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gloire à les rendre tous; souvent encore, lorsque l'expression lui manque pour rendre certaines idées, il détourne certains mots de leur véritable acception, et a recours au latin de l'école. M. Roger s'est alors servi très-utilement d'une traduction anglaise faite sous les yeux mêmes de l'auteur, par un de ses disciples, « et sur » cette autorité, dit-il, j'ai pu quelquefois adopter dans » l'interprétation, certaines nuances que n'indiquait » pas l'original. »

L'ouvrage du docteur Lowth commence par un discours d'ouverture, espèce de morceau obligé, comme nous en entendons prononcer dans quelques-uns de nos cours publics, en pareille occasion. On sait que le plus souvent, ce ne sont que des lieux communs, dont tout le mérite est de se rattacher avec plus ou moins d'adresse à l'objet principal du cours. Le docteur Lowth, dans ce discours ou cette leçon, cherche à prouver que le premier but de la poésie est l'utilité, que c'est là sa fin, et que l'agrément n'est que le moyen dont elle se sert pour y parvenir. Il établit celte différence entre le poëte et le philosophe, que celui-ci croit avoir assez fait, quand il a été simple, clair et précis, tandis que celui-là veut encore répandre sur ses leçons le charme de l'élégance et de l'agrément. Cette opinion ne mérite certainement pas tous les développemens que lui donne l'auteur. C'est une de ces questions qu'on peut appeler oiseuses, et bonnes tout au plus à faire briller l'éloquente faconde d'un rhéteur. Horace a depuis long-tems décidé celle-ci dans un de ces vers proverbes, où, sans prendre parti pour l'uti lité contre l'agrément, il dit que le comble de l'art est de les réunir tous deux. Quant à la distinction entre le poëte et le philosophe, les ouvrages de Platon et de Cicéron, deux des plus beaux génies et des écrivains les plus fleuris de l'antiquité, prouveraient assez que ce n'est qu'une vaine subtilité, et qu'aucun philosophe à qui il aura été donné de plaire, n'a négligé ce moyen. M. Roger a supprimé, dans sa traduction, cette première leçon. Il a pensé avec raison qu'il valait mieux entrer dans le sujet dès le commencement du livre; « que d'ailleurs » Lowth étend trop loin ses principes, et s'abandonne à

» des idées abstraites de perfection morale, qui s'éloi»gnent autant de la vérité des choses que du goût par»ticulier de notre nation. » Le même esprit de critique judicieuse lui fait retrancher aussi quelques ornemens ambitieux et que le goût réprouve. Telle est, dans le chapitre second de l'original et le premier de la traduction, cette comparaison de la poésie sacrée à un fleuve, dont l'auteur se propose de suivre les sinuosités, d'observer l'élévation et l'abaissement, et de détourner quelquefois les eaux, pour féconder les campagnes qu'il domine.

C'est rarement à un traducteur qu'il faut demander un jugement impartial et désintéressé sur l'auteur qu'il a traduit. Il arrive trop souvent qu'on voie avec des yeux prévenus, l'ouvrage qu'on a cru digne de plusieurs années de soins et de travaux. M. Roger n'a pas payé ce tribut, et tout en rendant justice aux qualités brillantes de son original, à son goût et à son immense érudition, il s'exprime sur ses défauts avec une franchise décente et mesurée. Ainsi après avoir observé que le docteur Lowth, dans l'analyse des beautés de sentiment, manque quelquefois de grâce et d'abandon, que trop souvent il prouve au lieu de faire sentir; le traducteur remarque que dans les morceaux de force et d'éclat, il s'élève, s'anime, redouble d'énergie et se montre un digne interprête des prophètes. Il cite pour exemple le chapitre sur Isaïe, que nous prenons volontiers de sa main et d'où nous extrayons le passage suivant pour donner à-la-fois une idée de l'original et de la traduction..

« Isaïe, le premier des prophètes, pour le mérite au» tant que pour l'ancienneté, réunit tous les genres de » perfection à un degré si éminent, qu'on peut regarder »ses ouvrages comme le modèle le plus accompli de la » poésie prophétique. Son style est à-la-fois élégant et » sublime, plein de force et d'agrément, de richesse et » d'énergie, de noblesse et de variété. Ses sentimens » sont élevés; ses images exactes, élégantes, fécondes, » variées, majestueuses; sa diction, remarquable par » son élégance, ne l'est pas moins par sa clarté et sa sim»plicité. Il existe en outre une telle harmonie, soit naaturelle, soit artificielle, dans l'arrangement poétique

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» de ses sentences, que si la poésie hébraïque conserve » encore aujourd'hui quelque reste de sa grâce native et » de son antique mélodie, c'est aux écrits d'Isaïe qu'elle » en est principalement redevable. Il excelle encore d'une » manière toute particulière dans ce qui concerne la disposition des parties, l'ordre et la liaison naturelle des » idées; autant du moins que peut le permettre la nature » des inspirations prophétiques qui s'emparent de l'ame » avec une violence irrésistible, et l'entraînent souvent, » par de rapides transitions, des objets les plus voisins des sens aux objets qui en sont les plus éloignés, et » des choses humaines aux choses divines. »

Le lecteur aura remarqué combien la traduction de ce passage est élégante et facile, et qu'à lire ainsi l'ouvrage du docteur Lowth, on croirait qu'il a été pensé et écrit en français. Nous ajouterons que c'est un véritable service rendu aux lettres, le traité de la poésie sacrée ayant jusqu'ici 'joui plutôt d'une estime sur parole que d'une estime réfléchie; qu'enfin, si cette traduction justifie l'opinion qu'on s'était faite du traducteur, elle ne justifie pas moins le choix qui l'a placé parmi les chefs de l'instruction publique.

FABLES; par A. V. ARNAULT, de l'Institut impérial, de l'Académie de Madrid, etc. etc., avec cette épigraphe: Calumniari si quis autem voluerit,

Fictis jocari nos meminerit fabulis.

Un volume in-12, orné d'une jolie gravure.

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Prix,

3 fr., et 3 fr. 50 c. franc de port. Chez Joseph Chaumerot, libraire, place Saint-André-des-Arcs, no 11; et Chaumerot jeune, Palais-Royal, galerie de bois, n° 188.

DEPUIS quelques années il semble convenu qu'on ne peut faire le moindre article de journal sans donner une savante théorie du genre que l'auteur a traité, théorie qu'apparemment l'auteur ignore et le public aussi. Quelqu'avantageuse que soit cette méthode pour le journa

liste, nous croyons qu'il est encore permis de supposer l'auteur et le lecteur suffisamment instruits, et de commencer sans préambule par tacher de donner une idée juste et un jugement impartial de l'ouvrage qu'on s'est chargé d'examiner. Cette marche, raisonnable parfois, est peut-être nécessaire lorsqu'il s'agit de l'apologue, sujet épuisé depuis long-tems par plusieurs écrivains ingénieux, sans compter les médiocres.

Pour commencer mon métier de critique, je dirai que M. Arnault, qui est si justement de l'Institut impérial, aurait peut-être bien fait d'ajouter qu'il est de la seconde Classe. Cette désignation me semble nécessaire, jusqu'au jour où le gouvernement aura permis à cette classe de reprendre son noble titre d'Académie française; car l'Institut peut tout aussi bien être composé de quatre académies que de quatre classes; mais jusque-là je pense que tout membre de l'Institut fera mieux d'indiquer à quelle classe il appartient.

La préface de M. Arnault se fait lire avec beaucoup de plaisir. On y remarque d'abord au milieu de beaucoup d'esprit ce ton ferme qui est un des caractères du talent de l'auteur. M. Arnault prouve très-bien une opinion qu'il partage avec plusieurs bons esprits; savoir, que l'apologue n'est pas du tout un art d'esclaves, que ce n'est qu'une manière différente de dire la vérité, et que s'il l'adoucit quelquefois, il l'éclaircit plus souvent encore. M. Arnault défend ensuite une cause au moins aussi bonne; il soutient qu'on a tort de vouloir prendre le ton de La Fontaine, et qu'on ne doit imiter ce grand poëte que dans l'exemple qu'il a donné de n'imiter personne. Nous citerons ici le prologue. qui n'est qu'un résumé élégant et ingénieux de cette partie de la préface. Amis, dans la riante plaine Qu'Esope ensemença jadis, J'ai ramassé quelques épis Après Phèdre, après La Fontaine.

Récolte d'un pauvre glaneur,
Ces épis ne sont pas superbes :
Ce sont des brins et non des gerbes
Qu'on trouve après le moissonneur.

N'importe, et, Dieu me le pardonne !
Quand je vois mon petit trésor,
Je me trouve assez riche encore,
Et je n'ai rien pris à personne.
Sans rivaliser ses travaux,
De Jean j'ai suivi le système :
Je me dois le peu que je vaux ;
Je suis moi comme il est lui-même.

Ne forçons point notre talent,
Nous ne ferions rien avec grace,
A dit cet esprit excellent,
Dont je n'ai pas suivi la trace.

De l'avis c'était profiter,
J'écris d'après mon caractère.
Bonhomme, en voulant t'imiter

J'aurais craint de te contrefaire.

Les vers ont cet avantage que tout homme de goût quí en a lu trente d'un ouvrage, peut juger, non pas tout-à-fait cet ouvrage, mais la manière dont il est écrit, chose si importante et presque décisive en poésie. En une page on a vu le ton, le talent et souvent le caractère de l'auteur. Dans les vers qu'on vient de lire on reconnaît d'abord beaucoup d'esprit, de l'énergie qui sè cache sous de l'élégance, et le ton d'un homme qui à pensé avant d'écrire, bien différent de tant d'autres qui commencent toujours par écrire, sauf à penser quand ils le pourront. Eh bien! cette manière qui caractérise le prologue, se reconnaîtra à toutes les pages du livre. Parlant on y trouve quelqu'une des qualités distinctives du talent de l'auteur, souvent de la force, ou de là grâce, ou de la sévérité, et toujours de l'esprit. J'ai dit de la sévérité; et en effet l'auteur jette sur la société un regard quelquefois un peu caustique, ce qui sera blàmé par les hommes qui veulent absolument des fables dans la manière de La Fontaine : cette manière sans doute est la meilleure ; mais, outre qu'il est inimitable, beaucoup de juges éclairés pensent que le seul moyen de plaire après lui, c'est d'avoir une manière à soi. On ne peut trop louer M. Arnault du courage avec lequel il a suivi

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