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si longue lutte, la Restauration de la maison de Bourbon était le signal d'une paix nécessaire au monde, et populaire à Londres comme partout. Louis XVIII, sous l'impression de cette réception enthousiaste, du discours affectueux du prince régent qui s'était toujours montré son ami, et à la vue de ces rues pavoisées de drapeaux blancs et de cette population qui avait arboré la cocarde blanche, ne voulut pas rester en retard de courtoisie : « Je prie V. A. R., dit-il au prince régent, d'agréer les plus vives et les plus sincères actions de grâce pour les félicitations qu'elle vient de m'adresser. Je lui en rends de particulières pour les attentions soutenues dont j'ai été l'objet, tant de la part de V. A. R. que de celle de chacun des membres de votre illustre maison. C'est aux conseils de V. A. R., à ce glorieux pays et à la confiance de ses habitants, que j'attribuerai toujours, après la Providence, le rétablissement de notre maison sur le trône de nos ancêtres, et cet heureux état de choses, qui promet de fermer les plaies, de calmer les passions et de rendre la paix, le repos et le bonheur à tous les peuples'. »

Paroles appropriées à la circonstance, en harmonie avec l'impression du moment dans une de ces journées où tous les peuples semblaient ne former qu'une seule famille qui avait un ennemi unique, Napoléon. Plus modérées même que celles du Sénat devant l'empereur Alexandre, comparé à Antonin et à Trajan, et exalté comme un libérateur au moment où il entrait à Paris en conquérant; justes d'ailleurs envers le prince régent, qui avait toujours montré une amitié sincère au Roi et un dévouement chevaleresque à la famille de Bourbon, ces paroles surfaisaient cependant la reconnaissance de Louis XVIII envers le gouvernement anglais, dont il avait eu souvent à se plaindre et dont il s'était plaint 2, et elles avaient.

1. Il y a plusieurs versions; nous prenons celle du Moniteur.

2. Louis XVIII écrivait, en 1799, dans ses Réflexions au sujet de l'agence de Uist, de la Restaur. J.

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en outre le grave inconvénient de sacrifier à l'effet présent l'effet à venir. En effet, une fois l'enivrement de la paix tombé, on pouvait les tourner contre le Roi de France, et les représenter comme un acte de vasselage envers l'Angleterre, en les détachant de la circonstance où elles avaient été dites, du discours du prince régent qui les avait provoquées, comme ces figures qui, ôtées d'un tableau où elles sont encadrées, perdent leur physionomie.

Louis XVIII donna au prince Régent l'ordre du Saint-Esprit, et reçut de lui l'ordre de la Jarretière. Le prince anglais voulut reconduire son hôte jusqu'à Douvres, lieu choisi pour son embarquement. Toute la route, depuis Londres jusqu'à ce port, était couverte d'une population qui prodiguait à Louis XVIII ses témoignages de sympathie. Ces manifestations devinrent encore plus vives à Douvres, comme si l'Angleterre se hâtait de profiter des derniers instants. C'était une de ces heures bien rares dans l'histoire, où la paix se fait dans les cœurs, comme dans les intérêts, et où les peuples se remettent mutuellement leurs vieux souvenirs de discordes et de haines, et ces longues blessures qui ont saigné sur toutes les pages de leurs annales, pour se rappeler qu'ils appartiennent tous à la grande famille humaine, venue de Dieu et appelée à se trouver un jour réunie dans son sein paternel.

Le 23 avril 1814, Louis XVIII s'embarqua avec madame la duchesse d'Angoulême, le prince de Condé, le duc de Bourbon et les fidèles serviteurs de son exil, sur le Royal-Sovereign; le duc de Clarence l'escortait, sur la frégate le Jason, avec huit

Souabe, adressées à M. de Saint-Priest: « Je crois que le ministère britannique a fomenté et peut-être payé les commencements de la révolution, mais je crois aussi qu'il a enfin senti son propre danger. Mais ce sentiment est accompagné de deux autres qui en entravent les mouvements: 1° l'orgueil qui lui persuade qu'il peut tout faire à lui seul; 2o cette ancienne jalousie qui lui fait craindre que la monarchie hérite des forces qu'il voit déployer à la république.

vaisseaux de ligne anglais. La mer était au loin couverte d'embarcations pavoisées de drapeaux blancs et de blanches banderoles qui flottaient au vent; l'artillerie des forts tonnait, et du haut du château de Douvres, le Régent, suivant de l'œil le navire sur lequel était monté son hôte, lui adressait les derniers signaux d'adieu, au bruit des acclamations qui accompagnèrent le Royal-Sovereign jusqu'à ce qu'il eût disparu à l'horizon. Peu de temps après le moment où le bruit des salves anglaises cessa d'arriver aux oreilles de Louis XVIII, il commença à entendre le bruit lointain de l'artillerie française, qui lui souhaitait la bienvenue dans le royaume de ses aïeux. Bientôt la mer disparut sous les embarcations sorties du port de Calais; il semblait que la France, pressée de revoir les Bourbons, après vingt-cinq ans d'absence, s'élançât au-devant d'eux. Puis le rivage se dessina de plus en plus; les remparts de la ville, le littoral, tous les points culminants étaient couverts d'une multitude innombrable accourue pour saluer les premiers pas de Louis XVIII sur le sol de la patrie. Il faisait une de ces belles journées de printemps qui ouvrent les cœurs à la joie, et la nature, par cette renaissance de chaque année, qui perpétue jusqu'au temps marqué par Dieu son inépuisable jeunesse, semblait inviter les nations qui, elles aussi, refleurissent sur les débris des générations moissonnées, à renaître à la confiance, à la joie, au bonheur et à tous les arts féconds de la paix. Ce fut un moment doublement solennel que celui où, du rivage de Calais, on aperçut le navire royal marchant majestueusement à la tête de son escorte, et où du navire le Roi, la fille de Louis XVI, le prince de Condé et son fils le père du due d'Enghien aperçurent la France. Sur le navire, tous les regards se dirigeaient vers le rivage; sur le rivage, tous les bras étaient tendus vers le navire, tous les yeux attachés sur le Roi debout. sur le pont à côté de la fille de Louis XVI et au milieu des princes de sa famille et des serviteurs de sa maison. C'était

comme un mutuel embrassement succédant à une longue séparation.

Quand le Roi descendit du navire et qu'on le vit s'appuyer comme autrefois, dans les plaines glacées de la Lithuanie, sur le bras de l'orpheline du Temple, les clameurs redoublèrent avec l'émotion. Puis, à un geste que fit Louis XVIII, on comprit qu'il voulait parler, et, de proche en proche, le bruit tomba, comme les flots d'une mer qui s'apaise, et le silence s'établit. Alors, d'une voix forte et vibrante, le Roi jeta à la foule ces paroles qui, entendues au loin, se répandirent de rang en rang « Après vingt ans d'absence, le ciel me rend mes enfants, le ciel me rend à mes enfants. Allons dans son temple en remercier Dieu. » Le maréchal Moncey, comme doyen des maréchaux, avait été envoyé au-devant du Roi; le général Maison, qui commandait dans le Nord, était accouru sur le rivage; ce fut le premier des officiers généraux qui offrit son épée au Roi. La mauvaise fortune de la maison de Bourbon devait le rencontrer sur sa route, dans d'autres temps et d'autres circonstances, avec une autre mission. Le Roi, la duchesse d'Angoulême, le prince de Condé et le duc de Bourbon montèrent dans une calèche découverte et furent ainsi conduits au milieu des acclamations, et sous une voûte de drapeaux blancs et de couronnes, à la principale église de Calais. La ville, voulant garder le souvenir de cette journée mémorable, décida qu'une plaque de bronze, portant l'empreinte du pied du Roi, serait placée au lieu même où Louis XVIII, en descendant du navire, avait touché le sol, et que vis-à-vis on élèverait un monument destiné à rappeler la date du 24 avril.

V

LOUIS XVIII EN FRANCE. -CALAIS.-COMPIÉGNE. -SAINT-OUEN.

PARIS.

Louis XVIII quitta Calais le surlendemain. Toutes les villes qu'il traversa en suivant la route de Paris, Boulogne, où il coucha le jour de son départ, Abbeville, où il séjourna le 27 avril, Amiens, où il s'arrêta le 28, le reçurent avec les mêmes démonstrations'. Les bourgs, les villages se levaient à son approche, et ce fut au milieu d'une double haie de population qu'il arriva le 29 avril à Compiègne. C'était là que l'attendait la politique.

Le problème que les acclamations populaires semblaient avoir résolu restait entier. Quelle solution le Roi lui donneraitil? Était-ce celle représentée par M. Pozzo di Borgo qui, depuis Londres, ne l'avait pas quitté? Était-ce la solution représentée par M. de Bruges? Pendant tout son voyage, les dépêches de M. de Talleyrand étaient venues presser sa résolution. L'égoïsme prenait la forme désintéressée du zèle. Il n'y avait pas, disait-on, un moment à perdre. Il fallait fixer les hésitations de l'opinion par une acceptation immédiate de l'autorité nationale, sauf les modifications nécessaires que le Roi apporterait à la rédaction de l'acte fondamental, en s'entourant du Sénat; lier l'armée dont l'esprit était douteux là où il n'était pas mauvais; couper court aux incertitudes et aux intrigues en annonçant le jour où le Roi prêterait serment à la Consti

1. "

Le Roi et Madame la duchesse d'Angoulème prirent la route de Compiègne. Partout ils furent reçus avec des transports de joie. (Mémoires du duc de Raguse, tome VII, page 17.)

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