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que les leçons du général Laharpe n'étaient jamais complètement sorties de son esprit.

Voici comment Lamartine, en tête du livre quarante-sixième de son Histoire de la Révolution, apprécie le caractère du Prince auquel la France et la Russie doivent tant de reconnaissance à des titres différents :

<< La mort de l'empereur Alexandre suivit de près les funérailles du général Foy. La maladie le surprit à Tauparah, dans une visite qu'il faisait à ses nouvelles provinces de Crimée. Il expira avec la résignation d'un cénobite; son âme depuis longtemps s'était tournée vers le ciel.

>> Les grands revers, et les grands succès de sa courte existence en avaient fait le héros du Nord et l'arbitre de l'Europe. Il donna l'exemple d'éclatantes vertus et popularisa plus qu'aucun de ses prédécesseurs le nom de la Russie. La liberté, pour laquelle une partie de ses peuples, des asiatiques barbares, n'était pas mûre, lui doit en Europe un grand souvenir. »>

Après avoir rappelé que ce prince fut en 1814 un des garants de la charte, circonstance sur laquelle nous avons nous-même insisté plus haut, le fondateur de la République de 1848 s'écrie avec l'admirable éloquence dont plus qu'aucun autre mortel il eut le succès :

« L'histoire doit l'inscrire parmi ce petit nombre de princes qui régnèrent en présence de Dieu et de

leur conscience, et qui subordonnèrent pieusement leur gloire et leur grandeur à la gloire et à la grandeur de l'humanité. Le caractère du règne de l'empereur Alexandre Ier, c'est qu'il ne fut pas tant un règne russe qu'un règne européen. La Russie le pleura, l'impératrice mourut de douleur. La France et l'Europe, un moment injustes, rendirent une tardive justice à ses vertus. >>

Peut-on imaginer un éloge plus magnifique, prononcé d'une façon plus touchante, par le poète qui a deux espèces de droit à l'admiration des vrais républicains. En effet, il ne s'est pas contenté de proclamer la forme de gouvernement qui est devenue nationale en France, mais il l'a rendue viable en la séparant à jamais du drapeau rouge.

CHAPITRE XV

SOUS LE REGNE DE NICOLAS

Si l'on peut croire qu'Alexandre avait conservé quelque chose des enseignements reçus dans la jeunesse, on ne peut dire la même chose de l'empereur Nicolas, dont l'éducation fut à peu près nulle. Pendant tout son règne, ce prince ne cessa de s'opposer à l'expansion de l'esprit révolutionnaire, et à se considérer lui-même comme la plus haute expression de la résistance à ses progrès.

Il fut en toutes choses le contraire de son frère, tout en continuant comme lui à faire de grands efforts pour la civilisation de la Russie; mais c'est uniquement par l'usage de la dictature et de la force matérielle qu'il espérait réussir.

Toutefois, c'est à son initiative que l'on doit ce grand événement que l'on nomme la bataille de Navarin et son corollaire, la déclaration de l'indépendance hellénique. On peut dire que ce fut lui qui donna le premier coup de pioche à la démolition de l'empire ottoman.

Nul doute que son influence ne se soit exercée en faveur de la France pour empêcher l'Angleterre de se joindre à la Porte ottomane et d'arrêter l'expédition d'Alger.

Nicolas avait même offert aux Bourbons de contribuer à ce qu'il considérait comme un devoir religieux. En effet, le démembrement de l'empire ottoman était le but de sa politique en Orient. Si l'Angleterre n'avait laissé passer leur flotte, les vaisseaux russes fussent venus se joindre aux leurs pour porter les troupes à Alger. Ces bons rapports devaient être le préambule d'une action commune qui pouvait être décisive, d'un remaniement de la carte de l'Europe, d'une restitution à la France de la ligne du Rhin. La Révolution de Juillet vint emporter tous ces projets qui eussent certainement adouci la perte des libertés françaises. Mais l'histoire de ces négociations n'autorise pas à supposer que Nicolas ait fait du coup d'Etat Polignac une condition à son alliance. Il ne poussait

pas l'amour de la charte jusqu'à s'en constituer le gardien, comme l'avait fait son frère, mais il ne poussait pas non plus sa haine jusqu'à en demander la destruction. C'est tardivement, et de mauvaise grâce, que Nicolas reconnut la monarchie de Louis-Philippe ; il aurait moins hésité si les conséquences politiques de cet événement ne l'eussent alarmé.

La révolution de Juillet, qui enlevait le trône à une dynastie rétablie par les Russes, et favorablement disposée pour une action commune, ne pouvait avoir les sympathies de Nicolas. Ses répulsions furent naturellement augmentées par l'insurrection de Pologne, qu'il put attribuer à l'influence des événements de Paris.

Louis-Philippe, dont la puissance était factice, artificielle, qui était arrivé au trône par le mensonge, ne pouvait s'y maintenir que par la fraude. Tout en désirant l'alliance de la Russie, il craignait d'être compromis par une trop grande intimité avec la cour de Saint-Pétersbourg. Il affec tait pour la Russie une hostilité qu'il n'avait pas, et pour la Pologne une amitié qui n'était jamais entrée dans son cœur.

Toute sa politique vis-à-vis de la Russie, était donc de louvoyer entre deux mensonges.

Contrairement à la Révolution de 1792, la

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