible. Vous vous dites mon parent, j'en suis fort aise et pour vous et pour moi; mais prouvez-moi que vous l'êtes, car j'entends parler de vous et de notre parenté pour la première fois de ma vie.

Alors le solliciteur prouve qu'il avait un arrière-grandpère, nommé Kadib, doué de beaucoup d'esprit et de vertus. Etait-il riche et puissant? Jouait-il un rôle dans Etat? Un très-beau rôle, Seigneur; il était très-riche et très-considéré, comme l'ont toujours été et le seront toujours les membres de notre famille. - Ah! je l'espère.

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Se

Combien a-t-il laissé d'enfans? - Deux, Seigneur. sont-ils mariés? Oui, Seigneur, ils ont eu deux enfans qui se sont mariés à leur tour, et qui ont eu aussi chacun deux enfans, au nombre desquels était sans doute votre illustre pèré. — Oh! je n'en doute pas, et je vois que vous connaissez parfaitement notre généalogie. Je n'ai sur ce que vous me dites qu'une légère observation à vous faire. J'aurais dû partager un peu la succession de cet aïeul si riche, et je n'en ai pas reçu une drachme. Je suis de la branche cadette, et je sais, à n'en pas douter, qu'elle fut dépouillée autrefois par la branche aînée dont vous êtes aujourd'hui l'unique héritier, mon cher cousin. La fortune de notre grand-père commun pouvait bien monter à mille bourses pour le moins. Je n'en demande que la moitié pour ma part. Mais, Seigneur..... Vous ne serez bien reconnu pour mon parent qu'à cette condition. Je jure..... Cinq cents bourses, ou nons ne serons jamais cousins. Je ne puis...... Il ne manque que cette petite preuve pour établir notre parenté d'une manière directe et positive. C'est une bagatelle; mais enfin je vous l'ai dit, je ne suis occupé que de ma famille; il est donc juste que má famille avant tout me rende ce qui m'est dû.

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Le lendemain, de grand matin, le solliciteur arrive avec les cinq cents bourses; Kadib lui saute au cou, le nomme cent fois son cher cousin, et lui promet qu'avant huit jours il lai donnera le gouvernement du Khorassan. Oui, lui dit-il, je jure par Mahomet, qu'à cette épo que vous serez gouverneur, on je perdrai ma place de grand-visir. »

Le cousin est enchanté de cette promesse; il sort et va conter sa bonne fortune à tout le monde; il ne parle pas des cinq cents bourses qu'il a données, mais il vante partout la manière affectueuse dont le visir accueille ses pa rens, ce qui fait bientôt éclore pour Kadib une foule de cousins fanf germains qu'issas de germains, dans les rangs les plus élevés de la société.

Il dit au second qui se présente: «Pas le moindre doute; nous sommes parens et même très-proches parens; je connais tous les titres dont vous me parlez. N'y avez-vous pas lu que nos deux grands pères ont en ensemble un terrible procès? Oui, seigneur, je crois me souvenir..... - Que le vôtre avait tort dans cette affaire, n'est-il pas vrai? mais comme votre grand-père était beaucoup plus riche que le

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mien, il a eu raison devant le tribunal du cadi, et le mies s'est trouvé ruiné de fond en comble. Je veux faire réviser cette affaire, et comme me voilà plus riche et plus puissant que vous, j'aurai peut-être ma revanche, à moins pourtant que vous n'aimiez mieux réparer par un petit sacrifice celte injustice criante. Le procès perdu par mon grand-père lui a coûté quatre cents bourses; je veux bien partager le différend par la moitié. Donnez-moi seulement deux cents bourses, et je vous fais grâce des frais de la procédure et -des intérêts. "

Il dit à un autre : «Je me souviens fort bien de tout ce que vous me dites. Vos titres sont incontestables. Vous devez y avoir lu qu'un de mes aïeux avait déposé entre les mains de l'un des vôtres une somme de cent mille tomans, tant il avait de confiance dans la probité de ce parent qui passait pour le plus honnête homme du pays. - Oui, seigneur, je me souviens parfaitement de cette circonstance. . Vous bien voyez que je sais sur le bout du doigt toutes les anecdotes de ma famille. Mais vous ignorez peutêtre ce que sont devenus les cent mille tomans déposés chez votre aïeul? - Seigneur, je crois que.....— Vous croyez que...... mon cher cousin; mais moi je suis sûr que..... je n'ai rien touché de ce dépôt dont vous avez sans doute hérité, ainsi je vous prie de me restituer au plus vite une somme si légitimement due. Vous réparerez par-là une injustice qui, si elle était connue, nuirait certainement à la réputation de notre famille dont la probité n'a jamais été mise en doute."

Kadib accompagne ces discours des plus belles pro messes, et jure à tous ses parens que dans huit jours il leur accordera toutes les places et dignités qu'ils demandent, ou qu'il perdra plutôt sa place de grand-visir.

En peu de tems il se voit un si grand nombre de cousins qu'il en est embarrassé; car pour prouver, il faut payer, et il s'en trouve quelques-uns qui ne peuvent faire leurs preuves; mais il dit à tous ceux dont les titres ne sont pas douteux Vous êtes riches, vous avouez que nos aieux communs ont toujours été riches, puissans et considérés. Il faut donc que j'aie éprouvé de votre part une grande injustice, puisque sans la munificence du calife Haroun-alRaschid qui sait distinguer le mérite dans quelque situation qu'il se trouve, je serais plongé dans la plus profonde

misère.

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Il y avait bien quelque réponse à faire à cet argument;

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