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Le cabinet de Londres doit reconnaître qu'il s'agit d'une question des plus graves pour l'indépendance de tous les États du continent. En effet, si le droit que l'Angleterre cherche à établir en ce moment à l'égard de Naples comme envers la Toscane venait à être une fois admis comme précédent, il en résulterait au dehors, pour les sujets britanniques, une position exceptionnelle fort audessus des avantages dont jouissent les habitants mêmes des autres pays, et pour les gouvernements qui les accueillent une situation intolérable.

Au lieu d'être, comme jusqu'ici, un bienfait pour les contrées où ils s'établissent et où ils apportent, avec leurs richesses et leurs moyens industriels, les habitudes de moralité et d'ordre qui distinguent si honorablement le peuple anglais, leur présence y deviendrait un inconvénient perpétuel, et dans certains cas un véritable fléau. Elle y serait pour les fauteurs de troubles un encouragement à la révolte car si derrière les barricades devait se dresser continuellement l'éventualité menaçante de réclamations futures en faveur de sujets anglais lésés dans leurs biens par la répression, tout souverain que sa position et sa faiblesse relative exposent aux mesures coercitives d'une flotte anglaise se trouverait frappé d'impuissance en face de l'insurrection; il n'oserait pas prendre de mesures coercitives, et s'il les prenait, il y aurait donc lieu à examiner ensuite les détails de l'opération, à apprécier la nécessité ou l'inutilité de telle ou telle mesure stratégique qui aurait exposé les Anglais à des pertes; à reconnaître enfin le gouvernement anglais pour juge entre le souverain et ses sujets, en matière de guerre civile et de gouvernement intérieur.

L'empereur ne peut pas souscrire à une pareille théorie; il ne transigera pas sur le principe qu'il vient de développer. Quelque disposé qu'il soit et qu'il ait toujours été à accueillir avec bienveillance les individus appartenant à la nation britannique, pour le caractère de laquelle son estime est assez connue, si des réclamations pareilles à celles qui viennent d'être adressées à Naples et à la Toscane pouvaient être appuyées par la force, il se verrait dans la nécessité d'examiner et de préciser d'une manière plus formelle les conditions auxquelles, dorénavant, il con

sentira à accorder dans ses États aux sujets britanniques le droit de résidence et de propriété.

Le gouvernement russe espère que le cabinet anglais accueillera ces réflexions dans l'esprit d'impartialité qui les a dictées, et qu'il ne les perdra pas de vue dans la conduite à adopter à l'égard des cours de Naples et de Toscane. Leur cause est celle de tous les États faibles, dont l'existence n'est garantie que par le maintien des principes tutélaires qui viennent d'être invoqués. Dans le moment actuel, plus que jamais, le respect de ces principes par les grandes puissances peut seul préserver l'Europe des plus graves perturbations.

Vous donnerez à lord Palmerston communication de cette dépêche et vous lui en remettrez copie.

Dépêches ou Rapports.

On donne le nom de dépêches aux lettres officielles que le diplomate en fonctions adresse au gouvernement dont il est l'agent et l'organe, et à celles qu'il en reçoit.

Nous disions au commencement de ce chapitre, en parlant de la correspondance diplomatique en général : «Tout ce qui intéresse le service de l'État dans sa politique étrangère et ses relations internationales, tous les renseignements utiles aux intérêts moraux et matériels du pays qu'il représente, est ou doit être l'objet de la sollicitude de l'agent diplomatique, et donner lieu de sa part à des communications exactes et fréquentes. » Ce sont ces communications de toute nature que les dépêches transmettent. Tous les actes et les démarches du ministre public se résument en ces rapports régu

liers, qui embrassent aussi bien les négociations proprement dites que l'exposé ou la discussion des affaires courantes, des questions traitées, des réclamations introduites, des mesures proposées, des conversations politiques soutenues; en un mot, tout ce que le commettant est en droit d'attendre de son mandataire zélé, habile et fidèle (').

(1) L'étendue de cette obligation est nettement énoncée dans la lettre suivante que M. de Champagny, ministre des relations extérieures sous Napoléon, écrivait, en 4807, à M. de Beauharnais, ambassadeur de France à Madrid, et que nous empruntons à l'Histoire du Consulat et de l'Empire, de M. THIERS, T. VIII, p. 292:

<< M. l'ambassadeur, j'ai reçu votre lettre confidentielle, et je m'empresse d'y répondre en n'admettant entre vous et moi aucun intermédiaire. Tous les moyens que vous jugerez convenable d'employer pour me faire connaître soit les hommes avec qui vous êtes dans le cas de traiter, soit l'état des affaires que vous avez à conduire, me paraîtront fort bons lorsqu'ils tendront à me donner plus de lumières et d'une manière plus sûre. Vous n'avez rien à redouter de l'emploi que je pourrai faire de vos lettres. La communication aux bureaux, quand elle aura lieu, sera toujours sans danger : ils méritent toute confiance, et depuis plusieurs années ils sont gardiens des plus grands intérêts du gouvernement et dépositaires de ses secrets les plus importants. C'est d'ailleurs un des premiers devoirs de tout ministre à une cour étrangère de faire connaître à son gouvernement, sans restriction, sans réserve, tout ce qu'il voit, tout ce qu'il entend, tout ce qui parvient à sa connaissance. Placé pour voir et pour entendre, pourvu de tous les moyens d'être instruit, ce qu'il apprend n'est pas chose qui lui appartienne: elle est la propriété de celui dont il est le mandataire. . . . . Votre lettre confidentielle renferme des choses très-importantes, et tellement importantes qu'on peut regretter que vous ne les ayez pas présentées avec plus de détail, et surtout que vous n'ayez pas fait connaître comment elles vous sont parvenues. . . . . Les questions que je vous adresse vous sont faites par l'empereur, et c'est lui qui a fait la réflexion que j'ai énoncée plus haut, qu'un ministre ne doit point avoir de secrets pour son gouvernement, »

Qu'elles soient confidentielles et secrètes, ou qu'elles soient exposées plus ou moins prochainement à une publicité plus ou moins complète, les dépêches doivent éviter toute recherche de style, toute composition étudiée. La simplicité, la clarté, l'ordre, l'exactitude, une concision judicieuse doivent présider à leur rédaction il vaut mieux dire moins bien que de manquer de précision et de vérité dans ce que l'on a à dire.

:

Dans la conduite d'une négociation, l'agent diplomatique ne peut rendre, dans ses rapports, un compte trop exact de la manière dont il a exécuté les ordres qui lui ont été donnés, des réponses verbales ou écrites qu'il a reçues aux lettres ou notes qu'il a présentées, ou aux représentations et aux propositions qu'il a faites de vive voix, des progrès de la négociation, des obstacles qu'elle rencontre, des incidents qu'il peut prévoir, etc.; afin que le cabinet qui dirige ses démarches en supporte seul la responsabilité, sans pouvoir la faire peser sur son agent. Il est des cas urgents, il est vrai, où l'agent doit oser prendre l'initiative; mais ces cas exceptionnels lui imposent un redoublement de prudence et un surcroît de discernement.

Si le négociateur affectait une trop grande confiance dans ses lumières, et qu'il parvînt à la faire partager à son gouvernement, il risquerait d'assumer sur luimême les suites fâcheuses que pourraient avoir les affaires compromises par son amour-propre : la modestie n'exclut point le talent, pas plus que la décision ne fait défaut devant l'action dont on a calculé froidement les chances.

Lorsqu'une négociation est suivie par deux ou plusieurs ministres accrédités à une même cour par une même puissance, leurs dépêches sont collectives ou individuelles. Ce dernier cas n'a lieu qu'autant qu'il y aurait divergence de vues chez les négociateurs, et qu'il importât à chacun d'eux, pour mettre sa responsabilité à couvert, que le ministre des affaires étrangères auquel il réfère fût instruit de cette diversité d'opinions.

DÉPÊCHES OU RAPPORTS.

M. de Breteuit, ambassadeur de Louis XVI à Vienne, au comte de Vergennes, ministre des affaires étrangères. (Compte-rendu d'une audience de l'impératricereine Marie-Thérèse et de l'empereur Joseph II.) (1775.)

Ces audiences ont été fort longues. Des questions d'intérêt et d'amitié sur le roi et sur la reine en ont fait le principal objet, surtout de la part de l'impératrice. La conversation ́de l'empereur a été très-variée. Je ne vous en dirai qu'un mot. Nous causions de l'avantage de l'activité, et, en général, des désirs qui la nourrissent. L'empereur me dit qu'il lui paraissait impossible de n'en avoir pas toujours une provision suffisante pour soutenir la sienne, parce qu'il croyait que tout homme devait toujours penser à augmenter son avoir. Je ne me suis pas appliqué, monsieur, à réfuter cette proposition; j'aurais craint qu'elle ne m'eût mené plus loin que je ne voulais : je me suis contenté de jauger la

source.

Quant à l'impératrice, après m'avoir tenu plusieurs discours entortillés, qui avaient tous pour objet ses engagements et arrangements sur la Pologne, mes réponses ou mon silence ne lui donnant pas tout le jeu qu'elle me paraissait désirer, elle me dit avec l'exclamation de la douleur : « Je sais, monsieur l'ambassadeur, que j'ai mis une grande tache à mon règne par tout ce qui vient.

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