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à Tours. La mission des commissaires royaux était, d'après les termes du décret de leur institution, « de répandre dans le pays la connaissance exacte des événements qui avaient rendu la France à ses souverains légitimes, d'assurer l'exécution de tous les actes du gouvernement provisoire; de prendre toutes les mesures que pourraient exiger les circonstances pour faciliter l'établissement et l'action du gouvernement; de recueillir les renseignements les plus précis sur toutes les parties de l'ordre public. » Leurs pouvoirs étaient presque discrétionnaires. «Toutes les autorités civiles et militaires devaient leur obéir; ils pouvaient suspendre ou révoquer provisoirement les dépositaires et les agents de l'autorité publique de tous les rangs; ils avaient le droit de prononcer la mise en liberté immédiate de tous les individus détenus par ordre des autorités impériales pour faits politiques. » Le comte d'Artois leur avait dit à leur départ : « Portez au peuple l'espérance, et rapportez au Roi la vérité. »

Les dispositions personnelles de chacun d'eux, et le milieu dans lequel il se trouva transporté, exercèrent naturellement une action sur le résultat de cette mission donnée à des hommes dont les précédents et les opinions différaient, et qu'on envoyait dans des départements qui n'avaient rien de semblable. Mais sauf les manifestations d'ailleurs inoffensives du Midi et de l'Ouest contre la Constitution du Sénat, qui n'avait du reste encore aucun caractère légal, il n'y eut aucun trouble, à plus forte raison il n'y eut pas de réactions violentes. Tout se borna à des modifications administratives inévitables le lendemain de si grands changements politiques; encore ne furent-elles pas nombreuses. La plupart des fonctionnaires de l'Empire, habitués à l'obéissance passive, affichaient un grand zèle pour le nouveau pouvoir sous lequel ils voulaient garder leurs emplois. Ce n'était point à tel ou tel gouvernement qu'ils étaient dévoués, c'était au gouvernement.

Au nombre des instructions des commissaires royaux, était celle de rétablir le payement des contributions. Le trésor était dans une grande pénurie, et l'on ne pouvait aller longtemps avec les faibles ressources que M. Dudon avait rapportées d'Orléans. On était dans l'arbitraire financier, comme dans l'arbitraire politique, entre un gouvernement récemment tombé et un gouvernement à naître. Pouvait-on appeler un Sénat et un Corps législatif, qui non-seulement n'étaient pas en nombre, mais dont les pouvoirs n'existaient qu'en vertu d'une Constitution qui n'était pas en vigueur, à se prononcer sur une question d'impôt? Le comte d'Artois et son conseil ne le pensèrent pas. Le nom seul de gouvernement provisoire indiquait qu'on pourvoyait par des expédients temporaires à une situation transitoire où il n'y avait rien de régulier ni de légal. Le comte d'Artois décida que les contributions continueraient d'être perçues provisoirement sur le même pied; seulement on diminua les droits réunis d'un dixième, pour donner un commencement d'exécution à une promesse souvent répétée par Monsieur. Il ordonna en outre l'émission de dix millions de bons du trésor afin de pourvoir aux besoins les plus pressants. Malgré les embarras de la situation, la confiance inspirée par le rétablissement de la paix et le retour des Bourbons était si grande, que les fonds ne cessaient de monter, ils étaient cotés à 45 la veille de la capitulation de Paris, ils montèrent à 65 le lendemain de l'entrée du comte d'Artois.

Le dernier acte important du gouvernement provisoire fut la convention signée le 23 avril entre le lieutenant général du royaume et les puissances coalisées. On a dit que puisqu'on avait attendu jusque-là, il fallait attendre jusqu'à l'arrivée de Louis XVIII, en laissant les choses dans le statu quo. Ce statu quo, il ne faut pas l'oublier, était déplorable; c'était l'occupation et l'oppression de la moitié de la France par la domination étrangère, et les villes et les campagnes soumises à un

régime d'arbitraire, de contribution militaire et d'avanies. L'article 8 de la convention stipulait que l'administration des départements militairement occupés serait remise aux autorités françaises'. C'était leur délivrance. En outre, quelque dures qu'on puisse trouver les conditions souscrites, elles étaient beaucoup moins dures que celles du congrès de Châtillon 2, et Napoléon avait en dernier lieu autorisé le duc de Vicence à les signer. Les souverains exigèrent-ils que la convention fût immédiatement souscrite? La fortune des armes les mettait en position d'obtenir ce qu'ils exigeaient, et l'on ne pouvait, dans l'état de dislocation où se trouvaient l'armée et la France, recommencer la guerre pour conserver un matériel et des arsenaux qu'on cédait par la convention. M. de Talleyrand montra-t-il un empressement d'autant plus inexcusable qu'il aurait été intéressé à accepter des conditions fâcheuses? On l'a dit, et sa mauvaise renommée a autorisé ces bruits; mais il faut tenir compte de la disposition du public à chercher derrière tout malheur national une trahison. Ce qu'il y a de certain, c'est que la responsabilité de cette convention pèse sur M. de Talleyrand qui en fut le négociateur, et non sur le comte d'Artois qui, nouveau venu

1. L'article 8 de la convention du 23 avril était ainsi conçu : « Il sera fait remise par les cobelligérants, après la signature du présent acte, de l'administration des départements ou villes actuellement occupés par leurs forces, aux magistrats nommés par S. A. R. le lieutenant général du royaume de France. Les autorités royales pourvoiront aux subsistances et besoins des troupes jusqu'au moment où elles auront évacué le territoire français, les puissances alliées voulant, par un effet de leur amitié pour la France, faire cesser les réquisitions militaires, aussitôt que la remise au pouvoir légitime aura été effectuée. Le blocus des places fortes en France sera levé sur-le-champ par les armées alliées. 2. Par l'article 6 du projet de convention de Châtillon, les puissances exigeaient, on l'a vu, que Napoléon remît les forteresses et forts des pays cédés et ceux qui étaient encore occupés par les troupes en Allemagne, sans exception, et que les places et forts fussent remis dans l'état où ils étaient, avec toute leur artillerie, munitions de guerre et de bouche, archives, etc. Napoléon devait remettre en outre aux coalisés les places de Besançon, Béford, Huningue, pour être gardées en dépôt comme Strasbourg, Metz et Thionville, jusqu'à la ratification définitive de la paix.

en France, nécessairement inexpérimenté dans les affaires, n'en fut que le signataire confiant.

Voici les principaux articles de la convention du 23 avril, publiée dans le Moniteur du 24 du même mois :

« Aujourd'hui ont été ratifiées, par S. A. R. Monsieur, frère du Roi, lieutenant général du royaume, des conventions avec chacune des puissances alliées. En voici le texte :

« Les puissances alliées, réunies dans l'intention de mettre un terme aux malheurs de l'Europe, ont nommé des plénipotentiaires pour convenir d'un acte, lequel, sans préjuger les dispositions de la paix, renferme les stipulations d'une suspension d'hostilités, et qui sera suivi, le plus tôt que faire se pourra, d'un traité de paix. Ces plénipotentiaires, après l'échange de leurs pouvoirs, sont convenus des articles suivants : a ARTICLE PREMIER. Toutes hostilités sur terre et sur mer sont et demeurent suspendues entre les puissances alliées et la France.

« ART. 2. Pour constater le rétablissement des rapports d'amitié entre les puissances alliées et la France, et pour la faire jouir d'avance, autant que possible, des avantages de la paix, les puissances alliées feront évacuer, chacune par leurs armées, le territoire français tel qu'il se trouvait au 1er janvier 1792, à mesure que les places encore occupées hors de ces limites par les troupes françaises seront évacuées et remises aux alliés.

« ART. 3. Le lieutenant général du royaume de France donnera en conséquence, aux commandants de ces places, l'ordre de les remettre, de manière à ce que la remise totale puisse être effectuée au 1er juin prochain. Ils peuvent emmener l'artillerie de campagne dans la proportion de trois pièces par chaque mille hommes, malades et blessés compris.

« La dotation des forteresses, et tout ce qui n'est pas propriété particulière, demeurera et sera remise en entier aux alliés, sans qu'il puisse en être distrait aucun objet. Dans la dotation sont compris, non-seulement les dépôts d'artillerie et de munitions, mais encore toutes autres provenances de tout genre, ainsi que les archives, inventaires, plans, cartes, modèles, etc.

ART. 4. Les stipulations de l'article précédent seront également appliquées aux places maritimes. »

Enfin venait l'article 8, plus haut cité, qui restituait à l'administration nationale toutes les portions de notre territoire régies par l'administration étrangère.

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Les sacrifices souscrits par la convention du 23 avril 1814 étaient considérables. L'impression publique fut douloureuse. On avait presque oublié qu'il y avait des vainqueurs et des vaincus, la convention du 23 avril le rappelait. Après cet échange de paroles généreuses du côté d'Alexandre, laudatives de la part du Sénat, la loi du plus fort reparaissait il fallut la subir; mais le contre-coup fut défavorable à Monsieur, sur lequel on reporta la responsabilité d'un consentement qu'il ne pouvait refuser. On eût dit qu'il avait créé la situation désastreuse dont la convention du 23 avril n'était que l'expression diplomatique.

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LOUIS XVIII, SES PRÉCÉDENTS, SES IDÉES, SON CARACTÈRE. NÉGOCIATIONS QUI PRÉCÉDENT SON RETOUR,

Il n'y avait encore en France que du provisoire, on attendait avec impatience du définitif. Il ne pouvait venir que d'Hartwell. Les yeux commençaient à se fixer sur cette résidence, un mois auparavant complétement inconnue à la France, et qui devenait le point de mire de tous les regards, de tous les efforts en sens contraires, de toutes les ambitions, de toutes les espérances; car c'est de là qu'allait arriver l'avenir du pays. Quel était le prince qui allait régner sur la France? Quelle avait été sa vie dans l'exil? Quels étaient son caractère, ses aptitudes, ses idées? Telles étaient les questions qui se posaient devant les esprits. Il faut y répondre.

Louis XVIII était un prince plein du sentiment de son droit. Ce sentiment, comme une force invincible, l'avait soutenu pendant les longues épreuves de l'exil. Il avait foi dans le principe monarchique; il n'avait pas cessé d'espérer, parce qu'il

Hist, de la Restaur. 1.

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