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volontiers sa confiance aux fauteurs des passions dont elle est enivrée, qu'à ceux qui lui parlent le langage de la raison, et qu'entre le défenseur de ses droits et celui de ses excès (elle donne la préférence à ce dernier), rendaient les mesures énergiques inutiles, dangereuses même, en excédant les bornes posées par la prudence et la justice.

Un grand nombre de ces contre-révolutionnaires, coiffés du bonnet rouge de Marat, et répétant les carmagnoles de Barère, prêchaient, comme les plus déhontés Jacobins, le meurtre, l'incendie, la dévastation; ils se couvraient, avec tant d'art, d'un masque patriotique, au milieu de la générale effervescence, que souvent ils parvinrent à se faire considérer comme les plus fermes soutiens de l'ancien régime.

De-là cette inextricable discordance qui signala les principaux mouvemens révolutionnaires. On a vui, dans le cours de cet ouvrage, avec quelle aveugle férocité des révolutionnaires lançaient sur l'échafaud d'autres révolutionnaires; ceux qui se livraient à ces atroces vengeances ne connaissaient peut-être pas la première source de leurs inconce→ vables fureurs. Pouvaient-ils soupçonner qu'ils obéissaient à l'impulsion des contre-révolutionnaires dont la politique était d'égorger les amis de la révolution, les uns par la main des autres ? Ces contre-révolutionnaires, couverts d'un manteau républicain, s'insinuaient dans les comités les plus secrets du gouvernement, exaspéraient les haînes,

semaient les défiances, précipitaient en torrens du haut de la montagne conventionnelle des passions incondescentes.

En parlant aux membres du côté droit, ils se gardaient bien de séparer les élémens dont la Montagne se composait. Parmi un grand nombre de monstres, dont l'instinct, semblable à celui des bêtes féroces, apercevait les extravagances et les forfaits auxquels il est possible d'entraîner un peuple dont on vient d'atténuer les idées religieuses et politiques, on voyait sur la Montagne des hommes sans lumières, sans éducation, choisis dans les hameaux et dans les ateliers, qui regardaient comme ennemi de la révolution tout homme dont l'habit différait de celui qu'ils portaient eux-mêmes; des hommes d'un caractère mélancolique, dont l'âme profon→ dément frappée d'avoir souvent aperçu la fausseté unie à la politesse, ne croyaient à la vertu et à la liberté, si elles ne se présentaient pas sous un aspect sombre et farouche; enfin des hommes trop jeunes, plus propres à être employés dans les ar→ mées que dans le sénat, ayant vu naître la révo→ lution au sein des orages; ils croyaient de nouveaux orages nécessaires à sa consolidation. On confondait ces hommes à vues si différentes, et on assurait que rien de bien ne pouvait s'établir en France, si tous n'étaient expulsés de la con

vention.

Les mêmes hommes tenaient un langage contraire aux Montagnards; ils accusaient tous les

députés du côté droit de vouloir substituer l'or gueil et la puissance des talens à l'orgueil et à la puissance de la noblesse, et de concentrer parmi eux toute l'autorité publique. Au moyen de ces insinuations, on vint à bout de persuader aux deux partis que leur existence était incompatible avec celle du parti contraire. Les Montagnards accusaient les Girondins, les Girondins accusaient les Montagnards de conspirer contre la patrie. Ces accusations furent d'abord les soupçons de la haîne; elles se poursuivirent dans la suite avec un acharnement qui annonçait la conviction des esprits. On traitait un législateur de traître aussi facilement qu'on traite tous les jours de sot un écrivain qu'on n'aime pas. Chaque parti regardait la perte de ses ennemis comme le salut de la France. Les uns parlaient de se lever en masse contre d'ambitieux dominateurs ; d'autres de remettre le glaive de Thémis à des juges sévères chargés de de frapper à mort les anarchistes et les royalistes. On répétait dans les rues, dans les groupes, dans les tribunes « Sauvons la patrie par la mort des traîtres. » Le nom de Brutus était chaque jour invoqué par des Mahomet ou des Séide, ne respirant que les assassinats.

pas

Les factions se choquèrent. Les hommes à sions violentes l'emportèrent sur les hommes à grands talens. Des torrens de sang inondèrent le corps législatif et préludèrent à cette vaste extermination de la race humaine, dont le lugubre

souvenir souillera la révolution française; les propagateurs de ces combats atroces n'eurent pas à se féliciter du succès de leurs noires machinations. Devenus le jouet d'une horde de cannibales, ils périssaient dans une calamité générale; on vit disparaître toutes les institutions qui embellissent ou qui consolent la vie humaine.

Après la séparation de la convention nationale, le génie malfaisant, auquel on devait les convulsions de cette assemblée, s'empara du directoire. Une combinaison de conseils perfides poussait les pentarques à des mesures dont les effets augmentaient la fermentation au-dedans et rendaient la guerre interminable au-dehors. Toutes les histoires nous apprennent à combien d'incertitudes se livrent les conducteurs des empires au milieu des évènemens dont ils ne connaissent pas les principes secrets, s'ils recoivent des impressions contradictoires combinées pour les induire en erreur. Souvent les pilotes les plus habiles, craignant de mal diriger un vaisseau au milieu d'une tourmente, abandonnent le gouvernail, mettant leurs espérances dans les vents prêts à les engloutir.

Pour opérer une désorganisation générale, les ennemis de la révolution, semés au-dedans et audehors de la France, avaient soulevé une immense tempête; elle pouvait submerger l'Europe entière. La guerre de la Vendée recommençait ; un système d'assassinats effrayait les provinces ; le commerce paraissait intercepté par la grande quantité de

brigands dont les routes étaient infestées. Tandis que la guerre étrangère, dévastant l'Allemagne et l'Italie, moissonnait la fleur de la jeunesse européenne, on augmentait en France la confusion et le désordre. Le ministère anglais distribuait des trésors, à l'aide desquels subsista constamment dans Paris un foyer de contre-révolution, sous les regards soucieux d'une police inquiète, dont l'action était entravée, en lui présentant le rameau d'or avec lequel Enée se fraya la route des enfers; ainsi le fils de Chatam se vengeait des manœuvres avec lesquelles, sous le règne de Louis XVI, le ministère français avait fomenté le soulèvement de l'Amérique.

Le comité anglais eut peu d'influence sur la révolution du 18 brumaire 1799. L'activité du génie qui la dirigea n'avait pas donné le temps aux contre-révolutionnaires d'en incliner les ressorts à leur profit. Cet évènement inattendu don→ nait une autre direction aux craintes et aux espérances. Bonaparte, devenu monarque de la France, réunissait en sa faveur une grande partie des royalistes. Son despotisme forçait un grand nombre d'autres au silence, et réprimait la fougue des anarchistes. Ce despotisme s'accordait avec le génie et les habitudes des Français; ainsi la reine Elisabeth avait régné arbitrairement sur les deux chambres du corps législatif et sur les Anglais, en puisant dans l'Angleterre le principe de son gouvernement; ainsi François Ier avait régné des

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