Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

suprême de la grande famille dont il est le père. C'est lui-même qui vient donner aux Français une Charte constitutionnelle appropriée à leurs désirs comme à leurs besoins, et à la situation respective des hommes et des choses.

« L'enthousiasme touchant avec lequel le Roi a été reçu dans ses États, l'empressement spontané de tous les corps civils et militaires, ont convaincu Sa Majesté de cette vérité si douce pour son cœur, que la France était monarchique par sentiment et regardait le pouvoir de la couronne comme un pouvoir tutélaire nécessaire à son bonheur.

Sa Majesté ne craint donc point qu'il puisse rester aucun genre de défiance entre elle et son peuple: inséparablement unis par les liens du plus tendre amour, une confiance mutuelle doit cimenter leurs engagements.

« Il faut à la France un pouvoir royal protecteur, sans pouvoir devenir oppressif; il faut au Roi des sujets aimants et fidèles, toujours libres et égaux devant la loi. L'autorité doit avoir assez de force pour déjouer tous les partis, comprimer toutes les factions, imposer à tous les ennemis qui menacent son repos et son bonheur.

« La nation peut en même temps désirer une garantie contre tous les genres d'abus dont elle vient d'éprouver les excès.

« La situation momentanée du royaume, après tant d'années d'orages, exige enfin quelques précautions, peut-être même quelques sacrifices, pour apaiser toutes les haines, prévenir toutes les réactions, consolider toutes les fortunes, amener en un mot tous les Français à un oubli généreux du passé et à une réconciliation générale.

Tel est, Messieurs, l'esprit vraiment paternel dans lequel a été rédigée cette grande Charte que le Roi m'ordonne de mettre sous les yeux de l'ancien Sénat et du dernier Corps législatif.

« Si le premier de ces corps a pour ainsi dire cessé d'exister avec la puissance qui l'avait établi, si le second ne peut avoir sans l'autorisation du Roi que des pouvoirs incertains et déjà expirés pour plusieurs de ses séries, leurs membres n'en sont pas moins l'élite des notables du royaume. Aussi le Roi les a-t-il consultés en choisissant dans leur sein les membres que leur confiance avait plus d'une fois signalés à l'estime publique. Il en a pour ainsi dire agrandi son conseil, et il doit à leurs sages observations plusieurs additions utiles, plusieurs restrictions importantes.

« C'est le travail unanime de la commission dont ils ont fait partie qui va être mis sous vos yeux pour être ensuite porté aux deux Chambres créées par la Constitution, et envoyé à tous les tribunaux comme à toutes les municipalités.

« Je ne doute pas, Messieurs, qu'il n'existe parmi vous un enthou

siasme de reconnaissance qui, du sein de la capitale, se propagera bientôt jusqu'aux extrémités du royaume. »>

Quelques oreilles trouvèrent ces paroles malsonnantes après celles du Roi. Cette insistance à rappeler que les deux corps devant lesquels on lisait la Charte constitutionnelle n'avaient que des pouvoirs éteints blessa plusieurs des auditeurs. Le chancelier allait au delà de la réalité des choses, en présentant la Charte comme une pure concession octroyée par Louis XVIII dans la plénitude de sa puissance. La transaction faite d'abord par le comte d'Artois, ensuite par le Roi luimême avec le Sénat, si elle n'avait pas été publiquement avouée, était connue de plusieurs, évidente pour tous. Ce pouvoir absolu, dont on se montrait si jaloux dans la théorie, avait fléchi dans la pratique. On n'en sauvait les apparences qu'en faisant concéder par le Roi, au nom d'un pouvoir constituant qui n'avait jamais appartenu aux rois de France, dans un pays constitué par des lois anciennes, les droits essentiels à une nation civilisée et éclairée, aussi bien que les concessions que le Sénat impérial, appuyé par l'empereur Alexandre, avait demandées.

Ce discours avait en outre l'inconvénient d'insister sur ce qu'il y avait de faux dans la situation : ce Sénat et ce Corps législatif de l'Empire, qui, en un moment, allaient se trouver transformés en une Chambre des pairs et une Chambre des députés de la monarchie; ce Corps législatif surtout qui allait tenir du Roi les pouvoirs que les électeurs seuls auraient pu lui donner. Il y avait là un fond d'anomalies et de contradictions, entrevues tout d'abord par l'instinct public, et dont la malveillance, toujours si clairvoyante, allait profiter au détriment de la royauté. On subissait déjà les inconvénients de la fausse position qu'on avait acceptée en restant en présence des deux grands corps constitués de l'Empire déchu, au lieu de se mettre en présence de la France.

Le moment était venu de lire la Charte constitutionnelle, en commençant par son préambule. M. Ferrand, en sa qualité de doyen des commissaires du Roi, fut chargé de ce soin. Sa voix, naturellement sourde et encore affaiblie par une maladie récente, trahissait ses efforts'. Sauf quelques généralités du préambule et le mot d'octroi qui plus tard devait soulever tant d'orages, elle fut bien accueillie par la grande majorité des auditeurs; les royalistes proprement dits regrettèrent d'y retrouver la plupart des articles qu'ils avaient critiqués dans la Constitution du Sénat, et des places de sûreté données aux révolutionnaires, à côté de la juste proclamation des droits nécessaires. La dissidence, qui devait plus tard devenir plus profonde, s'annonçait déjà 2.

La lecture de la Charte à peine achevée, M. Ferrand lut une ordonnance qui nommait les nouveaux pairs du royaume. Ils étaient au nombre de cent cinquante-quatre membres. Le Roi, avant de retourner aux Tuileries, entendit les membres de la Chambre des pairs qu'il venait de créer, et ceux du Corps législatif transformé en Chambre des députés, prêter serment de fidélité au Roi, à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume. Il rentra au château enivré des acclamations qui le suivirent et du succès personnel qu'il avait obtenu par son discours. Les ministres, qui l'accompagnèrent jusque dans son cabinet, prolongèrent ce triomphe par leurs félicitations sincères. Louis XVIII, particulièrement jaloux des succès de l'esprit et de la bonne grâce, dut s'endormir ce soir-là avec de riantes pensées.

1. M. Beugnot dit dans ses Mémoires : « En ma qualité d'auteur du préambule, je souffrais plus que je ne peux le dire de la manière dont il lisait. »

2. Voir, aux pièces justificatives, le texte de la Charte et celui du projet de Constitution du Sénat.

LA CHAMBRE DES PAIRS,

ADRESSES.

VI

LA CHAMBRE DES DEPUTĖS.
L'OPINION.

Le moment est venu d'indiquer comment et sur quelles bases on avait fondé la pairie, dans un pays où l'aristocratie de race avait subi de si profondes atteintes avant et surtout depuis la révolution de 1789.

Les noms des anciens pairs siégeant autrefois au parlement de Paris ouvraient la liste dans l'ordre de l'érection des pairies, en commençant par trois pairies ecclésiastiques qui restaient sur les six existant autrefois : l'archevêque de Reims, M. de Périgord, l'évêque de Langres, M. de la Luzerne, l'évêque de Châlons-sur-Marne, M. de Clermont-Tonnerre.

Les trente-six pairies laïques existant en 1788 se trouvaient réduites, par les extinctions de familles, à vingt-six. Celles-ci venaient sur la liste après les trois pairies ecclésiastiques, suivant leur ordre de date. Le duc d'Uzès, 1572; le duc d'Elbeuf, 1582; le duc de Montbazon, 1595; le duc de la Trémouille, 1599; le duc de Chevreuse, 1619; le duc de Brissac, 1620; le duc de Richelieu, 1621; le duc de Rohan, 1652; le duc de Luxembourg, 1662; le duc de Grammont, le duc de Mortemart, le duc de Saint-Aignan, le duc de Noailles, 1663; le duc d'Aumont, 1665; le duc d'Harcourt, 1670; le duc de FitzJames, 1710; le duc de Brancas, le duc de Valentinois, 1716; le duc de Fleury, 1736; le duc de Duras, 1757; le duc de la Vauguyon, 1759; le duc de Praslin, 1762; le duc de La Rochefoucauld, 1770; le duc de Clermont-Tonnerre, 1775; le duc de Choiseul et le duc de Coigny, 1787.

On avait complété ces anciennes pairies en prenant dans

l'ancienne noblesse douze ducs héréditaires, les ducs de Croy, de Broglie, de Laval-Montmorency, de Beaumont, de Lorge, de Croy-d'Havré, de Polignac, de Lévis, de Maillé, de SaulxTavannes, de La Force. On y ajouta six ducs à brevet ', les ducs de Castries, de Noailles, prince de Poix, de Doudeauville, prince de Chalais, duc de Sérent, duc de Montmorency; et six officiers généraux des armées royales, les comtes de Vioménil et de Vaudreuil, le bailli de Crussol, le marquis d'Harcourt, le marquis de Clermont-Gallerande, le comte Ch. de Damas.

La part faite aux représentants de l'ancienne société française dans la Chambre des pairs était donc de cinquante-trois membres sur cent cinquante-quatre, et encore parmi les pairs de cette catégorie il y en avait plusieurs qui appartenaient aux opinions qui dominaient depuis la Révolution.

Quatorze maréchaux de l'Empire, le prince de Wagram, le duc de Tarente, le prince de la Moskowa, le duc d'Albufera, le duc de Castiglione, le comte de Gouvion-Saint-Cyr, le duc de Raguse, le duc de Reggio, le duc de Conegliano, le duc de Trévise, le duc de Dantzick, le comte de Pérignon, le duc de Valmy, le comte Serrurier, représentaient les illustrations militaires de la nouvelle armée, et formaient, avec quatre-vingt-sept membres de l'ancien Sénat impérial, les deux tiers de la nouvelle Chambre des pairs, qui contenait ainsi en tout quatre-vingtonze anciens sénateurs, car sur les quatorze maréchaux il y en avait quatre revêtus de ce titre. La part faite aux hommes issus de la Révolution et de l'Empire dans la Chambre des pairs était donc de cent un membres sur cent cinquante-quatre. Ils avaient une majorité des deux tiers. Tous ces pairs étaient nommés à vie, malgré la faculté que Louis XVIII s'était réservée par la Charte de nommer des pairs héréditaires.

1. Le titre des ducs à brevet était viager.

« ZurückWeiter »