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CHAPITRE XII

L'ASSASSINAT DE PAUL 1er

La nouvelle des premiers succès obtenus contre les républicains, réputés invincibles, avait excité dans toute la Russie un incroyable enthousiasme. Paul Jer, qui se croyait sûr de la victoire, avait décerné à Souwaroff le surnom d'Italique.

La bataille de Zurich fit ouvrir les yeux à ce prince, qui avait certains des défauts, mais toutes les qualités des grandes âmes. Il comprit que des hésitations de l'Autriche étaient, sinon la cause majeure, du moins la cause principale de l'humiliation qui venait d'être infligée à ses aigles, car l'Autriche ne poursuivait pas tant une res

tauration, que le moyen d'hériter des dépouilles des victimes de l'intervention française. Elle acceptait comme définitives, les conséquences de l'invasion révolutionnaire, en tant qu'elles lui permettaient de s'étendre.

En outre, le but principal que se proposait Paul était loin d'être rempli. Ce qu'il voulait en réalité, ce n'était pas remettre les Français sous le joug, mais rétablir sur leur trône tous les princes dépossédés par les armes républicaines. S'il pouvait accorder aux Français le droit de disposer d'eux-mêmes, il leur refusait d'une façon non moins absolue celui de disposer des autres, et par dessus toutes choses de s'occuper de l'émancipation de la Pologne.

Le premier Consul était trop bon politique pour négliger le parti que l'on pouvait tirer de dispositions si généreuses et si louables. Il vit bien que Paul Ier n'était pas un ennemi, qu'il n'était en réalité qu'un adversaire, et il agit en conséquence avec une habileté hors ligne.

Il restait en France six ou sept mille Russes qui avaient été faits prisonniers l'année précédente, et qui n'avaient pu être compris dans les échanges, parce que la Russie n'avait point de prisonniers à restituer. Il décida que ces hommes seraient envoyés à Pétersbourg sans condi

tion. Bien plus, il les fit habiller et armer aux frais de la République et il leur remit leurs étendards.

Les circonstances favorisent toujours les hommes de génie lorsqu'ils sont arrivés à formuler quelque conception naturelle.

Paul Ier était un admirateur des anciens ordres. Les chevaliers de Malte avaient profité de cette circonstance pour le décider à se déclarer grandmaître de leur Ordre, qui n'avait plus de siège depuis l'occupation de l'île par les troupes françaises de l'expédition d'Orient. Il n'était pas difficile de comprendre que la place, étroitement bloquée par les Anglais, allait être prochainement obligée de se rendre. Le premier Consul imagina d'en faire cadeau à l'empereur de Russie qui accepta avec enthousiasme.

Il déclara même que l'île devait être occupée par les six mille Russes qu'il restituait à leur souverain, et qui, au lieu de se rendre dans leur patrie, partiraient de la France même pour se rendre à cette garnison inattendue.

Il suffit de ces avances et de quelques concessions dans le réglement des affaires italiennes, pour amener avec la Russie une réconciliation complète, laquelle ne fut que la préface d'une entente réelle. Comme quelques lecteurs pour

raient peut-être se plaindre que nous insistions trop sur ces circonstances, nous prendrons la liberté de leur faire remarquer, qu'on ne saurait trop en mettre les détails en lumière. Il est en effet de la dernière importance, dans les circonstances actuelles, de montrer que la France républicaine, comme elle l'était alors, a pu une première fois s'allier intimement avec la Russie, et qu'il a fallu le crime atroce que nous allons rapporter pour empêcher cette alliance d'avoir les plus heureux effets sur l'histoire du monde.

A cette époque, il était complètement impossible de deviner, dans le général Bonaparte, le futur empereur. Napoléon Ier n'avait que son génie qui le distinguât d'un stathouder de Hollande, d'un doge de Venise ou de Gênes, ou même d'un président des États-Unis et de la République française. Il remplissait le rôle de chef de ces États républicains avec lesquels les grandes monarchies du seizième, du dix-septième et du dix-huitième siècles ne craignaient pas de contracter des alliances.

L'histoire est pleine d'exemples de coalitions formées entre États dont les principes constitutionnels et les religions diffèrent. Des gens à courte vue, ignorant les annales de l'humanité, étrangers à la science des passions humaines,

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