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coup d'œil l'homme arrêté au capitaine Koch, lui dit: « C'est celui-ci. Oui, répliqua le capitaine, il dit s'appeler Griagnoff, appartenir à la classe bourgeoise... Se tournant alors vers le meurtrier, l'empereur ajouta : « C'est un joli monsieur. » Puis il se tourna vers le colonel pour lui demander où était le lieu de l'explosion, afin de le visiter. Koch ne suivit pas son souverain, sans cela il aurait remarqué la contenance arrogante d'un individu qui, le chapeau sur la tête, était adossé à la grille qui borde le canal et placé sur un trottoir de moins d'un mètre de largeur, de telle sorte que l'empereur devait le frôler en passant. Cet homme avait les bras croisés sur sa poitrine et les mains dissimulées sous ses bras.

>> En quittant Ryssakoff pour se diriger vers la voiture où il allait remonter, l'empereur était très pâle et marchait à pas lents. Son regard dévoilait de graves préoccupations. Tout porte à croire qu'à la vue de ce nouvel attentat sa pensée cherchait la solution d'un problème qui lui avait déjà coûté tant de soucis cuisants. Il marchait à pas lents. A peine eut-il fait deux ou trois pas que l'homme, dont la mine était si audacieuse, leva les mains en l'air et lança un objet blanc sous les pieds de Sa Majesté. C'était une seconde bombe fulminante. Alors un fracas plus épouvantable encore que le premier se fit entendre. L'empereur tomba, ainsi qu'une vingtaine de personnes qui l'entouraient. Ce fut d'abord une stupéfaction générale, suivie bientôt par les gémissements plaintifs des blessés, auxquels se mêlaient les cris : « Au secours! arrêtez-le... Dans le jardin !... »

>> Nulle plume ne peut décrire l'horrible spectacle qui s'offrit aux regards terrifiés dès que la fumée se

fut dissipée. Parmi les blessés qui gisaient sur le trottoir et dans la rue, il y en avait qui faisaient de vains efforts pour se relever. D'autres laissaient échapper des gémissements lamentables, quelques-uns cherchaient à se dégager de dessous d'autres blessés. Au milieu d'un amas de neige maculée par le sang, on distinguait des fragments de sabres, des lambeaux de vêtements, des débris de chair humaine.

» L'horrible machine n'avait pas épargné l'Empereur. Les deux jambes fracassées, il était tombé à terre, la partie supérieure du corps rejetée en arrière. Appuyé contre la grille du canal, il cherchait cependant à se soutenir avec ses mains. Sa casquette militaire avait été enlevée de sa tête et la visière en avait été arrachée. Son manteau avait été en partie emporté jusqu'à la ceinture, ce manteau était déchiré et déchiqueté. Les jambes fracassées étaient nues, et le sang en coulait à flots. Elles n'offraient plus qu'un mélange horrible d'os broyés et de chairs meurtries. La faiblesse de l'auguste victime augmentait de minute en minute. Des témoins déclarent que ses lèvres remuaient comme s'il eût parlé.

>> Quelques secondes après la catastrophe, le grand-duc Michel se fraya un passage au milieu de la foule sans se douter que son frère expirait, arrivé près d'un groupe de cosaques, il reconnut l'Empereur, et s'étant élancé vers lui, il s'écria : « Alexandre, m'entends-tu? » Alors l'Empereur répondit d'une voix faible: « J'entends! >>

» Avant de mettre l'Empereur sur un traîneau, quelqu'un proposa de transporter Sa Majesté dans une maison voisine. En entendant ce qui se disait, l'Empereur répondit d'une voix à peine distincte :

« Plus vite........., à la maison... Portez-moi au Palais..., là..., m'aider... » Telles furent ses dernières paroles. >>

Si nous ne craignions d'affaiblir ces émouvants tableaux en les multipliant, nous raconterions l'affreuse surprise de la Princesse. Mais comment dépeindre sa douleur, lorsque la porte s'ouvrit avec fracas et que l'on déposa sur un sofa, roulé au milieu de l'appartement funèbre, l'être aimé qu'elle attendait, rayonnant de puissance et de santé, et qu'on apportait affreusement mutilé, près de rendre l'âme, déjà froid, et incapable de reconnaître la main chérie qui lui prodiguait les derniers soins avec une affection délirante !

Le souvenir de cette épouvantable tragédie restera longtemps gravé dans le cœur du peuple de Pétersbourg! C'est en quelque sorte un surcroît de sacrilège, que d'avoir voulu choisir l'anniversaire de tant de forfaits pour l'en rendre de nouveau témoin.

Heureusement l'issue de ces trames coupables prouve que les anniversaires appelés par le retour de la terre impassible aux mêmes points de son orbe, sont bien loin de se ressembler.

Mais leur recrudescence démontre, et la servilité même de l'imitation qu'on a voulu tenter,

prouve qu'il y a dans l'histoire des figures de rhétorique dont les mauvais acteurs cherchent à abuser, et qui se nomme la Répétition. C'est à elle que s'adressent, non-seulement en Russie mais dans le monde entier, ces horribles esprits qui donnent de méprisables pastiches des plus grands forfaits.

Le massacre des otages a été une réminiscence des abominables journées de septembre. Raoul Rigault n'a été que le singe des massacreurs d'autrefois. Les criminels de 1887 ont suivi le sillon de ceux de 1881, en vertu d'une loi psychologique à laquelle n'échappent jamais les intelligences dépravées. Les auteurs des grands forfaits font école toujours et partout!

CHAPITRE XXI

EXPLOITATION DE CE FORFAIT

Nous ne chercherons pas en ce moment à examiner d'où a pu partir ce coup terrible, quelles sont les influences secrètes qui ont pu tirer parti du fanatisme de ces horribles semeurs des bombes, pour leur inspirer un si épouvantable acharnement. Mais il importe de montrer que les influences qui s'étaient acharnés à tirer de l'ombre les Dombrowsky, les Landowsky, les Loblesky, etc., etc., ne négligèrent pas de susciter à Paris des insulteurs à la mémoire du souverain qui venait de sauver la France, en opposant son veto à une nouvelle déclaration de guerre.

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