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CHAPITRE VIII

FRANCE ET POLOGNE

L'influence de la France a toujours été grande en Pologne. Elle a atteint son apogée à la mort du dernier prince de la dynastie des Jagellons. Sigismond-Auguste, qui mourut en 1572 sans héritier naturel, laissa le trône vacant et ouvrit la carrière à toutes les ambitions.

Les Polonais tournèrent alors leurs espérances vers la France, et élurent roi le prince Henry de Valois.

Le nouveau souverain entra solennellement à Varsovie le 18 février 1574, au milieu de fêtes brillantes. Mais, ayant appris bientôt après, que

la mort de Charles IX l'appelait au trône de France, il se déroba par la fuite à une couronne qu'il croyait chancelante, afin d'en ceindre une autre qui lui paraissait plus solide.

Malgré la défaveur qu'une pareille fugue devait porter sur le parti français, il fut encore question à la fin du dix-septième siècle de la candidature d'un prince français.

Louis XIV prit fort au sérieux les prétentions du prince de Conti, qu'il envoya à Dantzig avec une flotte que commandait Jean Bart. Mais l'électeur de Saxe s'étant déjà fait élire, à la faveur d'un corps de troupe qui appuyait sa candidature, le prince de Conti n'eut qu'à reprendre la mer.

L'histoire de l'alliance française est pour cette nation infortunée, privée de frontières, dépourvue de politique, comblée de toutes les qualités qui rendent les individus aimables et les peuples faibles, l'histoire de ses malheurs. Chaque fois qu'elle a senti le fer des ennemis déchirer son sein, elle a tendu les bras vers la France!

Que de fois votre cœur a tressailli en voyant arriver ses proscrits à vos hospitaliers foyers gaulois, en les entendant raconter leurs misères, en pensant leurs blessures, en pleurant leurs morts, en gémissant sur la triste captivité des martyrs de la liberté sainte.

Mille causes puissantes, diverses, respectables, ont créé, entretenu, formulé, développé ces sympathies traditionnelles.

La plus ancienne était la similitude de foi religieuse. C'est sous les auspices du catholicisme que cette alliance, trois et quatre fois séculaire, a pris naissance.

Nous ne savons, et nous ne voulons pas savoir en ce moment, si la France est préparée à accepter la séparation de l'Eglise et de l'Etat, dans le domaine de l'économie intérieure, mais ce que tout le monde admet aujourd'hui, c'est que la séparation est faite au point de vue de la politique extérieure. Quoique protecteurs des chrétiens d'Orient, Napoléon III a oublié qu'il était le fils aîné de l'Eglise pour soutenir la Turquie, il n'a pas eu souci des foudres du Vatican pour s'allier avec Victor-Emmanuel. La République française ne peut avoir moins d'indépendance, pour choisir ses alliances, et surtout pour tirer parti de celles qu'impose la nature des choses.

Du reste, on ne saurait exiger d'une nation qui veut vivre, le culte des morts, on ne saurait exiger qu'elle rivât son sort à celui d'un cadavre, que pendant près d'un siècle elle a généreusement essayé de tirer de la tombe.

Aucun des efforts que les Français ont faits

pour sauver la Pologne, n'a abouti qu'à rendre plus pesante la domination russe.

Jamais les espérances fallacieuses qu'ils ont entretenues quelquefois malgré eux n'ont eu des résultats heureux. Rien n'autorise à penser qu'il en serait autrement si de nouvelles tentatives étaient appuyées, soit directement soit indirectement, par la troisième République.

Mais les révolutionnaires les plus endurcis dans la résurrection de la Pologne auraient beau chercher, ils ne trouveraient, sur le bord de la Vistule, aucun des échos qui ont trompé peutêtre Napoléon Ier, et à coup sûr Napoléon III.

En effet, ce conspirateur couronné, qui a achevé de dégoûter la France de toute idée de restauration monarchique, a passé une grande partie de son règne à intriguer contre la Russie, avec M. de Bismarck, qu'il avait eu la singulière inspiration de prendre pour son confident.

Actuellement, l'ennemi de la Pologne n'est point en réalité la Russie, mais la Prusse, qui cherche à faire du duché de Posen, une province allemande, qui la traite plus durement encore que l'Alsace-Lorraine; qui veut en bannir la langue, non pas pour la remplacer par un autre dialecte slave, mais par l'allemand, manière de parler antipathique au génie polonais; qui vient

d'expulser brutalement trente mille citoyens coupables du même crime que les généreux Alsaciens-Lorrains, victimes de la propagande électorale de M. de Bismarck.

Aujourd'hui, c'est du côté de la Russie que se tournent les regards des opprimés de Posen, qui verraient avec joie l'aigle à deux têtes remplacer le drapeau blanc-noir. En effet, vis-à-vis de l'Allemand qu'ils détestent également, il est rare que Russes et Polonais oublient qu'ils ont une même origine, et tous deux appartiennent également au monde slave. Le gouvernement russe ne demande à la France que de ne pas être plus Polonais que la Pologne elle-même.

Nous ne sommes plus à l'époque où Sa Majesté l'Empereur de Russie, s'il venait visiter votre grande capitale, serait salué par les cris de Vive la Pologne! et les coups de pistolet de Berezowsky. Le peu de succès des candidatures extravagantes cherchant à réveiller ces souvenirs, montrent qu'ils n'existent que dans l'esprit des Allemands de la Cour de Pétersbourg. Ce ne sont que des fantômes que l'on invoque pour troubler la conscience du souverain et des conseillers dépositaires de sa confiance. On en joue comme des nihilistes, mais il faut le dire, sinon avec moins de perversité, certainement avec moins de danger.

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