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mation du prince de Schwarzenberg sous les murs de la capitale de la France respire le même sentiment, la ferme volonté de ne déposer les armes que lorsqu'on aurait la confiance d'avoir assuré définitivement le repos de l'Europe, qui n'en pouvait plus de fatigue.

C'était là l'arrêt de la perte de l'empereur Napoléon. La France et toutes les nations de l'Europe voulaient passionnément la paix, et il était la guerre. Ce n'était pas seulement chez lui une affaire de génie et de tempérament, c'était une affaire de nécessité. Le principe de son gouvernement était le principe militaire. Dans un temps et dans un pays où toutes les idées avaient été remuées par une révolution qui avait jeté dans les esprits des germes d'indépendance, la passion de la liberté et de l'égalité, et l'habitude d'un libre examen, toutes les supériorités d'institution sociale étant détruites, il ne restait plus pour gouverner que la supériorité naturelle du génie, constatée chaque jour par un triomphe; et, tous les principes politiques ayant été mis de côté, on ne pouvait plus guère trouver le nerf de l'autorité souveraine que dans une armée victorieuse. S'il n'avait pas eu lui-même le sentiment de sa position, le succès momentané de la conspiration de Mallet, qu'il apprit au milieu de ses désastres de Russie, la lui aurait révélée. Cesser de vaincre, de dominer l'Europe, c'était pour lui cesser de régner, car c'était au moyen de ces victoires, de cette domination européenne qu'il gouvernait à l'intérieur. Il avait des compagnons de guerre qui aspiraient à devenir ses égaux, et des instruments qui se changeaient en obstacles dès qu'il n'était plus le vainqueur et le dominateur de l'Europe. Il ne pouvait donc rester sous le coup de ses derniers revers, et le sentiment vrai de sa position lui dictait les paroles, déjà citées, qu'il adressait à ceux qui lui proposaient d'accepter l'ultimatum qu'on lui imposait au congrès de Châtillon : «Que serai-je pour les Français quand j'aurai signé leur

humiliation? Que pourrai-je répondre aux républicains du Sénat, quand ils viendront me demander leur barrière du Rhin? » Il avait dit, un peu moins d'un an auparavant, dans le même sens, à M. de Metternich, dans cette autre conférence de juin 1813, qui exerça une si grande influence sur sa destinée : « Vos souverains nés sur le trône ne peuvent pas me comprendre. Quand ils rentrent battus dans leurs capitales, il n'en est ni plus ni moins pour eux; moi, je ne suis qu'un soldat, il faut que je me présente toujours devant mon peuple glorieux et admiré ',» tant cette conviction était profonde.nent gravée dans son esprit.

Pour la France comme pour l'Europe, vouloir la paix, c'était donc exclure Napoléon. Les effets logiques de cette nécessité perpétuelle de guerres et de victoires ne lui avaient pas été moins préjudiciables qu'à l'Europe. Ce n'était pas l'intérêt français qui commandait ces expéditions sans cesse renaissantes; car l'intérêt d'un peuple n'est pas d'élargir sans fin son territoire contre les lois mêmes de la politique, les droits des nationalités, et enfin la nature des choses, mais d'exercer une action légitime dans les destinées générales et de trouver sa part de vie morale et intellectuelle et la somme de jouissance et de bien-être que Dieu lui a attribuées. Le mobile de la politique de Napoléon, dans la seconde partie de son règne, ce fut l'intérêt de l'extension de la puissance napoléonienne la France n'était plus le but de cette politique, elle en était devenue le moyen. Il devait donc arriver, par le progrès logique des événements, une situation dans laquelle la lassitude de la France laisserait tomber les barrières devant l'action désespérée de l'Europe.

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Tel était l'ensemble des causes générales qui dominaient les volontés particulières au moment de la capitulation de

1. Histoire de l'Empire, par M. Thiers, tome XVI, page 68.

Paris. Vouloir la paix pour l'Europe, c'était exclure Napoléon, et par suite sa dynastie, car une régence napoléonienne n'aurait servi qu'à préparer le retour de l'Empereur. Vouloir la paix, c'était pour la France rejeter Napoléon et la régence napoléonienne, car la régence napoléonienne ramenait Napoléon qui ramenait la guerre.

Il faut ajouter que, pour l'Europe, vouloir une paix solide et durable, c'était consentir au retour des Bourbons; que, pour la France, vouloir la paix aux conditions les plus avantageuses et les plus honorables qui pussent être obtenues, c'était le demander.

On n'improvise pas un gouvernement pour une nation. La peine qu'avait eue la France à s'en faire un, quand elle s'écarta de sa tradition politique, les sacrifices auxquels elle avait dû souscrire, le joug sous lequel elle avait dû ployer, attestent assez haut cette vérité. Les frais d'établissement dynastique que l'empereur Napoléon crut devoir faire en guerres et en victoires en sont une nouvelle preuve. L'Europe ne pouvait signer une paix sur la durée de laquelle il fût possible de compter qu'avec un gouvernement qui aurait des chances de vie et de durée. La France ne pouvait arracher aux appréhensions de l'Europe une paix honorable qu'en se donnant un gouvernement sur la loyauté et sur la vitalité duquel on pût faire quelque fondement.

Les Bourbons répondaient seuls à ce double besoin. Louis XVIII était dans des conditions incomparables pour traiter avec l'Europe. Il était lui-même une des victimes de la révolution française et des guerres de l'Empire; on ne pouvait donc lui en faire porter la peine. En outre, il était placé par la puissance de son droit et par l'antiquité de sa race de niveau avec ceux qui traitaient avec lui. Ce n'était pas un tròne qu'on lui donnait, et que, par conséquent, on aurait eu le droit de lui faire acheter; c'était son trône qu'il repre

rope;

nait. Cela seul mettait une distance incalculable entre la Restauration et toutes les autres combinaisons. Tout autre que Louis XVIII n'eût été sur le trône que le lieutenant de l'Euil y montait, lui, comme le successeur de Louis XIV, et non comme l'élu de la coalition. En même temps, il pouvait donner à l'Europe la garantie d'un principe politique, et, par conséquent, elle devait exiger moins de garanties matérielles en présence d'une haute garantie morale. A la France il donnait la garantie d'un caractère royal qui avait noblement soutenu l'épreuve de l'adversité, et, au moment où l'épée de Napoléon, échappée de ses mains, cessait de la couvrir, il étendait sur elle le sceptre de Louis XIV. Enfin la famille incontestable, comme l'appela Benjamin Constant, pouvait, en vertu de la force morale de son principe, essayer de donner à la France une autre espèce de gouvernement que le gouvernement militaire. Le droit supporte le voisinage du droit; l'autorité légitime, fondée non sur la volonté passagère du moment, mais sur la raison traditionnelle des siècles, peut seule supporter le voisinage d'une honnête liberté. Or, après tant d'années de compression, la liberté n'était guère moins nécessaire à l'intérieur que la paix au dehors.

Que pouvait-on trouver, non de mieux, mais même d'aussi avantageux, ou plutôt que pouvait-on trouver en dehors de cette combinaison? La république, à laquelle Alexandre avait songé un instant? Ni la France ni la coalition n'en voulaient; elle effrayait tout le monde. Une autre dynastie? Laquelle? Où la trouver, si on excluait les Bourbons et les Bonapartes? Le gouvernement du Sénat conservateur? C'eût été une moquerie, et il eût bientôt péri sous la risée publique. C'est en vain que l'on cherche, on n'aperçoit rien. Les Bourbons étaient la paix, comme les Bonapartes étaient la guerre. La nécessité de la paix rappelait Louis XVIII, comme elle excluait Napoléon. Ce n'était point la force des hommes qui poussait le problème

vers cette solution; c'était ce que les politiques appellent la force des choses, et les chrétiens la Providence.

VI

ENTRÉE DES COALISÉS A PARIS.-DECLARATION DU 31 MARS. DÉCHÉANCE DE NAPOLÉON.

Le 31 mars, à sept heures du matin, la députation municipale de Paris fut introduite auprès de l'empereur Alexandre : parmi ses membres figurait un parent de Malesherbes, Christian de Lamoignon. L'empereur Alexandre accueillit les mandataires de Paris avec beaucoup de bienveillance, et leur dit qu'il les attendait la veille au soir. Ils répondirent qu'ils avaient appris trop tard la signature de la capitulation militaire pour se présenter plus tôt. Alors l'empereur leur adressa ces paroles qui confirmaient et développaient celles du prince de Schwarzenberg:

« Votre empereur, qui était mon allié, est venu dans le cœur de mes États y apporter des maux dont les traces dureront longtemps; une juste défense m'a amené jusqu'ici. Je suis loin de vouloir rendre à la France les maux que j'en ai reçus. Je suis juste, et je sais que ce n'est pas le tort des Français. Les Français sont mes amis, et je veux leur prouver que je viens leur rendre le bien pour le mal. Napoléon est mon seul ennemi. Je promets une protection spéciale à la ville de Paris; je protégerai, je conserverai tous les établissements publics; je n'y ferai séjourner que des troupes d'élite; je conserverai votre garde nationale, qui est composée de l'élite de vos citoyens. C'est à vous d'assurer votre bonheur à venir; il faut vous donner un gouvernement qui vous procure le repos et qui le procure à l'Europe. C'est à vous d'émettre

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