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devait se permettre une telle accusation, lui qui, de son propre aveu, n'a mis que quatre jours à parcourir les glaciers, c'est-à-dire, des régions immenses où la nature est dans un mouvement continuel, où la scène est à chaque instant changée, où des filets d'eaux et de petits réservoirs deviennent tout-à-coup des torrens impétueux et de Vastes bassins, où, après avoir admiré le matin de jolis bosquets et de vertes collines, vous ne voyez le soir que des arbres abattus, des sables amoncelés, des glaces, des rochers et d'affreux précipices? Il suffit à l'observateur de faire un pas ou d'attendre un instant, pour que le théâtre ne soit plus le même; et pour porter un jugement exact sur la fidélité d'une description ou d'un dessin des Alpes, il faudrait que le juge se fût trouvé avec l'auteur au moment et sur la place où celui-ci prenait la plume et le crayon. Pendant cinquantecinq années j'ai parcouru les lieux que j'ai dépeints, et il est probable que si les milliers de voyageurs qui s'y sont rendus après moi eussent trouvé mes descriptions puériles ou exagérées et mes tableaux infidèles, ils ne les auraient mis ni dans leurs bibliothèques, ni dans leurs cabinets: on n'eût pas traduit mes ouvrages en hollandais, en italien, en allemand, en anglais : on n'en aurait pas fait plusieurs éditions françaises. M. de Buffon, M. Delille et plusieurs autres écrivaias ne les eussent pas cités avec éloge. L'ancien sénat de Genève, l'ancien roi de Sardaigne, Louis XVI, et une foule de particuliers ne m'eussent pas commandé des tableaux, et si M. Leschevin désirait quelqu'autre témoignage, je lui citerais le jugement même de l'illustre de Saussure. Il m'écrivait le 4 février 1774: « Tout le > public vous doit des remercimens pour cette description vive, » piquante et vraiment pittoresque de ces objets si intéressans et si » peu connus. Vous donnez à ceux qui ne les connaissent pas le désir » de les contempler, et vous les retracez d'une manière bien vraie » et bien agréable à ceux qui les ont vus : c'est du moins le sentiment » que j'ai éprouvé en vous lisant. Je désire bien vivement que vous »-vous hátiez de donner au public les planches qu'il attend de vous, » qui sont nécessaires pour rendre votre ouvrage absolument complet. » Je compte bien publier aussi quelque chose sur l'histoire de ces » mêmes montagnes : c'est dans ce dessein que je les étudie depuis » tant d'années. J'aurai à votre ouvrage l'obligation d'avoir réveillé l'attention du public sur ces grands objets, et de lui avoir fait désirer » d'en connaitre les particularités, etc.»

A ce témoignage particulier j'ajouterai le témoignage public que m'a rendu M. de Saussure en plusieurs endroits de ses ouvrages. En parlant de mon tableau du lac de Chede, il disait : « Ce tableau est

» du plus grand effet et répond parfaitement à la beauté du site : » et dans son Discours préliminaire, il dit : « Les vues des montagnes » que j'ai jointes à leurs descriptions ont été dessinées sur les lieux » par M. Bourrit avec une exactitude que l'on pourrait appeler mes » thématique, puisque souvent j'en ai vérifié les proportions avec te » graphometre sans pouvoir y découvrir d'erreur. Il a même sacrifié » à cette exactitude une partie de l'effet de ces dessins en exprimant » les détails des couches et en prononçant fortement les contours des >> rochers. J'aurais volontiers fait graver quelques-uns de ses grands » tableaux des glaciers, si le burin pouvait rendre la force et la vérité. » avec laquelle il exprime les glaces, les neiges, et les jeux infini» ment variés de la lumière au travers de ces corps transparens. >>

J'espère que M. Leschevin croira au graphomètre de M. de Saussure, et voudra bien attribuer ces courtes réflexions, non pas au désir de critiquer son ouvrage, mais à la nécessité de me justifier aux yeux de ses lecteurs.

Si vous avez la complaisance, Messieurs, d'imprimer cette lettre dans un prochain numéro de votre Mercure, vous obligerez infiniment celui qui a l'honneur d'être, etc..

BOURRIT.

POLITIQUE.

LES armées sont toujours en présence en Amérique; une troisième expédition se prépare contre le Canada, et les succès maritimes des Américains continuent d'étonner et 'd'affliger l'Angleterre. Dans les communications de l'envoyé anglais sir Warren et M. de Monroë, ministre américain, c'est M. Warren qui parle d'armistice, de conciliation, d'échange de prisonniers, et de tout ce qui peut précéder une négociation ou l'avoir pour résultat. Dans celui de M. de Monroe il n'est question que des droits des Américains méconnus, de leur liberté violée, de leur indépendance allaquée. Le gouvernement ne se refuse pas à un rapprochement, mais il ne consentira à un armistice qu'après la reconnaissance formelle des droits qu'il réclame, et tout annonce que c'est à ce degré de condescendance que seront réduits les Anglais, qui sentent enfin, par la plus triste expérience et par des privations de toute nature, le besoin de la paix et du commerce avec les Américains, et la faute qu'ils ont faite en croyant à leur défaut d'énergie et à leur impuissance. Dans l'Amérique méridionale, le général Monteverde, commandant l'armée royale, le général Miranda, chef des insurgés, en sont venus à une correspondance dont les termes annoncent un rapprochement avec des concessions mutuelles. Cette correspondance est volumineuse; elle confirme ce elle confirme ce qu'on savait déjà de l'état des provinces de Venezuela, où la guerre civile paraît tou

cher à sa fin.

Le parlement britannique s'est ajourné au 2 février ses dernières séances n'ont offert aucune particularité remarquable. Les deux chambres se sont occupées de différens bills relatifs au service de la légion allemande, aux brasseries de sucre et d'amidon, à la monnaie d'or. Les orateurs de l'opposition n'ont pas en de peine à prouver qu'il existait dans le commerce une différence sensible dans les prix, soit que l'on payât en or, soit que l'on payât en billets de banque la thèse contraire était soutenue par les ministres. L'exportation du numéraire a aussi été l'objet des observations de plusieurs membres; des étals ont été présentés

relativement à cet écoulement successif qui laisse l'Angleterre inondée d'un signe représentatif, et dépouillée du signe de valeur réelle. Le comité des subsides a aussi été vivement attaqué par M. Whitbread qui, passant en revue les diverses classes d'individus auxquelles le gouvernement accorde des secours, n'a pas cru qu'il fût nécessaire d'en offrir aux Russes victimes de cette guerre, et a dit fort nettement qué charité bien ordonnée commençait par soimême. Sir Francis Burdett l'a vivement appuye. Cependant lord Liverpool a insisté en faveur du bill; il a peint les efforts faits par la Russie pour résister à la France, et a regardé sa résistance comme un service personnel rendu à fAngleterre. La Russie a donc brûlé Moscou pour assurer les intérêts des capitalistes de Londres; les Russes, qui vont recevoir des secours de l'Angleterre pour avoir vu leurs habitations incendiées par l'ordre de leurs chefs, ne se doutaient peut-être pas qu'ils recevraient au sein du parlement britannique des remercîmens d'un sacrifice qui, de l'aveu des ministres, ne sert que l'Angleterre. C'est à l'égard de ces subsides et de leur quotité que le Moniteur s'exprime,

ainsi :

« Il faut au moins être conséquent; la gazette de Pétersbourg dit que ce sont les Français qui ont mis le feu à Moscou et aux mille villages qui se trouvaient sur la route, et dès-lors elle a raison de taxer les Français de cruauté et de barbarie; mais ce n'est pas là le langage que vous tenez dans cette discussion; vous dites que ce sont les Russes eux-mêmes qui ont incendié Moscou et les villages qui sont sur la route; quelle plus grande cruauté restait à commettre aux Français? On peut évaluer le tort que la Russie s'est faite à elle-même à trois milliards : que lui donne l'Angleterre dans sa munificence et sa gratitude? 200 mille livres sterlings, cinq millions de France?»

Les Anglais ont reçu de Cadix et de Lisbonne des nouvelles qui leur apprennent que lord Wellington s'est retiré à Ciudad-Rodrigo, et que son armée a pris des cantonnemens aux environs de cette place, que le général Hill est redescendu vers le Sud, que l'expédition d'Alicante est toujours tenue en échec par le duc d'Albufera, et qu'en Catalogue le général Decaen manœuvre pour assurer sur tons les points ses communications et ses approvisionnemens, et pour faire parvenir des renforts au duc d'Albufera: voilà les nouvelles certaines et incontestables qu'ils ont reçues.

Voici celles qu'ils y ajoutent, nouvelles qu'a dû leur apporter le Zephir, venant de Saint-Ander. « Le général Caffarelli a repris le chemin de la France avec toutes les forces sous ses ordres. En combinant ce mouvement avec les événemens qui ont lieu à 2,500 milles, les spéculateurs politiques y trouveront de quoi occuper leur curiosité. »

Un autre Journal anglais, le Star, fait mieux: il imprime en gros caractères, ces mots : ÉVACUATION DE L'ESPAGNE PAR LES TROUPES FRANÇAISES; puis il ajoute d'un ton plus modeste : le bruit court que les troupes françaises ont évacué l'Espagne. A ce bruit, à ces nouvelles de Cadix ou de Saint-Ander, le Moniteur oppose les notes que l'on va lire.

Loin d'évacuer l'Espagne, de nouvelles troupes s'y rendent; 20,000 hommes, 6000 chevaux, et 600 chariots qui existaient dans les 11° et 20° divisions militaires, viennent de recevoir l'ordre de renforcer les armées de Portugal, du centre et du midi de l'Espagne. Un convoi de Io millions vient d'être envoyé pour aligner la solde. Si vous croyez aux évènemens passés à 2,500 milles de vous, tels que les rapportent les gazettes de Pétersbourg, vous êtes d'étranges dupes. Nos armées ont rendu et rendront vains tous vos efforts. Votre pays et votre trésor s'épuisent dans une lutte disproportionnée avec votre population, et les besoins de vos établissemens d'Amérique et d'Asie. L'Espagne est à la dynastie française ; aucun effort humain ne peut l'empêcher.

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Poursuivant le cours de ses allégations, le journaliste anglais, si bien instruit par la malle de Cadix, déclare que la carrière de Napoléon, en Europe, est presque terminée, et qu'elle doit se trouver bornée à la France. Nous devons nous attendre à chaque instant, dit-il, à apprendre que l'empereur d'Autriche se sera déclaré contre lui. Lord Walpole est depuis long-tems arrivé à Vienne. Il était parti de Pétersbourg le 29 octobre, et son voyage a duré

un mois.

Relativement aux bornes que la politique anglaise met à celle de l'Empereur, et aux cessions qu'elle lui demande, voici ce que répond le Moniteur :

Même la Hollande, même Rome, la Toscane, le Piémont, même la Belgique, même le comté de Nice, cela serait beau! Mais pourquoi tant de modération? pourquoi vous arrêter en si beau chemin ? pourquoi ne pas profiter du moment et partager la France? Croyez-moi, tant que

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