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frayeur; on ne portait plus l'arme des batailles, mais celle des assassinats; toute vérité disparut avec toute morale. Chaque parole fut un mensonge, chaque action un crime ou une erreur. Le gouvernement, entouré d'hommes ineptes et perfides, privé du flambeau de l'expérience, regardait la justice comme une chimère; il rédigeait des codes. de doctrine en faveur de l'imposture ou de la tyrannie. La république ne pouvant trouver d'asile contre la dépravation de ses conducteurs que dans le tombeau du despotisme, elle s'y préci pita. >>

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Il y a plus de liberté, plus de bonheur, plus de stabilité dans une monarchie que dans une ré publique; c'est une vérité reconnue par presque tous les publicistes; elle ne pouvait être contestée en France, où la monarchie, établie depuis douze siècles, se liait avec nos usages et nos habitudes. Ce n'était pas ce gouvernement que les Français voulaient détruire en faisant la révolution de 1789, c'étaient les abus dont ce gouvernement, excellent en lui-même, s'était insensiblement surchargé. Les Français voulaient recouvrer l'ancienne frand chise nationale; leurs désirs se bornaient à ces quatre articles, dont, sans préjugés, on ne pou vait contester la justice. Ils demandaient que, sans distinction de naissance, tous les individus sup portassent les charges publiques en raison de leur fortune, pussent parvenir à toutes les dignités en raison de leurs talens, eussent le droit d'exercer

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publiquement leur religion, et d'émettre librement leurs pensées en respectant les lois et la morale; enfin, que les lois fussent l'ouvrage de la nation.

Ce vœu fut constamment manifesté et ne changea jamais, malgré les oscillations révolu tionnaires. On doit même observer que, dans les commencemens de la révolution, les ennemis du nouvel ordre de choses n'étaient pas nommés roya listeś, mais aristocrates. Compulsant les livres his+ toriques, on remarquait comment, sous le règne des Carlovingiens, les grands vassaux et les évê→ ques, ayant réduit en servitude le peuple français, consolidèrent leurs usurpations en expulsant du trône la postérité de Charlemagne. On croyait voir la même révolution sur le point de se renouveler, dans un temps où la noblesse et le clergé, s'exonér rant des charges nationales, possédant toutes les dignités, dirigeant toutes les affaires publiques, devenaient les arbitres de la France. La suppresşion de la monarchie dont j'ai développé les causes fatales dans les pages de cette histoire, ne fut pas l'ouvrage des Français, mais celui d'une faction. L'opposition à ce changement, constante et générale, n'est que trop démontrée par les flots de sang versé par les Jacobins dans toutes les provinces de France, et par la facilité avec laquelle Bonaparte plaça sur sa tête le bandeau des rois. A l'égard des autres institutions révolutionnaires, il était en France un grand nombre de familles dont on ne contestait pas les prééminences hono

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rables; les grands services rendus par leurs ancêtres en étaient la mesure; mais on se croyait humilié par la morgue d'une infinité d'anoblis sans noblesse qui se partageaient tous les genres d'autorité, et méprisaient des familles honorables, dont l'argent n'avait pas été employé à l'achat des parchemins anoblissans; c'étaient précisément ces familles qui criaient le plus haut contre la destruction des droits exclusifs obtenus en France par les deux premiers ordres de l'état.

Je n'ai rien à ajouter à la démarcation que j'ai faite entre les différentes sortes de républicains et les différentes sortes de royalistes qui, durant l'époque révolutionnaire, se disputèrent le sceptre du pouvoir; mais il reste une observation à faire, au sujet du nom même de Royalistes et de Répu blicains, donné souvent durant notre révolution aux mêmes individus par diverses factions.

Pour démêler cette espèce d'énigme, il faut se souvenir que la France entière, ou du moins les dix-neuf vingtièmes des Français, voulaient établir un gouvernement régulier, dans lequel la confection des lois, surtout celles qui concernaient les impôts, fussent l'ouvrage de la nation ou de ses représentans, et qui rendit communs à tous les citoyens les charges et les avantages de l'état; en cela ils étaient républicains: mais la plupart d'entre eux se proposaient de conserver à la tête du gouvernement un monarque chargé de l'exécution des lois et du pouvoir exécutif; en cela ils étaient

royalistes. Deux sortes de factieux s'opposaient à la consolidation de cet ordre de choses. Les uns, entraînés par leurs passions vers un gouvernement irrégulier dans lequel ils pussent faire des fortunes colossales, pouvaient être considérés comme des ultra-républicains; ils furent connus sous le nom de Jacobins; les autres, voulant recouvrer sous un gouvernement royal leurs anciens privilèges exclusifs, auraient pu être nommés ultra-royalistes; leurs adversaires les désignèrent sous le nom de Chouans. Au moyen de cette diverse manière de s'entendre, un même individu était traité de roya liste par les Jacobins, et de républicain par les Chouans. J'ai éprouvé moi-même cette injustice.

Une grande partie de la noblesse française s'accoutumait aux nouvelles institutions. Les proprié taires des terres avaient perdu les droits seigneuriaux; mais la suppression de la dîme formait en leur faveur une compensation surabondante. Ils ne jouissaient plus de droits exclusifs odieux à leurs concitoyens; mais l'avantage des richesses leur procurait celui de donner à leurs enfans une éducation plus soignée. S'ils entraient dans la carrière des armes ou dans celle des magistratures, leur éducation distinguée les conduisait à des emplois supérieurs, dans lesquels ils obtenaient la liberté de reprendre les titres possédés par leurs pères. Mon neveu, Florimond Fantin-Desodoards, entré au service en 1800, était parvenu au grade de colonel: il n'eût pas fait ce chemin avant la révolution.

Les ultra-royalistes se joignaient aux ultrarépublicains. Pour opposer sans cesse de nouveaux obstacles à tous les efforts faits par les amis de la paix et du bon ordre, les ultra-républicains agissaient avec violence, les ultra-royalistes employaient la ruse.

La révolution française offre mille exemples d'effets dont il est difficile d'assigner les causes. La plupart des événemens tournèrent contre le gré de ceux qui en avaient donné l'impulsion. Les coryphées révolutionnaires périssaient les uns après les autres au sein des convulsions dont ils paraissaient les auteurs; on les regarda comme aussi malhabiles à connaître leurs intérêts que ceux de leur patrie. Cette opinion n'était pas juste; la plupart de ces hommes furent victimes des deux partis ultrarévolutionnaires; les ultra-républicains les attaquaient onvertement en les signalant aux yeux de la multitude comme des royalistes. Les ultraroyalistes leur portaient des coups non moins dangereux. Ces ennemis de la révolution, devenus des Prothées, se déguisaient en cent manières différentes.

... Tandis qu'un certain nombre d'entre eux combattaient dans la Vendée les nouvelles institutions, plusieurs feignaient d'adopter le nouveau régime. Ennemis redoutables, leurs coups se portaient dans l'ombre. Les uns, sous prétexte de modération, arrêtaient les mesures énergiques; d'autres, connaissant la propension de la multitude à prêter plus

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