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monte à pas lents, dépose Psyché sur le sommet, et redescend tristement.

Mais que devient Psyché, seule, en proie au silence,

A la nuit, à l'horreur de ce désert immense,

A cent monstres ailés autour d'elle sifflans,

A mille que l'effroi peint à ses yeux tremblans?
Mourante de frayeur, elle tombe; Zéphire,
Sous les voiles flottans s'insinue, et soupire,
L'enlève au pied du roc, dans un vallon charmant,
Et sur un lit de fleurs la pose mollement.

Tout le reste est écrit de même. Les descriptions les plus brillantes, les images les plus riches où les plus voluptueuses, les pensées les plus délicates, tout est exprimé avec cette concision poétique, harmonieuse, élégante, sans remplissage, sans longueurs, sans aucune de ces formes parasites, qui passent pour de l'abondance, et ne sont que du verbiage.

(L'étendue de ce dernier article a forcé d'en renvoyer la fin au N° prochain.)

POÉSIES DE P. DORANGE. Un vol. in-12, orné de quatre jolies gravures et d'un titre gravé. - Prix, 4 fr., et 5 fr. franc de port. A Paris, chez Rosa, libraire, rue de Bussy, no 15.

M. DORANGE est du nombre malheureusement trop grand des poëtes morts avant d'avoir réalisé les espérances que leurs essais avaient fait concevoir. Je ne comparerai point cependant son sort à celui de Guimond de la Touche, de Malfilâtre, de Gilbert et d'André Chénier, parce que ceux-ci en mourant ont laissé un petit nombre d'ouvrages qui portent le cachet de la maturité du génie, au lieu que les vers de Dorange, quel que soit leur mérite, n'annoncent pas un poëte du premier ordre. La mort des auteurs d'Iphiginie, de Narcisse, de la Satire du dix-huitième siècle, fut pour notre littérature une perte irréparable; celle de Dorange n'a pas été si vivement sentie,

parce que le caractère du talent de ce jeune poëte n'était pas encore décidé.

Sa traduction des Bucoliques de Virgile est le plus important de ses ouvrages, on l'a réimprimé dans le recueil que nous annonçons. Lorsqu'elle parut, elle valut à son anteur des encouragemens honorables, et, dans la discussion relative aux prix décennaux, l'Institut en fit l'éloge.

On ne peut comparer la traduction de Dorange à celles de MM. Tissot, Didot et Langeac. Ces trois poëtes ont souvent approché de l'inimitable perfection de Virgile, tandis que les vers de Dorange sont presque toujours faibles et sans harmonie. Cependant il est un petit nombre de morceaux où il se soutient à côté de M. Tissot, ce qui annonce que s'il avait eu le tems de revoir avec sévérité l'ouvrage de sa jeunesse, nous aurions des Bucoliques de Virgile plusieurs traductions dignes de ce grand poëte. Dorange paraît en avoir fait une étude particulière, mais on a eu tort de publier les fragmens qu'il a traduits des Géorgiques et de l'Enéide, parce que ces fragmens sont au-dessous du médiocre, et d'ailleurs ils rappellent involontairement les beaux vers de M. Delille, ce qui ne peut que nuire, même à un poëte d'un talent supérieur à celui de Dorange.

Ce jeune auteur a sans doute cherché long-tems le genre que la nature de son esprit l'appelait à traiter. Les scènes de tragédie et de comédie qu'on a recueillies tenaient bien certainement au dessein de courir la carrière du théâtre, mais nous doutons fort qu'il y eût obtenú des succès.

Les odes qui ouvrent le recueil de ses poésies, avaient déjà été imprimées séparément. Les connaisseurs y remarquèrent des beaux vers et quelques grandes idées : mais on ne put se dissimuler qu'il y règne beaucoup d'emphase, et cette fausse chaleur que puisent à l'école de Le Brun, ceux qui n'ont pas le génie de ce poëte sublime. En général les odes de Dorange sont pleines de lieux communs, et manquent d'élévation poétique. La meilleure de toutes est celle qui a pour titre les Adieux à la Vie; elle a plusieurs strophes dignes des plus grands

poëtes, et si l'on n'y trouve pas le charme des stances de Gilbert, c'est que l'auteur, au lieu de s'abandonnner à toute la sensibilité de son ame, a trop cherché ces effets et ces alliances bizarres d'idées et de mots que quelques poëtes nous donnent pour du sublime, et qui ne sont que le sublime du galimathias.

La nature appelait Dorange vers la poésie légère, et si la mort ne l'eût pas moissonné avant le tems, il s'y serait fait une réputation assez brillante: les Quatre Parties du Jour, l'Epitre à Cloris, l'Epître à Délie, les Stances sur les Ravages du Vent du Nord, etc., annoncent un poëte sensible et gracieux; ses vers corrects et élégans n'ont ni le papillotage de l'école de Dorat, ni les fadeurs et les niaiseries sentimentales de celle de Demoustier. Le talent de Dorange est plus pur, parce qu'il avait étudié les bons modèles; sa poésie, presque toujours naturelle, n'a que très-rarement ces tournures alambiquées et cette afféterie dont il est bien difficile de se garantir aujourd'hui, où l'on préfère aux belles formes des grands maîtres le clinquant et les tours antithétiques d'une foule de rimeurs, qui sont aux véritables poëtes ce que les faiseurs de mélodrames sont aux auteurs tragiques.

C'est un grand éloge pour Dorange d'avoir su se garantir de cette contagion, et cela doit augmenter les regrets que sa mort a causés; elle a été une véritable perte pour la poésie.

Dorange a composé plusieurs romances qui sont remplies de cette mélancolie douce et rêveuse, qui fait le charme de ce genre de poésie. Herminie et Bélisaire peuvent être comparées au plus jolies romances de Florian, et il serait à désirer qu'un musicien habile leur t une musique.

Je ne parlerai pas ici de la traduction en vers de la Jérusalem délivrée. Le recueil de Dorange en contient quelques fragmens. Comme ce ne sont que des essais, la critique ne doit pas s'appesantir sur les nombreux défauts qui les déparent; mais ils font douter que le poëte eût eu la force suffisante pour achever un travail entrepris dans un âge où l'homme ne croit rien impossible. La romance, l'idylle et l'élégie, voilà les genres

que Dorange eût traités avec succès; il suffit, pour s'en convaicre, de lire les pièces dont nous avons indiqué les titres dans le cours de cette notice.

Dans un de ces fragmens traduits du Tasse, on lit les vers suivans, relatifs à Argant qui,

A ses transports altiers tout-à-coup s'abandonne ;
Et las de se défendre, ardent à se venger,

Il méprise la mort, ne voit plus le danger :
Il vole sur Tancrède, et dans sa course altière.

L'éditeur a, ainsi qu'on le voit, mis en italique les mots alliers et altière, au premier et au quatrième vers. Quel a été son motif? Est-ce de faire regarder leur rapprochement comme une faute? Mais alors il eût été souvent obligé d'employer l'italique. Est-ce qu'il a cru que le mot altier est de trois syllabes? Alors c'est une erreur; les grands poëtes l'ont toujours fait de deux.

M. Miger, avantageusement connu par plusieurs ouvrages où brille un grand talent, a mis en tête des poésies de Dorange une notice aussi intéressante que bien écrite, et qui, avec les nombreuses gravures qu'il contient, n'est pas un des moindres ornemens du recueil que nous annonçons. J. B. ROQUEFORT.

BEAUX-ARTS.

SALON DE 1812.

MM. RUTXHIEL, ROLAND, DE SENNE, BRIDAN, MOUTONY, CHINARD, TAUNAY ET LEMOT.

Je vais continuer l'examen des ouvrages de sculpture que j'avais un moment abandonné. Je parlerai dans cet article de toutes les statues représentant des généraux ou des grands personnages modernes. Ce genre de statues exige une étude moins profonde et une connaissance moins parfaite de la forme que celles destinées à nous retracer les héros ou les dieux de la mythologie ancienne; mais il présente en même tems des difficultés que bien peu de sculpteurs sont parvenus à vaincre jusqu'à ce jour. C'est

ane chose universellement reconnue que notre costume, très-bien approprié sans doute à notre climat et à nos usages, offre peu de ressources à la peinture et encore moins à la sculpture; il est pauvre, mesquin et compassé : quel que soit le mouvement du corps, il conserve toujours à-peu-près les mêmes formes; l'artiste ne peut lui donner aucun développement, ni varier les plis à son gré comme dans les costumes antiques; il est obligé même d'employer avec beaucoup de ménagement le manteau, dont il pourrait cependant tirer un parti avantageux, pour ne pas paraître viser au style et s'éloigner de la vérité. On doit donc l'excuser quand il n'a pas complétement réussi; et quand le succès a couronné ses efforts, on ne saurait lui prodiguer trop d'éloges.

M. RUTXHIEL.

Zéphire qui enlève Psyché.

Ce groupe exécuté en marbre ne porte pas de numéro, et n'est point inscrit dans le catalogue. Il contient suivant. moi des défauts assez graves, et cependant il annonce d'heureuses dispositions. L'audace avec laquelle la figure de Zéphire est lancée en avant, la manière dont elle est groupée avec celle de Psyché, une certaine grâce répandue sur l'ensemble de cette dernière figure, sont les causes de l'effet agréable que cet ouvrage produit au premier aspect. Je ne reprendrai qu'une seule chose dans la disposition générale, c'est la pose de la jambe gauche de Zéphire; quand on est en face, elle se trouve cachée par la cuisse et semble manquer entièrement. En analysant cette figure, j'observe que la tête est petite, sur-tout depuis les sourcils jusqu'au sommet; les traits en sont maigres et sans caractère; le bras droit entre dans le sein de Psyché au lieu de le faire fléchir; le mouvement du bras gauche exigerait qu'il fût plus prononcé à l'endroit où il se joint à l'épaule. Dans la jambe droite, les muscles qui forment ce qu'on appelle vulgairement le gras de la jambe prennent leur origine un peu trop haut je n'ignore pas que cela est mo tivé par la pose; mais il fallait faire ensorte de conserver la beauté de la forme. Enfin le pied depuis la cheville jusqu'aux doigts laisse beaucoup à désirer du côté de la finesse

La figure de Psyché n'est pas non plus à l'abri de la critique la hanche et la cuisse droites décrivent une courbe trop exagérée; vu de profil, le torse au-dessus du nombril

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